• Le doyen de la presse Européenne

Ca fait toujours un tabac

Quand rien ne va plus, autant en griller une… L’arrêt du tabac n’est pas d’actualité dans contexte de crise sanitaire.
Ça fait toujours un tabac

Quand rien ne va plus, autant en griller une… L’arrêt du tabac n’est pas d’actualité dans contexte de crise sanitaire. Car selon les spécialistes, pour les plus défavorisés, le tabac est perçu comme l’un des rares plaisirs encore accessibles. Le 31 mai, journée mondiale sans tabac, n’a donc pas fait un carton.

Prévalence tabagique

Une étude publiée par Santé publique France (SPF) relève une augmentation de la consommation de tabac, entre 2019 et 2020. En 2020, plus de trois adultes de 18-75 ans sur dix déclaraient fumer au moins occasionnellement et un quart quotidiennement. Une hausse significative, surtout chez les Français les plus précaires. Pour la chercheuse en épidémiologie sociale, Fabienne El-Khoury, les difficultés à se projeter dans l’avenir favorisent le « déni de risque » pour la santé. Entre 2019 et 2020, la consommation de tabac dans la population générale a arrêté de diminuer, et la prévalence du tabagisme dans le tiers de la population aux revenus les plus faibles est passée de 29,8 % à 33,3 %. La crise sanitaire actuelle n’explique pas à elle seule cette flambée du tabagisme. Cela a commencé fin 2018, avec le mouvement des gilets jaunes. La crise sociale a redonné l’envie d’en griller une, bien plus que le début de l’épidémie de Covid-19, les mesures de restriction, ou même le confinement généralisé pendant lequel on s’est tellement ennuyé et inquiété.


La cigarette comme antistress

Le tabac est une drogue dure, légale, qui ne crée pas de nuisances sociales, contrairement à l’alcool. Les comportements addictifs, notamment le tabac, sont assez liés à la santé mentale, à l’anxiété, à la dépression. Or, santé mentale et conditions financières sont elles-mêmes étroitement liées. Le Covid a eu un effet délétère sur la santé mentale des Français et a augmenté les situations de précarité. Aussi, arrêter le tabac alors que cela va provoquer des sensations désagréables, en pleine pandémie, alors que le contexte général est déjà anxiogène, cela n’est pas considéré comme la meilleure des idées par les fumeurs. Sans compter qu’arrêter de fumer peut aussi coûter de l’argent. Certes le substitut nicotinique est remboursé à 65 % par la Sécurité sociale, mais le reste à charge représente aussi un budget. Si la cigarette électronique peut être un bon substitut, elle représente un investissement initial d’au moins 50 euros, avec un budget mensuel comparable à celui des cigarettes traditionnelles. Malgré la hausse du prix du tabac, les fumeurs préfèrent continuer à se faire plaisir en fumant. Même si ce plaisir est toxique, il est plus accessible qu’un séjour au bout du monde pour décompresser et surmonter les difficultés du quotidien. Les campagnes de prévention n’y pourront rien changer dans l’appréciation antistress immédiat de la cigarette. D’autant que l’on sait bien que la meilleure prévention du tabagisme, c’est de ne pas commencer.


Mortel tabac

Selon une autre étude de SPF datant de février, la Corse est en première place des régions où le tabagisme tue le plus, avec 15,5 % de tous les décès dans l'île pouvant être attribués au tabac, contre 13 % pour la moyenne nationale. Plus inquiétant encore, le nombre de jeunes Corses fumant quotidiennement à 17 ans est estimé à 31 %, contre 25 % au niveau national. En novembre dernier, à l’occasion du mois sans tabac, les spécialistes de la lutte contre le tabagisme avaient tiré la sonnette d’alarme, car les dépistages des différents cancers étaient en recul, la prévention ne pouvant plus pleinement jouer son rôle. Selon Christian Sain, tabacologue-addictologue en Haute-Corse, « la Corse est une des régions de France où l’on fume le plus et qui dispose du plus grand nombre de débits de tabac par milliers d’habitants. » Il y a actuellement en Corse 222 débits de tabac, dont 6 débits saisonniers et 6 débits spéciaux, pour un total de 339 178 habitants. Cela favoriserait la consommation, autant que le prix du paquet de cigarettes, 25 % moins cher que sur le continent. » Ce spécialiste tient à alerter la population sur les risques combinés de la consommation de cigarettes et de la Covid-19 : « les risques sont multipliés par ce virus qui attaque lui aussi les poumons. De plus, le caractère anxiogène créé par le confinement incite les gens à fumer plus ». La crise sanitaire n’aura pas non plus favorisé l’objectif d’une première génération sans tabac en 2030.

Maria Mariana


Être accompagné pour arrêter le tabac avec Tabac Info Service au 39 89 ou sur le site dédié https://www.tabac-info-service.fr
Partager :