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Chronique judiciaire : le procés de l'assassinat de Jean- Michel German

Acquittement général au procés de Jean - michel German
Acquittement général au procès de l’assassinat de Jean-Michel German

Durant deux semaines, cinq hommes ont été jugés devant la cour d’assises de Corse-du-Sud pour « le guet-apens d’Alata » survenu en 2016


Rappel des faits
Le 7 septembre 2016, Jean-Michel German est abattu à Alata, devant le domicile de sa compagne. aux alentours de 08 heures du matin. Ce mécanicien de 35 ans, qualifié d’homme « sans histoire » hormis son passé de toxicomane, est atteint de trois décharges de chevrotine.
Quelques minutes après le meurtre un véhicule, une Citroën C4, est retrouvé incendié. Des armes se trouvent sur le siège arrière. Mais, fait rarissime dans ce genre d’affaire, la voiture était suivie par les policiers dans le cadre d'une tentative d'assassinat perpétrée trois semaines plus tôt.
Le soir même de l’assassinat, 5 hommes sont arrêtés.


« Équipe montante »
Ils ont entre 28 et 36 ans. Tous ont un casier judiciaire, certains sont déjà pères de familles. Ils sont qualifiés par l’accusation « d’équipe montante » du banditisme insulaire,
Mickaël Carboni, Mickaël Sanna et Sébastien Caussin, détenus, doivent répondre d’« assassinat », d’« association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime », mais également de délits reliés au véhicule utilisé par les tueurs ; Ange-Marie Gaffory et François Cay, placés dans ce dossier sous contrôle judiciaire, ne sont pas poursuivis pour homicide, mais pour ces dernières infractions. Les accusés, « ancrés dans la délinquance organisée et qui n’appartiennent ni au clan Orsoni ni au Petit Bar », selon une source policière, nient les faits qui leur sont reprochés.

Le meurtre serait lié, selon l’accusation, à un différend qui aurait opposé Ange-Marie Gaffory à la victime il y a plusieurs années.
Les recherches entreprises à partir des antécédents judiciaires de Jean-Michel German montraient en effet que ce dernier, interpellé en 2006 au cours d’une transaction de stupéfiant, avait mis en cause Ange-Marie Gaffory comme étant son fournisseur habituel.

Un procès verbal de renseignement anonyme relate qu’Ange-Marie Gaffory aurait contraient Jean-Michel German à vendre des stupéfiants pour son compte, afin de se racheter de la dénonciation dont ce dernier avait été l’auteur.
Quelques jours avant d’être assassiné, Jean-Michel German aurait été relancé par Mickaël Carboni alors qu’il se trouvait au « Bar des lacs » à Pietralba, à Ajaccio. La victime aurait refusé de payer et la discussion aurait dégénéré en une violente dispute, avec échange de coups.



La sonorisation du véhicule

Quelques minutes après le meurtre, un véhicule est signalé en feu dans un chemin de terre au lieu-dit de Pisciu, commune d’Alata, à quelques kilomètres du lieu des tirs. Il s’agit d’un véhicule de marque Citroen, de type C4, volée.
Dans le cadre d’une information judiciaire antérieure concernant les mêmes individus, ce véhicule était géolocalisé et équipé de micro depuis le mois de juillet 2016, soit deux mois avant les faits.

Dans le court laps de temps séparant la fuite de auteurs et la mise à feu du véhicule, deux enregistrement sont exploités. Ils ont d’ailleurs été diffusés dans la salle d’audience. Le premier dure environ une minute, entre 8h04 et 8h05 le matin des faits. On y distingue la voix d’un premier individu disant « Ouais, faut couvrir là! prends le à la main! » Puis, après plusieurs bruits de crissements de pneu, un autre individu s’exclame « Allez sa mère par terre! » Cette voix, selon les enquêteurs, est celle de Sébastien Caussin.

Le second enregistrement, qui dure de 08h08 à 08h09, correspond au moment où le véhicule a été incendié par ses occupants. On y entend alors un bruit d’une portière qui s’ouvre, immédiatement suivi d’une voix masculine susceptible selon les enquêteurs de correspondre à celle de Mickaël Carboni, ordonnant à ses interlocuteurs « Arrachez les plaques! Donnez-moi l’essence! Descends! »

Les surveillances mises en place dans le cadre de l’autre affaire permettent également de constater que le jour du meurtre, la C4 quittait la gare de Carbuccia en direction du terrain de Sébastien Caussin. Plus lard, elle quitte ce même terrain pour se diriger vers la scène de crime.

Le jour des faits, les policiers surveillent la fameuse C4. À 8 heures, ils ont entendu les coups de feu et ont vu la C4 quitter à très vive allure le lotissement. Ils affirment alors avoir distingué à bord deux individus porteurs de lunettes noires et casquettes. Sans pouvoir dire de qui il s’agissait, et surtout sans avoir pu intervenir.


Entre failles et indices

Dès l'ouverture de l'audience, les débats ont tourné autour du témoignage de l'ancien chef de la brigade de recherche et d'intervention (BRI) de Corse. Un témoin majeur selon la défense, mais également la partie civile, puisque des hommes de la BRI, au moment des faits, surveillaient le véhicule géolocalisé et sonorisé par la police. L'ancien chef de la BRI a fourni un certificat médical, faisant état d'une "dépression" pour justifier son absence des débats. « Ce policier était censé être le porte-parole de ceux qui étaient sur place et aujourd'hui on nous dit que le porte-parole n'est pas là. Autrement dit, que les droits de la défense sont complètement bafoués. Nous avions plein de questions à lui poser. Pourquoi ils ne sont pas intervenus pour éviter que l'irréparable soit commis ? Ou encore, pourquoi n'ont-ils pas poursuivi les auteurs après ?", déplore Me Romani, avocat de Sebastien Caussin-Carbuccia.

« Cette affaire n’a pas été instruite dans la sérénité dans la mesure où la BRI et la PJ locale suivaient le véhicule des tueurs. Ils n’ont pas procédé aux interpellations pour des raisons qui nous échappent et ils vont d’ailleurs devoir justifier cet impair », fustige également Me Antoine Vinier Orsetti, conseil de Mickaël Sanna.

Pour ses avocats Me Charlotte Cesari et Me Jerome Susini, la mise en cause de Mickaël Carboni repose principalement sur la sonorisation du véhicule. Toutefois,ils dénoncent la mauvaise qualité des enregistrements, insuffisants pour condamner un homme.

Selon eux, les bandes sonores ont été expertisées et les enregistrements ne permettent pas d'identifier la voix de M. Carboni, le jour des faits, contrairement à ce qu’affirment les enquêteurs.


Un acquittement général

Durant les deux semaines d’audience, les 5 hommes ont fait part de leur volonté de « retrouver leur famille » et de mener « une vie normale ». Tour à tour, ils ont pris la parole pour clamer leur innocence. « Je n’étais pas dans cette voiture le jour de l’assassinat. Je reconnais être monté dans la C4 trois fois mais je ne savais pas qu’elle était volée », déclare Mickaël Sanna tandis que Sébastien Caussin reconnait savoir des choses qu’il gardera pour lui : « Je connais des gens qui m’ont demandé d’héberger la voiture volée sur mon terrain. Ils sont probablement impliqués dans cet assassinat, mais je ne dirai rien. »

Lors de son réquisitoire, l’avocate générale qui déclare vouloir « repositionner les éléments tangibles de l’enquête » affirme que « ce n’est pas de l’imagination quand on entend « Arrache les plaques! » et qu’on retrouve une voiture calcinée avec les plaques arrachées. »

Il lui aura fallu 4 heures pour lister les éléments qui, selon elle, prouvent la culpabilité des 5 hommes. Toutefois, des questions restent sans réponses : « On veut rentrer dans le grand banditisme et pour faire une carrière il faut conclure un pacte de sang. Mais je n’ai aucune réponse à la question « Pourquoi? » »

25 ans sont demandés à l’encontre de Mickaël Carboni, 20 ans pour Mickael Sanna et Sebastien Caussin, 10 ans pour Ange-Marie Gaffory et 4 ans à l’encontre de Francois Cay.


Ce sont de toutes autres peines qui ont finalement été prononcées. La cour d'assises de Corse-du-Sud a en effet acquitté les cinq accusés. Le soir-même, ceux qui comparaissaient détenus ont pu rejoindre les leurs, après 5 années de détention.
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