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"Résister en Corse", un ouvrage foutraque à l'intitulé tape-à-l'oeil

Autant j’avais aimé le précédent ouvrage de Jean-Michel Vernes « Juges en Corse » dont le sujet était défini et les propos éclairants, autant le dernier « Résister en Corse » est un ouvrage qui rate sa cible sans d’ailleurs qu’on arrive à précisément ...
« Résister en Corse », un ouvrage foutraque à l’intitulé tape-à-l’œil

Autant j’avais aimé le précédent ouvrage de Jean-Michel Vernes « Juges en Corse » dont le sujet était défini et les propos éclairants, autant le dernier « Résister en Corse » est un ouvrage qui rate sa cible sans d’ailleurs qu’on arrive à précisément connaître son véritable sujet : pratiques mafieuses ou difficultés de la vie quotidienne en Corse.


Un titre pompeux et des témoignages sans cohérence entre eux.


Le terme de résister est redoutable : il indique une force supérieure qui vous pousse vers un gouffre tandis que vous vous efforcez de ne pas y succomber. C’est aussi une référence au combat héroïque des antinazis pendant la sombre période de 1933-1945.
Pour beaucoup des témoignages rassemblés dans le livre, le concept de résistance apparaît comme usurpé. Le sous-titre est accrocheur : « pour la première fois des citoyens etc. » Quatorze personnes, qui pour les plus importantes ont déjà parlé dix fois dans la presse, témoignent dans l’ouvrage qui commence par une citation un rien passe-partout de Pasquale Paoli et une prédiction de Gilles Simeoni faite en 2004 et qui tendrait à dire (ou pas) que la Corse serait (ou pas) devenue comme la Sicile. Puis Vernes nous livre une préface modestement intitulée Omertà où l’auteur semble vouloir justifier son sujet on osant une acrobatique comparaison entre la Sicile et la Corse, espérant pour la Corse une répression à l’italienne. Il oublie tout simplement que jamais les mafias n’ont été aussi puissantes qu’aujourd’hui.
L’épicentre européen s’est simplement déplacé de Sicile en Calabre, mais désormais la « Ndrangheta » est planétaire alors que Cosa Nostra œuvrait essentiellement entre l’Europe et les USA. Et que la lutte antimafia pour indispensable qu’elle soit, si elle remporte des victoires, elle est en train de perdre la guerre.

Du dérisoire au tragique

Écartons déjà sans hésiter les témoignages de ceux qui, Corses ou non-Corses, vivent onze mois sur douze sur le continent.
Quelle peut être leur légitimité en matière de résistance locale ? Ils sont tout au plus des témoins qui vont de la femme d’un milliardaire italien en butte avec le propriétaire de Murtoli à l’épouse d’un défunt réalisateur en bisbille avec son voisin de palier (lequel se conduit, il faut l’avouer, comme un gangster).

Ce sont des histoires comme on peut en trouver à la pelle un peu partout et qui ne révèle tout au plus de comportements odieux ou scandaleux qui, dans certains cas, mériteraient certainement la prison. Mais de là à parler de mafia ? Ghjuseppu Maestracci milite à Avà Basta contre le racisme. Il a mille fois raison, mais qu’est-ce que cela à voir avec une quelconque mafia ? Pareillement pour Anaïs Mattei qui témoigne sur les viols et les incestes commis en Corse et raconte la lutte des victimes dans I Was. Elles sont évidemment légitimes, héroïques et leur révolte est glorieuse. D’abord, elles ne résistent pas. Elles combattent.

Une nuance, mais une nuance essentielle. Mais on est un peu perdu. Quel est donc le sujet du livre ?

Pascal Bruno a été victime d’une tentative de mise en place de machines à sous dans son café par trois baltringues. Il a dit non et puis c’est tout. Un jour, pour protester contre l’administration, contre les voyous, contre la malchance, bref, contre son propre vécu, il a mis sur sa vitrine « Bistrot à vendre pour cause de racket ». Il témoignait de son immense ras l’bol. Verne en a fait sa tête de chapitre sous-entendant un crime mafieux. Franchement…Je passe sur la déclaration du responsable d’Anticor, Dominique Yvon :

« J’ai toujours des châtaignes dans ma poche pour ne pas oublier d’où je viens. » On espère seulement que ça ne pique pas trop et qu’il retira un jour ces cilices de doloriste sans toutefois oublier la fougère.


Le combat des maires

Restent les trois témoins maires : Brugioni, Medori et Bucchini.
Le premier a été élu contre son prédécesseur. Il dénonce les pratiques de ce dernier qu’il dit être lié à Charles Pieri, l’ancien responsable du FLNC. Enfin, on parle de ces nationalistes affairistes singulièrement absents de l’ouvrage même quand il s’agit des primes à la vache et pourtant si présents dans le réel.
Les trois maires ont été menacés par des groupes de pression locaux qui, en effet, revêtent l’aspect de minimafias clochemerlesques. Bucchini, a été plastiqué deux fois : une fois par les clandestins une autre fois sans qu’on en connaisse les auteurs.

Et là surprise du chef : notre capitaine courageux affirme connaître l’identité du coupable, mais ne la livrera qu’après sa mort. Omertà ! tra la la ! C’est pourtant les pressions décrites par ces trois maires qui auraient pu être le cœur de l’ouvrage avec explications car pour que la dérive mafieuse fonctionne il faut l’assentiment des édiles. C’est leur courage qui formera le premier barrage efficace contre la criminalité.
Un livre foutraque aux titres clinquants, disais-je, qui mélange des récriminations individuelles et de vraies questions.
Dommage car il y a à dire sur le sujet au présent et comme au passé afin qu’il ne s’inscrive dans notre futur.



GXC
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