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Failles et dangers de la majorité absolue

Une crsitalisation et un durcissement des oppositions
Failles et dangers de la majorité absolue

Ces dernières semaines, il s’est dessiné que la majorité absolue à l’Assemblée de Corse n’était pas un talisman facteur d’invincibilité et qu’en suscitant la crainte d’un hégémonie, elle créait les conditions d’une cristallisation et d’un durcissement des oppositions.

Le 27 juin dernier, à l’issue du second tour des élections territoriales, la liste Fà populu inseme conduite par Gilles Simeoni obtient la majorité absolue à l’Assemblée de Corse. 32 sièges de conseillers sur 63 lui reviennent. Le groupe d’élus siméoniste est ainsi en mesure d’élire qui bon lui semble aux commandes de tous les centres de pouvoir de la Collectivité de Corse. Dès le lendemain, Gilles Simeoni annonce que le Conseil exécutif dont il est évident qu’il sera le président, ne comprendra que des élus de sa liste Quelques jours plus tard, le 1er juillet, les élections des conseillers exécutifs, du président du Conseil exécutif et de la Présidente de l’Assemblée de Corse ne donnent bien entendu lieu à aucun suspense. Gilles Simeoni va toutefois essayer de donner une suite concrète à cette belle promesse faite le soir de sa victoire : « Notre responsabilité est de créer les conditions d’un dialogue et d’une cohésion la plus large possible. »
En ce sens, fin juillet, la majorité siméoniste propose des présidences et des vice-présidences de commissions aux élus nationalistes minoritaires. Mais ceux-ci les refusent. N’ayant pas pardonné à Gilles Simeoni et ses amis d’avoir ignoré ou mis à l’écart leurs partis, ces élus n’entendent pas permettre à la majorité siméoniste d’incarner le dialogue et l’ouverture, ou de diluer ses responsabilités. La réponse de Paul Félix-Benedetti, le leader de Core in Fronte, résume parfaitement leur état d’esprit : « Je n’ambitionne pas d’être dans une culture d’échec sur un travail qu’on accepterait. Donc, n’ayant pas la certitude de pouvoir avoir le plein exercice d’une responsabilité même secondaire, pour le moment et sans aucune défiance, on décline et on attend. Ce n’est pas un refus catégorique, mais au contraire un refus positif. » Confronté à des adversaires qui lui lancent qu’ils ne feront rien ou pas grand-chose pour lui faciliter la tâche, et qu’il sera comptable de tout, Gilles Simeoni assume. Il affiche résolument ne pas craindre d’endosser la totale responsabilité de l’exercice du pouvoir et d’un bilan.
Cependant, il assure ne pas renoncer à laisser des portes ouvertes à la minorité nationaliste et souligne ne pas la confondre avec la minorité de droite : « Nous entendons nous situer dans une perspective de cheminement et de construction positive qui ne prendra pas les mêmes formes selon que nous nous adressons à une opposition de droite qui a vocation à rester, en toute hypothèse, une opposition, ou aux deux groupes nationalistes qui ne soutiennent pas la majorité. Il est évident que d’un point de vue de nos positionnements respectifs, de la trajectoire historique, d’une convergence idéologique, nous ne sommes pas dans les mêmes relations avec la droite qu’avec Avanzemu ou Core in Fronte. »

Loin de la coupe aux lèvres

Durant le mois d’août et au début de ce mois de septembre, Gilles Simeoni a constaté qu’il y avait loin de la coupe aux lèvres.
En effet, le Président du Conseil exécutif a pu vérifier en deux occasions qu’il serait difficile de recoller les morceaux de la mouvance nationaliste ou plus modestement d’aboutir à une décrispation, et que disposer d’une majorité absolue à la Collectivité de Corse ne prémunissait pas de la fronde et de la coalition des opposants.
Durant le mois d’août, les instances du Syndicat d’Énergie de la Corse-du-Sud (comprenant 197 représentants des communes de Corse-du-Sud, à l’exception d’Aiacciu et de Proprià, ainsi que 8 conseillers de Corse) devant être renouvelées, la majorité territoriale siméoniste s’est heurtée à l’opposition des élus du Partitu di a Nazione Corsa et à celle de la plupart des élus de droite. Les deux parties ont signifié qu’elles refusaient désormais que la présidence du Syndicat soit statutairement obligatoirement attribuée à un élu de l’Assemblée de Corse et annoncé qu’elles s’opposeraient à l’élection de Jean Biancucci, candidat soutenu par la majorité siméoniste.
Pour ce faire, elles ont voté une modification statutaire ouvrant droit aux maires des communes membres de candidater à la présidence du Syndicat. Le 6 septembre dernier, à la demande de quelques élus favorables à la majorité siméoniste, et en particulier d’Antoine Ottavi, maire de Basteliccia et premier vice-président sortant du Syndicat, le juge des référés du Tribunal Administratif de Bastia a suspendu la modification statutaire. Mais les opposants n’ont pas renoncé. Ils ont décidé de porter le conflit juridique devant le Conseil d’État et fait savoir que le jour du vote pour la présidence, ils seraient présents pour montrer leur force et défendre leur cause. Au début de ce mois de septembre, l’élection à la présidence du Grand site de France / Conca d’Oru a donné lieu à une autre contestation musclée de la majorité siméoniste. Au fil des trois tours de scrutin, ses candidats ont été mis en échec. Une coalition d’élus de droite, Partitu di a Nazione Corsa et Core in Fronte a assuré l‘élection de Claudy Olmeta, le maire divers droite de San Fiurenzu.
L’été a donc été maussade pour la majorité siméoniste. Deux avertissements forts lui ont été lancés par les opposants. De plus, il est apparu que ceux-ci étaient disposés à dépasser des clivages idéologiques et à unir leurs forces pour imposer leurs vues ou ce qu’ils considérent être l’intérêt de leurs territoires respectifs.
Enfin, il s’est dessiné que la majorité absolue à l’Assemblée de Corse n’était pas un talisman facteur d’invincibilité et qu’en suscitant la crainte d’un hégémonie, elle créait les conditions d’une cristallisation et d’un durcissement des oppositions.


Pierre Corsi




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