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"Chanson - Ecrits et cris", chroniques HUMOUR ET PASSION

Une belle écriture.
« Chanson-Ecrits et cris », chroniques
Humour et passion


Une belle écriture. Une plume trempée dans le vinaigre mais aussi dans la tendresse. Le sens de la formule. Une façon de ne pas mâcher ses phrases. « Chanson- Ecrits et cris » de Michel Kemper est un recueil de chroniques qui se distingue par son ton passionné, par son honnêteté intellectuelle, par sa manière d’appeler un chat… un chat.



On commence par survoler l’ouvrage puis on se lance dans une vraie lecture ! Entre temps on a picoré ici et là et jolie surprise, on a découvert un texte consacré à Patrizia Poli lors de la sortie de « Versuniversu », son dernier album. De la chanteuse, de la compositrice de la poétesse, l’auteur a tout compris, tout senti… Du CD, il va souligner : « Il sonne plus large que sa stricte terre natale, l’identité est plus forte encore, gagne d’autres rives, chaloupe sur la mer, tangote à la lune et diffuse ses parfums. Parfums de femme sans nul doute, parfums d’amours, parfums de combats ».

Bel hommage, quand on sait que Kemper n’est pas du genre à manier la brosse à reluire. Quand on constate combien il a l’art de porter le fer dans la plaie. La plaie des petitesses, de la médiocrité, de l’incuriosité, du penchant à se laisser aller au vertige du fric. Il plaide, lui, pour une « variété » digne et soyeuse, efficace et avenante ». Dans ses « Ecrits et cris » il use également de cette saine colère écho des chansons qui brandissent haut les bannières des révolutions… Et toutes celles qui ne se chantent pas pour ne rien dire !

Michel Kemper n’a pas de mots assez sévères pour faire un sort aux gros labels qui confondent qualité, créativité avec tiroirs caisses, à ces utilisations abusives d’œuvres d’artistes disparus pour accommoder des sauces publicitaires, à ces bricolages technologiques qui n’hésitent pas à « ressusciter » des morts – hologrammés ou non – en cas de perte d’imagination. Au détour, piqure de rappel nécessaire, il note que la France est à la 34 è place pour les libertés de la presse et à la 44 è pour le respect des droits de l’Homme – en sandwich entre Chypre et la Papouasie – d’après Reporters sans frontières. Au compte des coups de griffes drolatiques ceux adressés aux attachées de presse qui emportent le pompon du style pompeux au prétexte de faire original.

Le chroniqueur ne s’en cache pas : il écrit « avec des gants de boxe », mais sans jamais oublier l’humour, qui parvient si bien à faire avaler la pilule. Il apprécie particulièrement les goguettes, qui reprennent du poil de la bête en pimentant les manifestations avec charges de parodies et de pastiches qui upercutent le pouvoir. Mais lorsqu’il évoque Anne Sylvestre, Idir, Guy Bedos l’émotion habite ses mots. Emotion mêlée de respect et d’affection. Il a ses chanteurs rebelles qu’il défend de toutes ses forces : Loïc Lantoine, Frédéric Bobin, Olivier Trévidy, Michèle Bernard, Béa Tristan, Lily Luca, Mélissmell pour ne citer que quelques-uns.

                            « Chanson – Ecrits et cris », ç’est tonique. Ça oxygène. Ça change du salmigondis ordinaire.


  • · Michel Kemper a créé le site « NosEnchanteurs ». On peut y lire ses chroniques et celles de son équipe, dédiées à la chanson (France, Belgique, Québec, Suisse).
  • · Pour commander le livre, sur le net :lepotcommun.fr/pot/niu5xvc8. Prix 22 euros.

                          « La chanson représente l’essentiel de mon temps. Sans cesse elle est découverte ! »
          Michel Kemper

D’où provient votre intérêt, votre passion pour la chanson ?

Enfant, on chantait en famille, à l’école, en colonie, à la chorale. Autour de moi tout le monde chantait. Mes sœurs passaient des tubes sur leurs mange-disques. C’est en réaction à leur goût que je me suis mis à aimer Brel, Ferrat, Moustaki, puis Brassens. Le prêt de 33 tours par une directrice de collège, les cours d’un jeune professeur de musique ont encore ancré plus profondément ma passion… la chanson représente l’essentiel de mon temps. Sans cesse elle est découverte !


Vous avez été critique dans des quotidiens. Qu’est-ce qui vous a détourné de cette voie ?

Dans les gros médias on ne s’intéresse qu’à la partie émergée de la chanson qui est la partie la plus maigre. On privilégie l’aspect commercial. Les chansons que j’ai envie de défendre sont loin d’être celles qui ont le plus d’audience.


Dans votre livre vous vous insurgez contre l’abandon fréquent du mot « chanson ». Est-ce là une nouvelle manie ?

C’est un effet de mode ! Sur notre site « NosEnchanteurs » nous recevons un flot de mail qui nous incite à donner notre avis sur des CD, des clips, présentés comme de la pop comme si le mot chanson faisait peur… C’est vrai d’ailleurs que la chanson a souvent été considérée dangereuse. Napoléon, par exemple, faisait enfermer dans les sous-sols d’asiles d’aliénés ceux dont la prose et les refrains l’indisposait… La chanson est véritablement un outil révolutionnaire.


Dans le domaine de la chanson le culte du fric va-t-il avoir la peau de la belle ouvrage ?

On est en présence d’un rouleau compresseur mais malgré avanies, répressions la chanson résistera. Qu’elle puisse être malmenée c’est l’évidence, tuée non. Elle est porteuse de valeurs et le souci du beau texte perdurera.


Vous êtes très sévère à propos des festivals, style poids lourd. Ont-ils trop d’appétit pour les subventions publiques ?

Des manifestations tels « Le Printemps de Bourges » ou « Paroles et musique » de Saint Etienne sont nées d’incontestables projets politiques. Année après année elles ont pris de l’ampleur et attiré un public fidèle qui est leur authentique financeur. Puis le commerce l’a emporté au point parfois de transformer le succès en bide. Alors ces festivals ne peuvent durer qu’avec l’argent public… Fait exception à cette tendance « Les vieilles charrues », qui ne demande rien aux collectivités et s’impliquent dans le développement local.



L’artiste méconnu que vous voudriez voir sorti de l’ombre ?

Je citerais Frédéric Bobin. Il est compositeur et interprète. Son parolier est son frère. J’estime qu’il est actuellement l’un des plus grands de la chanson francophone. S’il est à la marge, il a néanmoins un public qui tend à s’élargir. Sa voix est bien travaillée, emplie de toutes les fragrances de l’émotion. Il irradie d’une grâce naturelle. Sa culture en matière de chanson est incroyable. Ses musiques ont des affinités avec celle d’un Bob Dylan, d’un Leonard Cohen.


Vous déplorez que les ayants-droit d’artistes morts en fassent à leur guise. Souhaiteriez-vous que leur latitude soit limitée ?

« Vitor Hublot », un groupe belge, voulait faire des reprises de Brassens. Son ayant-droit s’y est opposé et a fait pilonner un premier CD. J’ai pu en avoir quand même un exemplaire qui a été l’objet d’une de mes chroniques. Par un ami le censeur a lu ce que j’avais écrit : il est revenu sur sa décision. Finalement un seul disque est sorti ! A partir du moment où l’on respecte une œuvre au nom de quoi interdire des reprises ? Par contre, il faut être vigilant s’il y a amputation ou modification d’un texte de chanson… ou lorsqu’on fabrique des pseudos duos avec des artistes décédés, ainsi que cela s’est produit avec Joe Dassin.


L’emprise de l’anglais sur la chanson en France est-elle irrémédiable ?

Dans les années 60 on chantait déjà en anglais dans l’hexagone, maintenant c’est si fréquent que ça devient institutionnalisé… ça m’énerve beaucoup ! Je suis un autodidacte très attaché à la langue française et je refuse d’assister à une colonisation culturelle qui est non seulement subie mais voulue. A ses débuts Izïa Higelin chantait en anglais. C’était pas terrible ! Elle est revenue au français. Résultat : son dernier album est une beauté.


Vous défendez le français mais aussi les langues minorées comme le breton, l’occitan, le corse. Dans votre livre la belle critique consacrée à Patrizia Poli ne passe pas inaperçue.

C’est son homonyme, Gréard Poli, qui m’a signalé son dernier album. J’ai beaucoup aimé… Pour moi l’alsacien, l’occitan, le breton, le corse sont des richesses linguistiques. Je pense que toute langue est une cathédrale et qu’à ce titre elle doit être préservée soigneusement. Les langues sont parties intégrantes de notre horizon. Toutes sont importantes. Quand Idir est mort, je lui ai rendu hommage avec le sentiment qu’il était toujours vivant. Avec son amitié. Avec la douceur de son regard… Ses paroles de chansons je ne les comprenais pas d’emblée mais elles me touchaient infiniment.

Propos recueillis par M.A-P






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