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Rentrée politique : contexte électrique et oppositions survoltées

Gilles Siméoni et sa majorité sont d'ores et déjà politiquement dans le dur.
Rentrée politique : contexte électrique et oppositions survoltées

Gilles Simeoni et sa majorité sont d’ores et déjà politiquement dans le dur. Ils sont confrontés à des rapports restant difficiles avec l’État et à une conjonction des oppositions.



Les nuits et la rue sont calmes. L’électorat s’est prononcé. Le vote en faveur des partis se réclamant du nationalisme l’a emporté.

Les indépendantistes ne participent plus à la gestion de la Collectivité de Corse. Jean-Guy Talamoni n’est plus en situation de jouer les trouble-fêtes. Le président du Conseil exécutif et ses amis multiplient les appels au dialogue. L’État ne semble pas pour autant disposé à changer de cap. Rien de nouveau ne se dessine depuis le discours présidentiel prononcé à Cuzzà en avril 2019 devant un parterre d’élus.
La politique Macron reste caractérisée par trois marqueurs : affirmer la présence et l’action de l’État ; ne pas entretenir de rapports privilégiés avec la Collectivité de Corse ; répondre défavorablement aux revendications nationalistes ou botter en touche. Lors d’une récente visite dans l’île, le ministre délégué chargé des comptes publics n’a en rien dérogé. Primo, venu vérifier la bonne mise en œuvre du Plan de Relance Exceptionnel visant à favoriser le redressement de l’économie française à la suite de la crise Covid-19, Olivier Dussopt s’est évertué à vanter et médiatiser l’implication de l’État.
Il a d’une part souligné que l’Etat finançait, pour un montant avoisinant les six millions d’euros, trois chantiers de rénovation énergétiques concernant des bâtiments universitaires, de l'Afpa (Agence pour la formation professionnelle des adultes) et de l’UIISC (Unité d’Intervention et d’Instruction de la Sécurité Civile).
Il a d’autre part rappelé que, depuis le début de la crise sanitaire, l'Etat avait « aidé les entreprises et l'ensemble des habitants » à hauteur de 610 millions d’euros (aides d'urgence, activité partielle, fond de solidarité, différentes exonérations) et en garantissant à hauteur de 90 % un milliard d’euros de prêts. Deuxio, Olivier Dussopt a rencontré des responsables Institutionnels, politiques et économiques sans que les services de l’État aient semble-t-il tout fait pour que le président du Conseil exécutif soit présent. Ayant finalement pu se rendre à une réunion de travail ayant eu lieu à huis-clos dans les locaux de l’Université de Corse, Gilles Simeoni a indiqué avoir plaidé pour une adaptation du Plan de Relance Exceptionnel aux spécificités économiques et sociales de la Corse ainsi que pour que soient mis en œuvre un statut fiscal et social et un statut d’autonomie de plein droit et de plein exercice. Mais le ministre lui ayant fait savoir qu’il n’était en son pouvoir ni de répondre, ni de s’engager, Gilles Simeoni n’a pu, une fois de plus, que faire état de sa déception : « Paris fait semblant de nous consulter mais il n'y a pas de dialogue opérationnel (…) Une nouvelle fois, notre interlocuteur n'a pu donner aucune réponse à nos demandes.»

Conjonction PNC / Droite

Etant confrontée à la persistance de rapports difficiles avec l’État, la majorité siméoniste doit aussi désormais compter avec des oppositions qui à défaut de pouvoir politiquement s’unir risquent de ponctuellement se cristalliser.
Ce scénario vient de se concrétiser avec la crise encore ouverte ayant pour contexte la désignation du président du Syndicat d’Énergie de la Corse-du-Sud. Le 23 juillet dernier, à l’Assemblée de Corse, la majorité siméoniste a décidé de présenter un unique candidat à la présidence (Jean Biancucci) et de proposer une vice-présidence à respectivement PNC-Avanzemu et Core in Fronte. Mais cette démarche a été rejetée. La droite a contesté sa mise à l’écart.
Le PNC-Avanzemu a manifesté son refus que le président sortant issu de ses rangs (Jo Pucci, maire de Viggianeddu) ne puisse se représenter du fait de statuts du Syndicat réservant le mandat de président à un élu de l’Assemblée de Corse. Mais la fronde n’en n’est pas restée là. Alors que Core in Fronte ayant refusé une vice-présidence a choisi de camper sur l’Aventin, le PNC et la Droite ont remis en cause le mode de désignation du Président, expliquant qu’il était peu démocratique que les huit élus de la Collectivité de Corse siégeant au Comité syndical, puisse en imposer à 197 maires ou délégués des communes membres.

En conséquence, ils ont provoqué la réunion d’un Comité syndical exceptionnel qui, le 17 août dernier, a décidé de modifier le mode de désignation du président. Jean Biancucci, la majorité siméoniste et le premier-vice président sortant Antoine Ottavi, maire de Bastelicaccia assurant l’intérim de la présidence, ont certes dénoncé cette opération et invoqué une illégalité : « Ce n’est pas prévu par les textes. » Ils ont aussi évoqué la possibilité de saisir pour annulation la Justice. Cependant, quelle que soit l’issue juridique, cette fronde et cette cristallisation des oppositions suggèrent que Gilles Simeoni a subi un revers politique. Il est en passe d’échouer dans sa tentative de gérer différemment les oppositions et de refermer rapidement les plaies ayant été occasionnées par sa décision de mettre fin à la coalition Per a Corsica et par la mise à l’écart de Core in Fronte durant la précédente mandature.
Le président du Conseil exécutif est en effet à ce jour loin de voir se concrétiser cet objectif : « Nous entendons nous situer dans une perspective de cheminement et de construction positive qui ne prendra pas les mêmes formes selon que nous nous adressons à une opposition de droite qui a vocation à rester, en toute hypothèse, une opposition, ou aux deux groupes nationalistes qui ne soutiennent pas la majorité. Il est évident que d’un point de vue de nos positionnements respectifs, de la trajectoire historique, d’une convergence idéologique, nous ne sommes pas dans les mêmes relations avec la droite qu’avec Avanzemu ou Core in Fronte. »

La rentrée politique débute donc sur fond de contexte électrique et d’oppositions survoltées.


Pierre Corsi
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