• Le doyen de la presse Européenne

Éric Poli : « Économiquement, tout est à l’arrêt »

En cette période de confinement due à l’épidémie de Covid-19, la filière viticole corse n’échappe pas non plus aux mesures de restriction imposées par le Gouvernement.
Président du Conseil interprofessionnel des vins de Corse (CIVC), Éric Poli fait le point sur la situation des vignerons insulaires. Si le commerce du vin « a été stoppé net », les exploitants sont, eux, « obligés de travailler leurs vignes pour ne pas perdre la récolte ». Interview.

Dans quelle situation se trouvent les vignerons insulaires ?
Tout d'abord, j'espère qu'en termes de santé, ils se trouvent bien ! Ça, c'est la première des choses. Il faudra espérer sortir de cette mésaventure le plus sainement possible. Pour l'instant tout va bien de ce côté-là et on se protège. Pour le reste, nous subissons nous aussi cette arrêt complet de l'économie. Aujourd'hui, les restaurants et les points de vente sont fermés. Forcément, économiquement, tout est à l'arrêt pour nous. Ça ne fait qu'une semaine aujourd'hui mais il semblerait que le confinement va être prolongé (entretien réalisé le 21 mars). Je ne sais pas si les choses vont se rétablir mais, économiquement, c'est très calme. Tout a été stoppé net. On subit donc cet assaut de plein fouet...


Les exploitations sont-elles aussi à l'arrêt ?
Non. Elles ne le sont pas car nous sommes obligés de travailler avec - bien sûr - toutes les meilleures règles d'hygiène et de sécurité que l'on peut prendre. Vous savez, la vigne n'attend pas. Le printemps arrive, la vigne débourre et, par conséquent, tous les travaux se mettent en place. Malgré le fait qu'il n'y ait plus de ventes, nous sommes dans l'impossibilité d'arrêter. On continue à travailler nos vignes avec toutes les difficultés que ça peut conforter. Mises à part les chaînes de mise en bouteille, nous ne sommes pas à l'arrêt. Nous sommes obligés d'y aller, de se protéger, de maintenir les distances de sécurité. Si on ne continue pas à travailler nos vignes, on va perdre toute la récolte.


Un autre gros coup a été l'annulation, mi-mars, du Salon ProWein de Düsseldorf, en Allemagne, un événement majeur où beaucoup de vignerons insulaires devaient se rendre...


Tout à fait. Là aussi, ça s'est arrêté brutalement. C'est logique car la sécurité des personnes prime avant tout. Pour nos vignerons, ce sont bien sûr des marchés qui ne vont pas se faire. C'est un gros coup mais il faudra y faire face. Vous savez, des échantillons étaient partis, de l'argent avait été engagé, l’événement était prêt... Maintenant, on attend...


En tant que président du Conseil interprofessionnel des vins de Corse (CIVC), savez-vous quels types d'aides seront mises en place pour soutenir les viticulteurs ?
Comme toutes les petites et moyennes entreprises, nous rentrons nous aussi dans un dispositif d'aides avec des reports d'échéances, de charges sociales et tout ce qui a trait à nos entreprises respectives. Il y a tout un ensemble de mesures que l'on peut trouver sur le site de la Direccte. On va essayer de faire en sorte de bénéficier de ces différents reports. Cependant, ce qui est certain, c'est que l'année sera très compliquée...


Concernant vos exploitations, avez-vous déjà une première idée du manque à gagner ?
Là, nous sommes plutôt dans la saison morte. Mars n'est pas le plus gros mois de l'année mais c'est une période où on se prépare et où on rentre sur des prévisions de mise en bouteille, de conditionnement. En général, on y effectue les premières mises en place. On a une partie de la marchandise qui est quand même conditionnée mais, là, tout s'est arrêté net. Aujourd'hui, il n'y a plus de transports, beaucoup moins de visites dans la grande surface... Maintenant, on va voir comment évolue la situation, si elle se rétablit et quand. Tout est là. Quand on le saura, cela nous permettra de repartir et de peut-être sauver les meubles de la saison ; si on arrive à payer nos frais. Sinon, je crois que l'on va vers une année blanche...


En cette période de crise, l'insularité est-il un facteur qui complique davantage l'exportation de la marchandise vers le continent ?
Ça ne l'empêchera pas. Les bouteilles peuvent partir. Ça partira plus difficilement mais ça partira quand même. Mais le fait est qu'il n'y a pas de commerce. Aujourd'hui, la grande distribution va privilégier un circuit facile pour elle ; c'est-à-dire tous les produits qu’elle a déjà dans ses différentes centrales d’achats. Je pense aux opérations type « Foire de Printemps » etc. Ça, ça va être compliqué pour nous. C'est ça qui est un peu inquiétant. Je ne dis pas que le marché est nul mais il prend un sacré ralentissement. L'insularité, c'est toujours un peu pénalisant mais je ne pense pas qu’elle le soit davantage en cette période.


Dans l'idéal, il faudrait que tout reparte début mai ?
Oui, grand maximum. Si toutefois les touristes veulent bien revenir en Corse et auront la tête à partir en vacances. Si fin avril-début mai, tout revient dans l'ordre, je pense que les gens vont se remettre à consommer. Après, tout ce qui est perdu est perdu. Mais bon, on va quand même consommer et on espère sauver les meubles. Il est vrai que ça serait une bonne date pour relancer pleinement l'activité…
Partager :