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La fin de vie toujours en suspens

Alors que la pandémie n'a toujours pas dit son dernier mot........
La fin de vie toujours en suspens

Alors que la pandémie n’a toujours pas dit son dernier mot et contraint au confinement pour éviter les morts, l’Assemblée nationale s’est déchirée sur l’euthanasie. En dehors de l’hémicycle, le débat n’a pas été moins passionné. Si on n’est pas libre de vivre, on n’est pas davantage libre de choisir de ne plus vivre. Le sujet est loin de faire l’unanimité.


Le pour et le contre

De nombreuses personnalités ont fait entendre leur opinion sur ce sujet. Parmi les détracteurs polémistes, l’écrivain Michel Houellebecq qui a publié une tribune contre la fin de vie assistée dans les pages du Figaro. Il accuse notamment les défenseurs du texte de vouloir faire des économies, au prétexte que le maintien en vie des très vieilles personnes coûte cher à la collectivité. Selon l'écrivain, la légalisation de l'euthanasie représenterait une rupture anthropologique et rien de moins qu'un effondrement civilisationnel. Au contraire, pour Gaspar Koenig, philosophe libéral, la légalisation du suicide assisté est la confirmation du droit des humains à disposer de leur corps. D’autres personnalités se sont exprimées en faveur de l’euthanasie. Comme Line Renaud qui ne souhaite pas être prolongée inutilement. Ou Françoise Hardy qui estime que c’est humain d’abréger les souffrances, quand il n’y a aucun espoir. Plus proche du débat, Christiane Muretti, déléguée régionale adjointe de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), a demandé aux députés corses de s’exprimer en faveur de la loi. Ils font partie des cosignataires. La cause avance, à pas mesurés. En Corse, l’ADMD compte un millier d’adhérents.


Ce que dit la loi

En France, aujourd’hui, la fin de vie est encadrée par loi Leonetti adoptée en 2005 et amendée en 2016. Contrairement à la Belgique, les Pays-Bas ou la Suisse, l’euthanasie dite active et le suicide assisté sont des pratiques condamnées. Actuellement, seule une sédation profonde, pouvant entraîner la mort, est autorisée par la loi. La proposition du député Olivier Falorni (groupe Libertés et Territoires) prévoit que « toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable », peut demander une « assistance médicalisée » pour mourir « par une aide active ». Cette proposition de loi est en faveur d’une fin de vie libre et choisie. Immédiate levée de boucliers : 3 000 amendements ont été déposés à l’Assemblée, compromettant l’adoption de cette loi. On ne mégote pas avec la mort.


Qu’en dit Hippocrate ?

Certains médecins lèvent le bouclier éthique pour faire opposition à cette loi, arguant que leur devoir est de soigner pas de tuer. Pourtant, « 2 000 à 4 000 » euthanasies clandestines seraient pratiquées chaque année en France, ainsi que l’avait publié une étude de l’Ined (Institut national des études démographiques). L’euthanasie reste une pratique rare, et officieuse : les actes d’euthanasie représentent 0,6 % du total des décès, dont 0,2 % sont pratiqués en administrant délibérément une substance pour mettre fin à la vie. Cela fait parfois le sel de la rubrique faits divers. Comme ce médecin généraliste, à la retraite, qui a témoigné avoir pratiqué l'euthanasie pour une vingtaine de ses patients, à leur demande. Il a été mis en examen pour provocation au suicide et encourt jusqu'à trois ans d'emprisonnement et une amende de 45 000 euros. Il n’a pas respecté le serment d’Hippocrate, qui spécifie clairement « Je ne remettrai à personne du poison, si on m’en demande, ni ne prendrai l’initiative d’une pareille suggestion ». Une doctrine sur laquelle s’appuient les 71 médecins signataires d’une tribune contre l’euthanasie, car provoquer la mort n’est pas un acte médicalement justifié. Soulager oui, tuer, non. Un principe inscrit dans le marbre, dans l’article R.4127-38 du Code de la santé publique et dans le Code de déontologie médicale : «Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers instants, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. Il n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». Le chemin menant à la légalisation de l’euthanasie reste tortueux et les solutions palliatives toujours délicates, voire parfois insuffisantes.
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