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Couvent d’Orezza : l’ora di a sperenza ?

La République n’a jamais rien fait pour la conservation de ce qui reste du couvent d’Orezza. La Collectivité de Corse à majorité nationaliste n’a pour l’heure pas fait mieux. Mais peut-être ne faut-il pas désespérer…
Il y a quelques années, les intempéries ont eu raison du fronton du couvent Saint-François de l’Observance, dit couvent de Marianda, situé sur la commune de Farinole. Un témoignage remarquable de l’histoire religieuse et architecturale de la Corse a ainsi été irrémédiablement dévasté. La construction avait débuté en 1606. Des dons et legs des habitants de Barbaggio, Farinole et Patrimonio avaient financée les travaux et il avait fallu 144 ans pour que ceux-ci soient achevés. L’anticléricalisme de la Révolution française, la vente des Biens nationaux et deux siècles d’abandon ont réduit à néant ce que la foi, la piété et la générosité de plusieurs générations avaient contribué à créer. Le besoin urgent d’une restauration était pourtant connu. La commune de Farinole avait fait estimer les coûts. Une souscription était en cours. Mais le principe de réalité s’est imposé. Farinole, commune d’environ 200 habitants recensés, n’a pu sauver à elle seule un édifice imposant qui menaçait ruine. Plusieurs autres bâtiments religieux de notre île risquent malheureusement de subir le même sort à cause d’une gestion calamiteuse du patrimoine durant deux siècles. Je n’en mentionnerai qu’un : le couvent Saint-François d’Orezza fondé en 1485 et situé au cœur de la Castagniccia sur la commune de Piedicroce. Cet édifice mérite une attention particulière car il a été le théâtre de pages glorieuses de la Révolution de Corse. En 1731, le chanoine Orticoni et des théologiens y ont décrété le caractère « saint et juste » de la révolte contre Gênes. En1735, une Cunsulta tenue à l’initiative de Sebastianu Costa, Luiggi Giafferi et Ghjacintu Paoli y a proclamé l'indépendance de la Corse, placé le Peuple corse sous la protection de la Vierge Marie et adopté le Dio Salvi Regina comme hymne national. En 1751, Jean-Pierre Gaffory y a été nommé Général de la Nation.


A Strada Paolina : voie du salut ?
Son histoire étroitement liée à la Corse rebelle et indépendante a sans doute valu au couvent d’Orezza d’être délaissé. Une unité de gendarmerie y fut logée. Mais l’Etat ne fit rien pour restaurer la toiture après son effondrement en 1934. Ayant servi de dépôt de vivres et de munitions aux troupes italiennes d’occupation en 1942, il fut bombardé par l’aviation allemande en 1943, après le renversement du régime fasciste. Mais l’Etat n’a jamais consacré un ancien franc, un nouveau franc ou un euro à la préservation de ce qui restait de l’édifice, et plus particulièrement du magnifique clocher. A ce jour, la Collectivité de Corse à majorité nationaliste n’a pas fait mieux. Chi vergogna ! Pourtant, elle en a le droit car les transferts de compétence intervenus en janvier 2002 lui confèrent le droit d’intervenir à sa guise en matière de conservation et de valorisation du patrimoine. Alors, chaque année, le maire de Piedricroce reconduit un arrêté de péril et, tout comme les passionnés d’Histoire ou de vieilles pierres, il craint un effondrement du clocher. Des études et des devis de sécurisation ont certes été réalisés. Un million d'euros sont nécessaires. La commune de Piedicroce ne peut bien sûr pas réunir une telle somme. Par ailleurs, autre obstacle, elle n’est pas propriétaire des lieux et ceux-ci sont en indivision. Il y a quelques temps, la plupart des propriétaires disaient être disposés à céder l'édifice à la Collectivité de Corse mais un indivisaire ne répondait pas aux sollicitions. La Collectivité de Corse peut toutefois passer outre en recourant à une procédure d'expropriation relative « aux biens en état d'abandon manifeste ». Un espoir d’avancée en ce sens existe. En effet, le couvent d’Orezza est inscrit dans le projet A Strada Paolina qui se propose de valoriser des territoires et des sites patrimoniaux ayant été de hauts lieux de la Corse paoline. Mais le temps presse. La patience des intempéries et la résistance des vieux murs ne sont pas illimitées.
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