Transport maritime : silence on coule !
Un véritable naufrage du transport maritime....
Le coulage de la SNCM
Longtemps la SNCM n’a été qu’un outil destiné à maintenir la paix sociale. Le coût était exorbitant, mais l’État en possédait les moyens. À la moindre alerte, la CGT Marseille bloquait les ports. L’État feignait de résister puis cédait. Cela a pris fin avec l’arrivée de la Communauté européenne dans ce jeu pervers. Par une décision du 2 mai 2013, la CE a déclaré le service complémentaire (c’est-à-dire le service des cars ferries) incompatible avec la réglementation de l’Union européenne puisque faussant la concurrence, elle juge néanmoins le service de base compatible avec le marché dans la mesure ou il n’est pas surdimensionné ni surcompensé.
Or les aides offertes aux compagnies choisies pour être aidées en service complémentaire vont être jugées surdimensionnées et la Commission européenne demande alors le remboursement de l’aide correspondant au service complémentaire.
Paul Giacobbi, président en exercice de l’Exécutif de Corse affirme aujourd’hui que l’Élysée lui avait donné l’ordre de ne rien faire. Mis au pied du mur par la Commission européenne, en octobre 2014, l’Office des transports de la Corse émet un titre afin de récupérer l’aide illégale concernant le service complémentaire plus les intérêts. La SNCM est alors mise en liquidation et donc à vendre.L’appel à candidatures pour la reprise de la SNCM fera état d’une infraction (n° 2013/243) sur la DSP en cours relative à la période 2014-21. Cette infraction avait pourtant fait l’objet d’une mise en demeure de la Commission européenne le 20 novembre 2013. Vraisemblablement conseillés par l’État, la CTC et l’OTC n’en tiennent aucun compte et la DSP est mise en œuvre sans changement le 1er janvier 2014.
La vente de la SNCM
Le 6 mai 2015, une lettre de la Commission européenne fixe les conditions de reprise de la SNCM, et de l’obtention de la discontinuité économique pour le repreneur, discontinuité essentielle pour que le repreneur ne soit pas tributaire des amendes à venir et des dettes. Deux mois plus tard, la Commission met en demeure la France de recouvrer les aides illégales.
Changement de majorité en Corse : les nationalistes désormais aux commandes promettent une maison de cristal. Le 20 novembre 2015, le tribunal de Commerce de Marseille accepte l’offre de reprise de Patrick Rocca (après un revirement surprenant). L’année 2016 vient à peine de commencer que le nouveau Président de l’OTC déclare à la presse le 7 janvier 2016 : « Le 17 septembre 2015, la CTC a voté un avenant, lui permettant d’accepter la subdélégation et ses principes.Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, le 14 décembre, cet avenant n’avait pas été signé par la CMN, par peur des desiderata de l’Union européenne... ».
Or cet avenant n° 1 qui rétribue la CMN pour les services effectués par le repreneur est introuvable sur le site de la Collectivité de Corse, alors que figurent des avenants n° 2 et 3 qui font apparaître notamment la rétribution des services effectués par le repreneur au même niveau financier que la SNCM, contrevenant ainsi aux prescriptions de la CE pour l’obtention de la discontinuité. En d’autres termes, Patrick Rocca hérite des dettes et des amendes futures de la SNCM qui pourraient atteindre plusieurs centaines de millions d’euros.
Le rapport de la chambre régionale des comptes de mars 2018, consultable sur internet, précisera que les provisions afférentes à la récupération des compensations financières apparaissent dans l’état des sommes à recouvrer au 5 octobre 2016. Le rapport du 7 août 2020 de l’UE indiquera qu’un nouvel appel d’offres aurait dû être lancé et qu’en son absence un sous-contrat d’affrètement a été passé ce qui était illégal.
Le 16 février 2016, Patrick Rocca cède, pour des raisons qui restent un mystère, la compagnie au Consortium fondé par un parterre de patrons parmi lesquels ceux qui tiennent la distribution, le transport et le bâtiment. Il devient lui-même un membre du Consortium. Cette cession fait alors l’objet d’une plainte du Comité d’entreprise de la compagnie qui estime que l’accord avec le tribunal de Commerce n’a pas été respecté provoquant une enquête du Parquet national financier.
Des délégations de service public illégales
Par délibération n° 2016/E3/77, la CTC, se mettant ainsi en danger, adopte un rapport concernant une délégation de service public maritime provisoire d’un an à compter du 1er octobre 2016. Elle sera prolongée par avenant.Deux autres DSP courtes (dites de raccordement et transitoire), suivies chacune d’un avenant seront passées sous la mandature nationaliste. Le 23 février 2017, la foudre s’abat sur la CTC qui est condamnée par le tribunal administratif de Bastia à payer à la Corsica Ferries 84 millions d’euros, plus les intérêts au titre du préjudice que celle-ci aurait subi du fait du service complémentaire suite à une plainte déposée par Pierre Mattei, PDG de la Corsica Ferries. La CTC fait alors appel de la décision du Tribunal Administratif ; elle introduit un référé afin de demander un sursis à exécution et un autre pour demander de procéder à une expertise. Il est tout simplement stupéfiant que la CTC ne conteste pas le principe du préjudice, aucune décision n’ayant été rendue dans ce sens sur le plan national.
Par une décision du 29 janvier 2018, la Cour Administrative d’Appel de Marseille décide d’accorder le sursis à exécution ; « jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’appel de la CTC… » ; de joindre la procédure d’appel et de procéder à une expertise « avant de statuer sur le montant de l’indemnité à la charge de la CTC ». Hélas, trois fois hélas, le 26 septembre 2021 le Conseil d’État refuse le pourvoi de la Collectivité de Corse. Celle-ci est donc définitivement condamnée à payer 86,3 millions d’euros à Corsica Ferries.
À juste titre, Gilles Simeoni a mis en accusation l’État qui est théoriquement le responsable in fine du contrôle de légalité des délibérations prises par la Collectivité. Pourquoi n’a-t-il rien dit alors qu’il est d’ordinaire très pointilleux ? Acceptera-t-il de prendre sa part de responsabilité dans le paiement de la somme fixée ? Un autre point important est la raison du Conseil d’État de ne pas admettre le pourvoi. En effet, celui-ci ne peut statuer que sur un point de droit et non sur le montant d’une expertise. Or la CTC avait admis l’existence d’un préjudice, mais estimait ce préjudice à 21 millions d’euros d’où sa demande d’expertise bien que Gilles Simeoni ait produit une déclaration contradictoire sur la question le jour de l’audience d’appel.
Plusieurs épées de Damoclès pèsent sur le transport corse
La première menace tient à l’enquête ouverte le 28 février 2020 de la Commission européenne sur les trois Délégations de Service publics maritimes accordées à Corsica Linea en 2019.
La Commission s’est plainte de ne toujours pas avoir reçu « malgré les demandes répétées formulées à la France lors de la procédure de prénotification, les données quantitatives et qualitatives de la demande réelle de public particulier ».
Le rapport fait apparaître des paramètres financiers établis de façon peu orthodoxe et le peu de motivation des autorités françaises pour transmettre les éléments financiers à la Commission.
En conclusion, la Commission relève qu’aucun des critères n’est rempli pour acter de la compatibilité de ces trois DSP avec le marché intérieur. Sachant qu’un seul des critères non remplis conduit à une demande de remboursement des aides, seul un miracle pourrait éviter la condamnation de Corsica Linea à rembourser le montant de ces trois DSP 2019-2020, soit plusieurs dizaines de millions d’euros.
Aussi grave est la non-liquidation juridique de la SNCM. Ce qui signifie que Patrick Rocca a hérité des dettes qui, à son tour, les a amenées avec lui jusqu’au Consortium. Or la somme à payer pourrait s’élever à plus de 300 millions d’euros. Autant dire que le Consortium mettrait, en pareil cas, la clef sous la porte. Mais cela signifierait également que ce qui survit du service public qui disparaîtrait au profit d’une compagnie déjà largement dominante : la Corsica ferries. Quant à la compagnie maritime publique corse qui est restée dans les limbes de l’imaginaire nationaliste, elle serait alors certaine de ne jamais exister. Un échec de plus mais surtout une catastrophe pour le service public en Corse et donc les usagers. GXC
Longtemps la SNCM n’a été qu’un outil destiné à maintenir la paix sociale. Le coût était exorbitant, mais l’État en possédait les moyens. À la moindre alerte, la CGT Marseille bloquait les ports. L’État feignait de résister puis cédait. Cela a pris fin avec l’arrivée de la Communauté européenne dans ce jeu pervers. Par une décision du 2 mai 2013, la CE a déclaré le service complémentaire (c’est-à-dire le service des cars ferries) incompatible avec la réglementation de l’Union européenne puisque faussant la concurrence, elle juge néanmoins le service de base compatible avec le marché dans la mesure ou il n’est pas surdimensionné ni surcompensé.
Or les aides offertes aux compagnies choisies pour être aidées en service complémentaire vont être jugées surdimensionnées et la Commission européenne demande alors le remboursement de l’aide correspondant au service complémentaire.
Paul Giacobbi, président en exercice de l’Exécutif de Corse affirme aujourd’hui que l’Élysée lui avait donné l’ordre de ne rien faire. Mis au pied du mur par la Commission européenne, en octobre 2014, l’Office des transports de la Corse émet un titre afin de récupérer l’aide illégale concernant le service complémentaire plus les intérêts. La SNCM est alors mise en liquidation et donc à vendre.L’appel à candidatures pour la reprise de la SNCM fera état d’une infraction (n° 2013/243) sur la DSP en cours relative à la période 2014-21. Cette infraction avait pourtant fait l’objet d’une mise en demeure de la Commission européenne le 20 novembre 2013. Vraisemblablement conseillés par l’État, la CTC et l’OTC n’en tiennent aucun compte et la DSP est mise en œuvre sans changement le 1er janvier 2014.
La vente de la SNCM
Le 6 mai 2015, une lettre de la Commission européenne fixe les conditions de reprise de la SNCM, et de l’obtention de la discontinuité économique pour le repreneur, discontinuité essentielle pour que le repreneur ne soit pas tributaire des amendes à venir et des dettes. Deux mois plus tard, la Commission met en demeure la France de recouvrer les aides illégales.
Changement de majorité en Corse : les nationalistes désormais aux commandes promettent une maison de cristal. Le 20 novembre 2015, le tribunal de Commerce de Marseille accepte l’offre de reprise de Patrick Rocca (après un revirement surprenant). L’année 2016 vient à peine de commencer que le nouveau Président de l’OTC déclare à la presse le 7 janvier 2016 : « Le 17 septembre 2015, la CTC a voté un avenant, lui permettant d’accepter la subdélégation et ses principes.Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, le 14 décembre, cet avenant n’avait pas été signé par la CMN, par peur des desiderata de l’Union européenne... ».
Or cet avenant n° 1 qui rétribue la CMN pour les services effectués par le repreneur est introuvable sur le site de la Collectivité de Corse, alors que figurent des avenants n° 2 et 3 qui font apparaître notamment la rétribution des services effectués par le repreneur au même niveau financier que la SNCM, contrevenant ainsi aux prescriptions de la CE pour l’obtention de la discontinuité. En d’autres termes, Patrick Rocca hérite des dettes et des amendes futures de la SNCM qui pourraient atteindre plusieurs centaines de millions d’euros.
Le rapport de la chambre régionale des comptes de mars 2018, consultable sur internet, précisera que les provisions afférentes à la récupération des compensations financières apparaissent dans l’état des sommes à recouvrer au 5 octobre 2016. Le rapport du 7 août 2020 de l’UE indiquera qu’un nouvel appel d’offres aurait dû être lancé et qu’en son absence un sous-contrat d’affrètement a été passé ce qui était illégal.
Le 16 février 2016, Patrick Rocca cède, pour des raisons qui restent un mystère, la compagnie au Consortium fondé par un parterre de patrons parmi lesquels ceux qui tiennent la distribution, le transport et le bâtiment. Il devient lui-même un membre du Consortium. Cette cession fait alors l’objet d’une plainte du Comité d’entreprise de la compagnie qui estime que l’accord avec le tribunal de Commerce n’a pas été respecté provoquant une enquête du Parquet national financier.
Des délégations de service public illégales
Par délibération n° 2016/E3/77, la CTC, se mettant ainsi en danger, adopte un rapport concernant une délégation de service public maritime provisoire d’un an à compter du 1er octobre 2016. Elle sera prolongée par avenant.Deux autres DSP courtes (dites de raccordement et transitoire), suivies chacune d’un avenant seront passées sous la mandature nationaliste. Le 23 février 2017, la foudre s’abat sur la CTC qui est condamnée par le tribunal administratif de Bastia à payer à la Corsica Ferries 84 millions d’euros, plus les intérêts au titre du préjudice que celle-ci aurait subi du fait du service complémentaire suite à une plainte déposée par Pierre Mattei, PDG de la Corsica Ferries. La CTC fait alors appel de la décision du Tribunal Administratif ; elle introduit un référé afin de demander un sursis à exécution et un autre pour demander de procéder à une expertise. Il est tout simplement stupéfiant que la CTC ne conteste pas le principe du préjudice, aucune décision n’ayant été rendue dans ce sens sur le plan national.
Par une décision du 29 janvier 2018, la Cour Administrative d’Appel de Marseille décide d’accorder le sursis à exécution ; « jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’appel de la CTC… » ; de joindre la procédure d’appel et de procéder à une expertise « avant de statuer sur le montant de l’indemnité à la charge de la CTC ». Hélas, trois fois hélas, le 26 septembre 2021 le Conseil d’État refuse le pourvoi de la Collectivité de Corse. Celle-ci est donc définitivement condamnée à payer 86,3 millions d’euros à Corsica Ferries.
À juste titre, Gilles Simeoni a mis en accusation l’État qui est théoriquement le responsable in fine du contrôle de légalité des délibérations prises par la Collectivité. Pourquoi n’a-t-il rien dit alors qu’il est d’ordinaire très pointilleux ? Acceptera-t-il de prendre sa part de responsabilité dans le paiement de la somme fixée ? Un autre point important est la raison du Conseil d’État de ne pas admettre le pourvoi. En effet, celui-ci ne peut statuer que sur un point de droit et non sur le montant d’une expertise. Or la CTC avait admis l’existence d’un préjudice, mais estimait ce préjudice à 21 millions d’euros d’où sa demande d’expertise bien que Gilles Simeoni ait produit une déclaration contradictoire sur la question le jour de l’audience d’appel.
Plusieurs épées de Damoclès pèsent sur le transport corse
La première menace tient à l’enquête ouverte le 28 février 2020 de la Commission européenne sur les trois Délégations de Service publics maritimes accordées à Corsica Linea en 2019.
La Commission s’est plainte de ne toujours pas avoir reçu « malgré les demandes répétées formulées à la France lors de la procédure de prénotification, les données quantitatives et qualitatives de la demande réelle de public particulier ».
Le rapport fait apparaître des paramètres financiers établis de façon peu orthodoxe et le peu de motivation des autorités françaises pour transmettre les éléments financiers à la Commission.
En conclusion, la Commission relève qu’aucun des critères n’est rempli pour acter de la compatibilité de ces trois DSP avec le marché intérieur. Sachant qu’un seul des critères non remplis conduit à une demande de remboursement des aides, seul un miracle pourrait éviter la condamnation de Corsica Linea à rembourser le montant de ces trois DSP 2019-2020, soit plusieurs dizaines de millions d’euros.
Aussi grave est la non-liquidation juridique de la SNCM. Ce qui signifie que Patrick Rocca a hérité des dettes qui, à son tour, les a amenées avec lui jusqu’au Consortium. Or la somme à payer pourrait s’élever à plus de 300 millions d’euros. Autant dire que le Consortium mettrait, en pareil cas, la clef sous la porte. Mais cela signifierait également que ce qui survit du service public qui disparaîtrait au profit d’une compagnie déjà largement dominante : la Corsica ferries. Quant à la compagnie maritime publique corse qui est restée dans les limbes de l’imaginaire nationaliste, elle serait alors certaine de ne jamais exister. Un échec de plus mais surtout une catastrophe pour le service public en Corse et donc les usagers. GXC