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L'ACA, de la splendeur à l'abîme

Autopsie d'un club à l'abandon

L’ACA, de la splendeur à l’abîme : autopsie d’un club à l’abandon



Fondé en 1910, l’Athletic Club Ajaccien (ACA) aussi appelé l’Ours, a longtemps été un pilier identitaire de la Corse du Sud. Club populaire, enraciné, formateur, il a porté les espoirs d’une ville et d’un peuple. Pendant des décennies, malgré les moyens modestes, il s’est forgé une réputation de club dur au mal, imprenable à domicile, animé d’une ferveur que peu de stades de l’Hexagone pouvaient égaler. Le point d’orgue reste bien sûr l’année 2002 : pour la première fois, l’ACA accède à la Ligue 1, aux côtés des géants du football français. La fierté est immense. Ajaccio devient alors la deuxième ville corse à goûter à l’élite.

L’ascenseur des divisions et le dernier baroud de 2022


Sous la houlette de Rolland Courbis, puis dans les années suivantes, le club affronte le PSG, l’OM, Lyon… et résiste. Puis vient une période plus instable, marquée par des descentes, des retours éphémères, une valse d’entraîneurs. En 2011, l’ACA crée à nouveau la surprise en accédant à la Ligue 1 grâce à une équipe combative dirigée par Olivier Pantaloni, enfant du club, et grâce à des joueurs comme Cavalli ou le Mexicain Ochoa. Après des saisons en yoyo, l’ACA retrouve la Ligue 1 en mai 2022. Mais l’euphorie est de courte durée. Dès la saison suivante, le club sombre : dernier au classement, attaque atone, effectif trop court, moyens dérisoires. L’ACA est relégué, et entame une spirale infernale.

L’illusion Orsoni et l’échec Pefaco

En 2024, nouvelle chute : descente en National. Et avec elle, une crise bien plus profonde qu’une simple relégation. Le club est exsangue, sans ressources, et surtout sans cap. C’est dans ce contexte que le président Alain Orsoni, figure charismatique mais controversée du football insulaire, multiplie les déclarations rassurantes. Avec son bagout habituel, il affirme avoir « les clefs de la reprise », évoque de mystérieux investisseurs, notamment le groupe Pefaco, société espagnole active dans l’hôtellerie et les jeux. Une affaire très corse en somme.

Durant des mois, Orsoni entretient l’illusion d’un sauvetage imminent. Un avocat catalan de la Pefaco fait même le déplacement à Ajaccio et est censé apporter les fonds nécessaires pour le repêchage. Mais très vite, tout s’effondre. L’avocat retire ses billes, le dossier capote, et l’ACA dépose plainte contre lui pour escroquerie et fausses promesses. L’affaire est aujourd’hui devant la justice pénale. Quant aux supporters, ils n’y croient plus. Les conférences de presse pleines d’effets d’annonce laissent place au vide. Les tribunes se clairsement. Mille promesses, zéro résultat.

Un club à vendre… sans acheteur

Le club, en cet été 2025, ne trouve aucun repreneur sérieux. Les collectivités locales n’ont ni les moyens ni la volonté d’injecter de l’argent dans une structure devenue illisible. Les sponsors ont fui. Pantaloni avait déjà démissionné, fatigué des bricolages pour devenir l’entraîneur du FC Lorient. Les jeunes joueurs partent. Et le stade François-Coty, jadis volcan, sonne désormais creux et sa pelouse jaunie donnant au lieu un sentiment d’abandon.

Une ville privée d’une partie de son âme sportive

Le naufrage de l’ACA dépasse largement le terrain. Il prive la jeunesse ajaccienne d’un repère, d’un rêve, d’un ascenseur social. Il assèche le tissu économique local, entre commerçants, restaurateurs et prestataires liés aux jours de match.

Ce naufrage vient s’ajouter au scandale du Gazélec Football Club Ajaccio (GFCOA), autre club emblématique de la ville, qui lui aussi a connu la chute. Après une ascension fulgurante jusqu’à la Ligue 1 en 2015, le club a été rattrapé par des réalités financières et extra-sportives. Surtout, le GFCOA a vu son nom entaché à plusieurs reprises par des accointances troubles avec certains milieux du grand banditisme ajaccien, dans un climat de confusion où les frontières entre sport, affaires et réseaux souterrains semblaient poreuses. Des figures connues de la criminalité locale ont été soupçonnées d’y avoir exercé de l’influence, directement ou par procuration, sur certaines décisions internes. Même si peu d'affaires ont été jugées, l’image du club en est ressortie durablement atteinte.

Dans ce double naufrage — celui de l’ACA, institution centenaire, et celui du GFCOA, autrefois vivier populaire — c’est toute l’image d’Ajaccio qui se délite, celle d’une ville fière, rugueuse mais passionnée, aujourd’hui orpheline de son football. Ajaccio perd un étendard. Et avec lui, un pan entier de sa fierté collective.

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illustration : GXC
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