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Prisonniers nationalistes : voter c'est bien, mobiliser c'est mieux !

Une résolution votéé à l'unanimité et des disciurs de paix sufiront-ils pour faire évoluer positivement l'état ?

Prisonniers nationalistes : voter c’est bien, mobiliser c’est mieux


Une résolution votée à l’unanimité et des discours de paix suffiront-ils pour faire évoluer positivement l’État ? Beaucoup expriment leur doute et aussi la conviction qu’il faudra faire plus.


L’Assemblée de Corse a dernièrement adopté, et ce à l’unanimité, une résolution demandant pour les prisonniers nationalistes Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Ivan Colonna (d’ailleurs libérables si l’on considère la durée de leur détention) : « les mêmes droits et le même traitement que tout justiciable », « la levée du statut de DPS (Détenu Particulièrement Signalé), « un rapprochement immédiat. » L’adoption de cette résolution a été déterminée par l’indignation au sein de la classe politique qu’a provoqué l’énième refus d’accorder un rapprochement familial et un aménagement de peine à Pierre Alessandri. Il convient de souligner que deux anciens présidents du Conseil exécutif, (Paul Giacobbi, Ange Santini) et quatre anciens présidents de l’Assemblée de Corse (Jean-Guy Talamoni, Dominique Bucchini, José Rossi, Camille de Rocca Serra) ont fait connaître leur soutien à la démarche intellectuelle et politique ayant conduit à l’adoption de la résolution. Durant le session, le consensus a d’ailleurs été le fil directeur des interventions avec également l’expression d’un fort souhait d’ouvrir une page nouvelle dans les rapport entre Paris et la Corse.
La présidente de l’Assemblée de Corse Nanette Maupertuis a mis en exergue une nécessité « tourner la page du conflit entre l’Etat et la Corse » et une volonté « emprunter le chemin de la paix vers un avenir meilleur ». Le président du Conseil exécutif Gilles Simeoni lui aussi affirmé cette nécessité et cette volonté : « Nous sommes prêts depuis longtemps pour la réconciliation, ce qui l’enracinera de façon irréversible, c’est la justice pour Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna ».» Le leader de Core in Fronte Paul-Félix Benedetti, peu soupçonnable de complaisance envers l’Etat, a déclaré être disposé à aller très loin dans une démarche d’apaisement pour peu que Paris aille dans le même sens : « Donnons une chance à la réconciliation, que le drame d’Erignac soit le deuil de tous ! On doit être capable, même nous Indépendantistes, d’accepter qu’il y ait, dans cet hémicycle, une plaque à son nom, mais à une condition : qu’on ait soldé définitivement ce problème qui est un fardeau tout autant pour la Corse que pour la France. »Laurent Marcangeli, au nom du groupe de droite U Soffiu Novu a lui aussi exprimé qu’il existait une aspiration générale à de nouveaux horizons : « La temporalité que nous cherchons tous, c’est la paix. C’est tourner la page. Quelles que soient nos convictions, il est temps de passer à autre chose. »


Peu de confiance en Paris


Tout cela suffira-t-il pour faire évoluer positivement l’État ? Des intervenants ont exprimé leur doute et aussi la conviction qu’il faudraplus qu’un vote unanime et des souhaite de paix pour faire plier Paris. La conseillère Corsica Libera Josepha Giacometti-Piredda a estimé louable mais insuffisant le vote d’une résolution et en conséquence lancé un appel à la mobilisation : « Comment allons-nous porter cette résolution ? Comment nous mobilisons-nous ? Quand nous sortirons de cet hémicycle, qu’allons-nous faire ? C’est la seule question qui vaille ! Nous sommes loin d’avoir gagné. Il faut se mobiliser. » Le leader du Partitu di a Nazione Corsa et président du groupe Avanzemu Jean-Christophe Angelini a fait part de son peu de confiance en Paris et lui aussi préconisé la mobilisation : « La stratégie de l’Etat profond consiste à emprisonner ces gens pour le reste de leur vie. Cette conviction, nous la portons en nous. De décision en décision se dessine une perpétuité réelle.
C’est révoltant
[...] Ce débat doit permettre d’entrer dans un cycle. Si on veut vraiment inverser la tendance, il faut poser ensemble les modalités de la suite qui appartient au mouvement national et au peuple corse. » Une fois la session achevée, le fils d’Alain Ferrandi a demandé que la résolution soit portée et défendue au-delà de l’hémicycle. Le doute et les différents appels à la mobilisation prennent sont aisément compréhensibles si l’on prend en compte que l’État a montré au moins deux fois le peu de cas qu’il faisait des votes de l’Assemblée de Corse concernant les prisonniers nationalistes. En 2015, durant les derniers mois de la mandature de Paul Giacobbi, Paris a superbement ignoré la motion adoptée à une forte majorité par l’Assemblée de Corse (48 pour, 3 non participations au vote) qui formulait la demande suivante : « L’Assemblée de Corse se prononce pour l’adoption par le Parlement français d’une loi d’amnistie conduisant à la libération des prisonniers et à l’arrêt des poursuites envers les recherchés, dans les affaires judiciaires en lien avec la question politique corse. » Paris n’a pas saisi la perche qui était tendue.
En 2010, durant les premiers mois de la mandature de Paul Giacobbi, l’Assemblée de Corse a demandé par un vote unanime le rapprochement des prisonniers corses. Il a fallu des années pour que de premiers rapprochements interviennent. Et, à ce jour, le dossier n’est pas clos.



Unità strategica



C’est probablement par ce qu’ils doutent eux aussi de la volonté de Paris de solder positivement la question des prisonniers nationalistes et plus globalement de mettre fin aux poursuites, que cinq associations anti-répression ont récemment rassemblé leur forces et leurs efforts dans le cadre d’une Unità strategica (unité stratégique). En effet, L'Ora di u Ritornu, Aiutu Paisanu, le Comité de soutien à Yvan Colonna, Patriotti et Sulidarità ont présenté, devant les grilles de la sous-préfecture de Corte, un texte commun dans lequel est affirmée leur volonté commune de s'unir pour poursuivre le combat jusqu’à ce que cesse la répression du combat nationaliste et que les prisonniers politiques recouvrent la liberté et soient préservés de toute poursuite. Une centaine de figures et de cadres politiques du nationalisme et d'anciens prisonniers politiques et aussi quelques étudiants ont fait le déplacement. Il a été annoncé « la mise en place d'une coordination de travail, de réflexion et d'action reposant sur le respect paritaire et s'inscrivant dans une unité stratégique » afin d’impulser « un rapport de force populaire face à l'intransigeance étatique française », d’exiger « une libération immédiate des derniers prisonniers politiques » et de demander que les nationalistes « soient retirés de l’infamant FIJAIT (Fichier des auteurs d’infractions terroristes). » Cet événement et son objet ont été qualifiés par un des responsables présents de « moment historique » et de « quelque chose qui n'était pas arrivé depuis vingt ans » (allusion peut-être aux Accords de paix d’U Miggliacciaru qui en juillet 1999 avaient mis fin aux affrontements entre nationalistes et permis des démarches unitaires ayant déterminé leur retour en force sur la scène politique).
Ce responsable aussi bien fait comprendre que les cinq associations veilleraient à ce que leur cause ne soit pas reléguée au second plan par les décideurs politiques corses : « Nous attendons que la classe politique corse nous accorde un soutien sans failles ».
Voter c’est bien, mobiliser c’est mieux est en somme le message que l’Unità strategica, exprimant d’ailleurs ainsi l’opinion de nombreux militants, a adressé à la classe politique.



Pierre Corsi
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