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Gauche de Corse : une véritable mosaïque

Au moins quatre gauches sont présentes entre Cap Corse et Bouches de Bonifacio. Avant le premier tour des élections municipales, elles restent au moins autant concurrentes que différentes. Mais des lignes commencent à bouger…
A la veille des élections municipales, comment évoquer la gauche de Corse ? La réponse la plus simple serait de la décrire démunie, orpheline et en miettes. Elle a perdu depuis le début de décennie la plupart de ses principaux fiefs et mandats : les villes d’Ajaccio et Bastia et leurs communautés d’agglomération, la Collectivité Territoriale de Corse devenue Collectivité de Corse, deux sièges de député, un siège de sénateur et bien entendu le Conseil départemental de Haute-Corse qui a disparu depuis la création de la Collectivité de Corse. Elle a perdu ses grands leaders : Emile Zuccarelli, Paul Giacobbi, Simon Renucci, Nicolas Alfonsi. Enfin ses partis déjà en piètre état au plan local depuis le début des années 2000, ont été frappés de plein fouet et dépouillés par deux vagues : l’une locale, le raz-de-marée siméoniste ; l’autre nationale, le tsunami macronien. Deux de ces partis qui avaient tenu le haut du pavé ont même disparu (Corse social-démocrate, Parti Radical de Gauche). Ces partis ont par ailleurs été affectés par des dissensions internes et une incapacité de construire des démarches unitaires. Il est toutefois une autre description possible de la famille de gauche : mosaïque dont les fragments auraient intérêt à harmoniser leurs couleurs mais peinent encore à trouver la formule pour y parvenir. Il convient toutefois de reconnaître que procéder à cette description n’a rien de facile. En effet, au moins quatre gauches sont présentes entre Cap Corse et Bouches de Bonifacio. De plus, avant le premier tour des élections municipales, elles restent au moins autant concurrentes que différentes. Et enfin, en leur sein, des passages de témoins sont en cours. Mais des lignes commencent à bouger. A l’occasion du second tour des élections municipales, des processus d’harmonisation entre certains fragments de la mosaïques, pourraient se dessiner.


Gauche d’hier et gauche citoyenne


Sur la mosaïque, on distingue d’abord ce que l’on pourrait appeler la gauche d’hier qui ne renonce pas à être celle de demain. Elle est essentiellement constituée des fragments suivants : les fédérations nordiste et sudiste du Parti Communiste, la fédération de Corse-du-Sud du Parti Socialiste, les radicaux de gauche restés fidèles à Jean Zuccarelli. Cette gauche d’hier a tenté et plutôt réussi à se rassembler dans la perspective des élections municipales ajaccienne et bastiaise, avec l’objectif d’être présente ou de peser au second tour. A Ajaccio, communistes et socialistes unis autour d’Etienne Bastelica espèrent réaliser plus de 10 % au premier tour et ainsi pouvoir se maintenir au second. A Bastia, Jean Zuccarelli et les communistes affichent l’ambition d’être la principale force d’opposition à l’issue du premier tour et de rassembler très large au second afin de reprendre les rênes de la municipalité. De plus, la gauche d’hier veut aussi montrer qu’elle anticipe le lendemain. Le communiste Paul-Antoine Luciani et le socialiste Jean-Marc Ciabrini confient désormais les premiers rôles électoraux à Anissa-Flore Amziane et Alain Combaret. Par ailleurs, proche de la gauche d’hier mais davantage syndicale associative ou citoyenne que partisane, et surtout opposée à tout compromis avec des personnalités ayant flirté avec le « En même temps » macronien (par exemple l’ancien Corse social-démocrate François Casasoprana), une autre gauche tente de se faire une place lors du rendez-vous électoral ajaccien en cours. Cette démarche portée par la liste « Ajaccio, citoyens » que conduit l’insoumise Patricia Curcio explique : « Il y a des colistiers qui viennent d’horizons politiques mais ce n’est pas l’essentiel de la liste. 95% ne sont pas encartés dans un parti. Nous sommes présents dans cette élection pour apporter une voix différente (…) Nous voulons faire passer un message et être la voix des personnes oubliées. »


Gauche corsiste et gauche pragmatique


Principalement portée par la fédération de la Haute-Corse du Parti Socialiste et le club Gauche Autonomiste, la gauche corsiste se fait peu entendre. Pourtant, elle bien présente. Sa visibilité la plus importante a pour cadre le scrutin bastiais : Emmanuelle de Gentili et plusieurs autres socialistes sont en bonne place sur la liste à dominante nationaliste de Pierre Savelli. La gauche corsiste d’obédience Parti Socialiste ou proche de cette formation aligne aussi les maires sortants de Sisco, Monticello et Linguizetta, et compte également des militants ou sympathisants sur de nombreuses listes. Ainsi, à Porto-Vecchio, Jean-Pierre Ciabrini, un des fondateurs de la Gauche Autonomiste, est en lice sur la liste du nationaliste non encarté Don-Mathieu Santini que soutiennent Femu a Corsica et Core In Fronte. Enfin, il convient de citer la gauche pragmatique. En Corse-du-Sud, elle se fait discrète. Elle se fond dans la gauche d’hier (François Casasoprana sur la liste Etienne Bastelica), le « En même temps » macronien (Jean-Charles Orsucci et Jean-Baptiste Luccioni, maires sortants et candidats à leur réélection à Bonifacio et Pietrosella) ou la démarche Femu a Corsica (amis de Simon Renucci sur la liste Jean-André Miniconi soutenue par Femu a Corsica). En Haute-Corse, la gauche pragmatique se laisse identifier en tant que telle. Sa figure de proue, Jean-Sébastien de Casalta qui brigue la mairie de Bastia qui revendique avoir une fibre à la fois socialiste et corsiste, n’a pas hésité à inscrire sur sa liste le très républicain François Tatti et d’anciens zuccarellistes, ne rejette pas le soutien d’anciens giacobbistes de premier plan (par exemple François Orlandi, ancien président du Conseil départemental 2B) et surtout n’écarte pas l’idée d’une alliance au second tour avec la gauche d’hier de Jean Zuccarelli et du Parti Communiste. Enfin, ne pas oublier aussi que la gauche pragmatique compte en Haute Corse et dans l’arène des élections municipales, des maires d’importantes communes (Furiani, San Martino di Lota, Penta di Casinca…) pour lesquels avoir le cœur à gauche n’interdit aucun compromis pour peu qu’il soit profitable à leur commune.
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