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Zemmour ou l'art de sembler faire du neuf avec du très ancien

Zemmour a fait irruption sur la scène politique française bousculant les vieux partis.......

Zemmour ou l’art de sembler faire du neuf avec du très ancien

Zemmour a fait irruption sur la scène politique française bousculant les vieux partis prétendant être tout à la fois le nouveau Bonaparte et la réincarnation de De Gaulle. Mais De Gaulle incarnait la résistance de la France à l’Occupation tandis que Zemmour n’est qu’un farfadet qui profite d’une situation de crise pour refourguer les vieilles recettes de l’extrême-droite maurassienne à une France estourbie par une crise mondiale versus français à laquelle s’est ajoutée celle provoquée par la COVID.


Un révélateur de la crise française

La France s’est constituée sur deux socles. Le premier est son centralisme peaufiné de siècle en siècle depuis Philippe Auguste. Ainsi, la Révolution française fut la continuation du Grand siècle de Louis XIV et l’annonciatrice du Premier Empire. Le deuxième socle fut l’empire au sens territorial et planétaire du terme, commencé sous Louis XIII avec Richelieu, embelli sous Louis XIV, enrichi sous Napoléon puis étendu sous la IIIe république avec la colonisation. Or ces deux socles avaient pour corollaire économique, l’étatisme colbertiste qui s’opposait au libéralisme anglo-saxon. Avec la mondialisation, c’est cet habillage qui a craqué sous toutes ces coutures. Nos trente glorieuses devaient leur bonne fortune à une décolonisation qui nous avait ôté le poids des dépenses militaires tout en nous offrant la plus-value économique des anciennes colonies. Dans les années 80, l’essor des pays en voie de développement — notamment celui de la Chine — l’accroissement de la concurrence et la victoire de l’ultra libéralisme ont créé les conditions de délocalisations à l’intérieur d’un espace européen - et c’est pour cela que l’Europe a intégré des pays à peine sortis du glacis soviétique et à main-d’œuvre peu coûteuse) et extérieur notamment en Afrique et Asie ce qui permis de rendre les profits plus importants pour des entreprises sans patrie ni frontières. La paupérisation des sociétés occidentales s’est accompagnée d’un appel de masse aux immigrés (ce qui correspondait d’une certaine manière à une délocalisation à l’interne : des salaires bas et des plus-values plus fortes). Les laissés pour compte de ce développement ont été les tenants d’un prolétariat traditionnel en perte de vitesse, des agriculteurs sacrifiés au profit d’une agriculture intensive et les femmes bref, de pauvres gens devenus socialement invisibles et qui demandent aujourd’hui de la reconnaissance. Ce furent ces bataillons-là qu’on a trouvé aux ronds-points des Gilets jaunes : une masse sans perspective politique et amenée à haïr une bourgeoisie incapable de répondre à leurs besoins les plus urgents. Ce sont ces contingents grossis d’une masse de jeunes en déshérence, sans spiritualité qui se sont rabattus vers le Front national.

Zemmour l’anti républicain


Alors pourquoi Zemmour plutôt que le Rassemblement national ? En premier lieu rien n’est encore joué. Mais il est vrai que Zemmour, en reprenant les vieux thèmes de l’extrême-droite maurassienne qui étaient grosso modo ceux de Jean-Marie Le Pen, joue sur les haines, sur le racisme et la xénophobie qui sont les sentiments les plus largement partagés en période de crise. Le communisme, lui-même n’a-t-il pas misé sur la haine de classe et la désignation d’une catégorie sociale comme bouc émissaire ? Mais Zemmour va plus loin : il se sert de cette détestation primaire pour relancer les vieux thèmes antirépublicains au sens littéral du terme. Il condamne les droits de l’homme en tant qu’idéologie niveleuse et destructrice des talents. Il s’en prend à la République en tant qu’institution pour remettre sur le trône, comme Pétain le fit, l’État, l’État fort et souverain, détenteur d’une vérité qui n’est plus celle du peuple, mais est celle de l’Histoire. L’État devient alors un concept ontologique qui justifie tous les excès, tous les dépassements y compris ceux qui foulent aux pieds l’institution judiciaire. Maurras avait déclaré après que Dreyfus avait été innocenté sans contestation possible : « Même si Dreyfus était innocent, la raison d’État exigeait qu’il fût déclaré coupable. »

Se méfier de réminiscences monarchistes


Aucune situation n’est jamais acquise. Le phénomène que Zemmour incarne n’est nullement une conscientisation de masse. Il est l’expression d’une colère, d’un désespoir comme, dans le monde de l’immigration, le retour de l’Islam en est un. Zemmour est autant un facteur de guerre civile que l’islamisme l’est. La véritable catastrophe est l’absence de réponse politique à la désespérance des plus démunis. La gauche ne ressemble plus à rien. La droite ne vaut guère mieux. Seul Macron résiste parce que comme la chauve-souris de Lafontaine il est à la fois mammifère et oiseau. Mais pour combien de temps ? D’autant que l’Europe fait, elle aussi eaux de toutes parts. Peut-être serait-il grand temps d’abandonner les systèmes centralisés trop rigides et de regarder vers le fédéralisme plus apte à accepter les secousses inévitables des prochaines années ?

GXC
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