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" The Granary " de Nicolas Torracinta

Un CD d'une beauté mélancolique

« The Granary » de Nicolas Torracinta


Un CD d’une beauté mélancolique


« The Granary ». Un album d’une belle réussite du Balanin, Nicolas Torracinta. Des mélodies puissantes et prenantes d’où fuse un imaginaire riche peignant des paysages de l’âme tantôt sombres, tantôt torturés, tantôt teintée teinté d’un soupçon d’ironie comme une invitation à aller au-delà des apparences…


Ecrire en anglais de la part de Nicolas Torracinta ce n’est pas pour faire chic. Pour en mettre plein la vue et les oreilles en rejoignant la vague en vogue anglophone qui nous mitraille présentement. Chanter en anglais est pour lui partie intégrante d’une démarche artistique et une manière de renouer avec les sonorités du folk souveraines dans les années 60. Chez Nicolas Torracinta on s’aperçoit vite que dans « The Granary » (Le Grenier) il y a quelque chose de l’atmosphère poétique d’un Leonard Cohen et de l’ambiance d’écorché vif d’un Bob Dylan. Réminiscences empreintes d’une actualité fulgurante charriant un flot d’images constamment renouvelées. Son mot en anglais est juste et maîtrisé.
En écoutant ses textes on est à l’opposé d’une mode anglo-maniaque résumée en un pâteux yaourt ! Chez lui le mot est non seulement porteur de sens mais il ouvre aussi les sentes d’une signification à explorer. À dévoiler.

Corsophone et francophone l’artiste grâce à son bilinguisme peut évoluer avec facilité en d’autres langues et dépassant alors le statut d’étranger il parvient à s’y lover en un chez soi bien à lui. A noter en outre que Nicolas Torracinta a une longue expérience musicale puisqu’il a collaboré avec de très nombreux groupes corses dont « L’Alba ». « The Granary », qui fait référence au grenier de son enfance, n’est pas un album particulièrement gai. Ses tonalités sont souvent emplies de mélancolie et d’une certaine nostalgie qui se dissimule dans la brume de ses souvenirs. Huit tires dans « The Granary » dont un – « Winter’s wind » – déployé en deux versions.
Huit titres et autant d’occasions d’être ému, bouleversé et de suivre le cours d’une poésie répercutant des échos du fantastique. Pas à pas : « Beware the darkness » clame qu’on ne peut se satisfaire d’un isolement qui coupe du réel et des autres. « Eire song » nous projette en Irlande. « Drawn fron Louise » diffuse une tristesse insondable. « A to vita vogliu » célèbre des noces entre polyphonie corse et folk en une véritable performance artistique … qu’on aimerait beaucoup voir se prolonger !

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Nicolas Torracinta est présélectionné dans la section les « INOUÏS » du Printemps de Bourge



L’album
Nicolas Torracinta, voix, guitares, synthé. Jean Jacques Murgia, guitares, piano. Fanou Torracinta, basse électrique. Michè Dominici, batterie. Ghjuvanfrancescu Mattei, voix, texte et co-composition de « A to vita vogliu ». Miwa Rosso, violoncelle. Bertrand Cervera, violon. Textes et musiques de Nicolas Torracinta.


      ENTRETIEN AVEC NICOLAS TORRACINTA


Avec « The Granary » vous passez de la polyphonie corse à la ballade irlandaise
Pas du tout, dans les groupes corses j’ai toujours assumé un rôle de guitariste !... J’ai constamment aimé la musique folk et j’ai envie d’en faire de façon plus personnelle en composant des musiques originales. Groupes corses et folk il s’agit là de deux pratiques parallèles.


Vous évoquez souvent avec tendresse l’héritage des frères Vincenti. Pour quelle raison ?
Comme eux ma famille est de Santa Reparata. Mon père les accompagnait à la guitare. Mon frère Fanou et moi on allait fréquemment les écouter chanter. On les voyait aussi très souvent, surtout Dominique ainsi que leurs neveux, Marcel et Vincent. Dans notre Balagne ils ont laissé un patrimoine très vivant et suscité de l’émulation autour de leurs chansons et de leurs thématiques… Santa Reparata est un véritable village de musiciens d’hier et d’aujourd’hui.


Au fond n’est-ce pas pour changer d’univers musical et vocal que dans « The Granary » vous chantez en anglais ?
La vraie raison il faut la chercher ailleurs ! J’ai beaucoup travaillé le répertoire folk et j’ai ressenti le besoin de m’y investir. D’ailleurs avec Fanou on l’a souvent interprété dans les bars. Des chansons en anglais c’est ce qu’on entend le plus car la culture anglo-saxonne est dominante ce qui m’a incité à m’en saisir pour m’y exprimer…


Qu’est-ce qui vous touche particulièrement dans la culture anglo-saxonne ?

On trouve dans cette culture un univers différent du nôtre. Les images que font surgir les mots en anglais sont autres et leurs sonorités me plaisent. Et puis j’aime retrouver les sensations que j’ai pu éprouver dans l’apprentissage que quelque chose de nouveau…J’aime courir après un mot qui m’échappe. J’aime jouer avec les images.


Vos mélodies sont belles, parfois d’une extrême délicatesse, parfois tendres, est-ce cela qui vous pousse à écrire des textes qui peuvent paraitre plus râpeux en contrepoint ?
Ce n’est pas là mon but ! Je ne suis pas dans le contrôle, dans la maîtrise. Je vais là où me conduit le mot, où m’emmène sa sonorité.


Parlez-nous de vos thématiques préférées ?
Il y en a plein !... Les chansons de « The Granary » ont pris du temps à être finalisées. Certaines ont germé il y a dix ans. Elles sont d’ailleurs plus en adéquation à ce que j’avais à dire à cette époque que maintenant… Disons qu’elles relèvent de l’ordre de la rêverie.

Comment avez-vous travaillé « A to vita vogliu » avec Ghjavanfrancescu Mattei pour la voix et le texte corse ?
C’est une des chansons que nous avons bouclé le plus rapidement et c’est la dernière que nous avons enregistrée. Elle est l’héritière de mon travail avec « L’Alba » et le résultat de plein de discussions et d’échanges. Elle est mélange de répertoires. Du corse à l’anglais on a joué à Doctor Jekyll et Mr Hyde de « Frankenstein ». Il y a du moi. Il y a de mon environnement. C’est le jeu du double qui finit par s’échapper… Dans ce que je fais il y a toujours une pointe d’humour t tout n’est pas à prendre au premier degré ! La part du décalé compte pour beaucoup en tant qu’extension de la réalité modifiée…

Allez-vous poursuivre cet essai « anglo-corse » ?
On va voir…

Vous consacrez une chanson à l’Irlande. En quoi vous sentez-vous proche de cette île ?
J’y suis allé une fois. L’Irlande me touche par son imaginaire, par son côté fantastique.

Pourquoi ce titre, « The Granary » ? Pour évoquer des émotions accumulées dans votre for intérieur ?
Ce grenier est celui de ma maison familiale à Santa Reparata. Là, où toutes mes chansons prennent forme dans leur écriture, dans leur composition. Là, où on répète, où l’on enregistre. Ce grenier on l’a réaménagé pour disposer de conditions de travail correctes. On s’y sent bien.

Votre expression en anglais est soignée. Est-ce le résultat d’une préparation minutieuse ?
L’association, « Le Rézo », m’a mis en contact avec une coach vocale canadienne, Tania Zolty, Avec elle j’ai travaillé la diction et la reprise des mots en anglais. Ce travail de précision a duré cinq ans.

Pourquoi reprendre « Winter’swind » dans le final de l’album ?
On avait deux versions de cette chanson dont les arrangements ne sont pas les mêmes. La première version enregistrée sur le CD comporte un accompagnement de guitare acoustique et de guitare électrique. La seconde avec violon et violoncelle a sans doute plus d’amplitude et boucle l’album. Voilà pourquoi « Winter’swind » apparait deux fois.

Vos projets ?
Faire vivre l’album sur scène. Le 5 février nous serons à Cargèse au Centre Culturel Natale Rocchiccioli.


Propos recueillis par M.A-P
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