Compléments d'enquêtes
Le 1er janvier dernier, le garde ddes Sceaux annonçait la création d'un nouveau pôle judiciaire dédié aux cold-cases, les affaires non élucidées.
Compléments d’enquêtes
Le 1er janvier dernier, le garde des Sceaux annonçait la création d'un nouveau pôle judiciaire dédié aux cold-cases, les affaires non élucidées. Sur le modèle du parquet anti-terroriste ou financier, il y aura bientôt un pôle uniquement chargé des enquêtes sans réponse. Ce projet est prévu dans la loi renforçant la confiance dans l'institution judiciaire... Ce pôle pourrait être saisi de l'affaire Dorado, ce professeur de collège tué en janvier 2016, de la disparition d’Hubert Boiron sur le port d’Ajaccio en 2013, ou de celle d’Evelyne Bensoussan en décembre 1997.
C'est un service unique en Europe,
Une banque de donnée des plus précieuses pour la justice.
Nous sommes au service central de préservation des prélèvements biologiques.
1000 mètres de stockage, Des congélateurs surpuissants, des murs de protection aux rayons solaires,
Affaire Gregory, tuerie de Chevaline, meurtres en série du Grêlé…
Ici, sont stockés les indices matériels apparus dans les affaires criminelles les plus complexes... Dans des milliers d’enveloppes en papier kraft, entourés d’un ruban de scotch rouge « ne pas ouvrir », se trouvent des mégots de cigarettes, des morceaux de vêtements, des écouvillons où ont été prélevées des ADN, les empreintes génétiques qui pourrait permettre d’identifier un suspect.
236.000 scellés en tout, recueillis par la gendarmerie et la police.
La conservation est un enjeu essentiel pour garder l'espoir d'élucider un jour une affaire. « Nous sommes le premier maillon de la chaine au niveau de l'expertise. Nous préservons, ensuite les experts peuvent trouver un ADN. Si nous ne préservons pas dans ces conditions-là, il est très difficile dans plusieurs années de retrouver un ADN », explique Marine Bougerie, chef du Service Central de Préservation des Prélèvements Biologiques.
Dans ces scellés se trouve peut-être la clé de l'affaire Dorado, un professeur de collège tué devant la porte de son domicile en janvier 2016 à Afa, près d'Ajaccio.
« Lorsqu’un ADN a été trouvé mais qu’il est inconnu. Nous le préservons jusqu’à ce que ce prélèvement matche avec quelqu’un de connu, de fiché », poursuit la responsable du centre de Préservation des Prélèvements biologiques
Le 18 janvier 2016, Vincent Dorado un enseignant de 33 ans, apprécié de tous est tué de deux coups de fusils de chasse.
Vers 21 heures, les voisins ont entendu deux détonations. Dans un silence total, l'auteur a pris la fuite...
Le collège où enseigne le jeune professeur est sous le choc.
« Il pouvait nous faire rigoler en même temps qu'il nous faisait une leçon et c'est ce qui le différenciait des autres profs. Il était exceptionnel », se souvient une collégienne. 13 mois plus tard, dans la campagne environnante, un promeneur découvre un fusil dans un bosquet. Une trace ADN féminine est recueillie sur la crosse.
Une vaste opération est lancée....
280 prélèvements ADN sont effectués sur des femmes appartenant à l'environnement professionnel de Vincent Dorado. Enseignantes, mères de collégiens... Tous ces profils sont comparés. En vain. L'empreinte prélevée sur le fusil n'est toujours pas identifiée. « Si un jour cet ADN retrouvé sur le fusil était identifié, il permettrait de faire avancer l’enquête de manière significative. Même s’il convient de ne pas tirer de conclusions trop rapides…
« Malheureusement, il y a eu énormément d’actes d’enquêtes, des dizaines de témoignages ont été recueillies, ils n’ont pas permis d’élucider ce crime », précise le Colonel Nicolas Michel, Chef de la Section de recherche de la gendarmerie de Corse.
Pôle Cold case
La Section de recherche de Corse travaille déjà avec la Division des Affaires Non Elucidées de la gendarmerie nationale et le futur pôle des affaires non élucidées de Nanterre pourrait se saisir de l'affaire Dorado.
Ce pôle sera constitué de trois juges d’instruction, d’un magistrat du parquet, de trois greffiers et de deux juristes spécialisés. « Il y a eu un groupe de travail, présidé par le Procureur Général de Grenoble Jacques Dallest, sur les enquêtes en matière de cold-case. Et une des recommandations était de centraliser les affaires, pour être plus efficace. Les magistrats seront spécialisés dans cette matière. On va également avoir des techniques spécifiques d’enquêtes qui seront utilisées et on pourra faire des recoupements », dévoile la porte-parole du Ministère de la justice Emmanuelle Masson.
En septembre dernier, l'émission Appel à témoins sur M6 a recueilli de nombreux témoignages. Les gendarmes analysent chaque détail.
Qui a tué Vincent Dorado ?
Mari jaloux, méprise, crime de femme éconduite ?
Une question qui hante les nombreux amis, et la famille du jeune professeur.
Pour eux c’est sûr, quelqu’un sait, et se tait. Le futur pôle judiciaire chargé exclusivement des cold case, ces affaires non résolues se veut un nouvel espoir pour les familles de victimes. « Les familles ont du mal à comprendre que la justice ne mette pas tout en œuvre pour élucider ces affaires, les traiter comme il se doit. Mais le criminel fait généralement en sorte de ne pas être pris. Il faudrait que les magistrats puissent apporter une écoute à ces familles, mais ils sont souvent submergés par d’autres affaires », détaille Jacques Dallest, Procureur Général de Grenoble. L’ancien procureur d’Ajaccio et de la JIRS, la juridiction Interrégionale de Marseille a rédigé un rapport qui préconise 26 mesures concrètes.
Le mystère Boiron
Sa photo est longtemps restée épinglée au commissariat d’Ajaccio. Le 13 septembre 2013, Hubert Boiron un agriculteur à la retraite de 80 ans disparait dans les rues d’Ajaccio. Il était arrivé en Corse le 16 septembre, en voyage organisé, avec son épouse pour fêter leurs noces d'or.
Le fils et la fille d’Hubert Boiron apprennent la nouvelle et se rendent très rapidement en Corse.
« On a rencontré le commissaire de police qui n’avait pas trop d’espoir de le retrouver vivant. Selon lui, il était tombé dans le port. Ils ont fouillé le long du quai avec des plongeurs… Puis on est reparti. C’était dur on ne l’avait pas trouvé », se souvient Thierry Boiron, le fils d’Hubert Boiron.
C'est la dernière photo prise par un touriste du groupe. Il est 16 heures 44 sur la place Foch à Ajaccio ; Hubert Boiron est en arrière-plan à l'écoute d'une guide touristique devant la statue Napoléon. Il rejoindra ensuite la maison Bonaparte.
La police se lance dans des recherches. Fouille de la vieille ville, plongées sous-marines, survols en hélicoptère. En vain.
« Seul un nouveau témoignage qui n’aurait pas été recueilli à l’époque pourrait faire rebondir l’enquête. C’est pour ça qu’il est urgent d’en reparler de manière à ce que ces personnes puissent recontacter la justice », espère Bernard Valesy, Vice-président National de l’assistance et Recherche de Personnes disparues. L'avocat de la famille Boiron va demander au juge d'instruction de se dessaisir au profit du futur pôle judicaire spécialisé dans les affaires non résolues. Depuis 2014 la famille n'a aucune réponse.
« Est-il tombé dans l’eau ? Je ne sais pas. A-t-il embarqué par erreur sur un autre ferry ? S’est-il perdu ? Un procureur, un magistrat, la justice qui répond à une jeune femme qui veut savoir ce qu’il est arrivé à son père : Je ne sais pas, cela crée une douleur très particulière », commente Philippe Gatti, l’avocat de la famille Boiron.
Parmi les autres cold-case dont pourrait se saisir le futur pôle cold-case, figure l’affaire de la disparition d’Yveline Bensoussan, l’épouse d’un commerçant d’Ajaccio enlevée à son domicile le 8 décembre 1997.
Les enquêtes sur règlements de compte (attribuées à la JIRS de Marseille) ne concerneront pas ce futur pôle des affaires non élucidées de Nanterre qui pourra être saisi par le Procureur, ou l’avocat d’une des parties.
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Marie-Françoise Stefani