• Le doyen de la presse Européenne

Ne pas monter bien haut, mais tout seul

Ce qui ronge l'âme corse n'est pas le désir d'indépendance pas plus que celui d'une assimlilation par l'ensemble français.

Ne pas monter bien haut, mais tout seul

Ce qui ronge l’âme corse n’est pas le désir d’indépendance pas plus que celui d’une assimilation par l’ensemble français. C’est tout simplement ce doute terrible quant à sa véritable valeur. Au lieu de faire confiance à nos capacités permises par l’argent de la France, en toutes circonstances, nous réclamons la ceinture et les bretelles, le beurre et l’argent du beurre. Le seul qui trancha sur cette cyclothymie millénaire fut Pasquale Paoli qui échoua à cause de la puissance militaire française mise au service de Gênes, cette vieille marâtre agonisante et méchante, mais aussi à cause de nos propres divisions, de nos orgueils blessés, de notre incapacité à chanter d’une seule voix. Il est à peu près certain que les nationalistes vont au moins reconduire leurs trois députés sortants. Pourtant ça pourrait être une victoire en trompe-l’œil, car elle n’aura pas pour origine essentielle des réussites éclatantes, mais la lamentable vacuité de leurs adversaires politiques. Or dans le monde en crise qui s’ouvre devant elle, la Corse a un impératif besoin de croire en elle-même sans toujours tendre ouvrir le parachute ventral parisien.


Si, si et si…


Dans une interview donnée à Via Stella, la professeur de droit constitutionnel Wanda Mastor présente l’ouvrage qu’elle vient d’écrire intitulé « Vers l’autonomie ». Elle y énonce des vérités premières, mais sans jamais aller plus loin. Ainsi, affirme-t-elle, à juste titre la nécessité de définir les contours de l’autonomie corse sans elle-même y parvenir. Elle parle d’un peu de Polynésie, de l’exemple des autres îles méditerranéennes. Elle rejette cependant en partie le modèle polynésien (qui n’est pas de l’autonomie précise-t-elle à juste titre), mais aussi celui de l’Outremer. « Moi c’est quelque chose que j’ai toujours repoussé » insiste-t-elle à rebours des différents courants nationalistes qui ont milité pour un statut d’outre-mer en faveur de la Corse. « Ensuite, le modèle des îles autonomes est beaucoup plus pertinent pour une raison qui relève du bon sens : c’est le fait insulaire. » Parce que la Polynésie et l’Outre mer ne sont pas composées d’îles également ? Elle déclare qu’il n’y a aucun obstacle juridique à l’obtention d’une autonomie dont on ne connaît toujours pas le contenu pour plus loin regretter que le président Macron ne semble pas prêt à un changement constitutionnel. Or cette même Wanda Mastor expliquait il y a peu que le changement constitutionnel nécessaire à l’autonomie était possible. Bref on a beaucoup de mal à s’y retrouver. Et pourtant il va bien falloir une véritable feuille de route lors des discussions avec le ministre de l’Intérieur. Il reste la véritable question de fond : les dirigeants de la Collectivité veulent-ils réellement faire avancer les dossiers ou s’en tenir à la question idéologique ? Wanda Mastor est très prudente sur les résultats à attendre d’une réforme institutionnelle. « Mais l’évolution institutionnelle permettrait en principe à la collectivité, si elle en fait ce qu’elle doit en faire évidemment, d’avoir des outils plus efficaces pour précisément ensuite gérer au mieux les problèmes du quotidien. » On l’a connue plus enthousiaste.

Suivre les traces de Cyrano de Bergerac


Dans cette sublime pièce qu’est le Cyrano de Rostand, notre héros se lance en scène 8 de l’acte II dans une tirade que la Corse devrait s’appliquer à elle-même. En voici la conclusion :

« N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !

Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! Ah le beau rêve ! Cesser d’avoir pour étoile du berger Paris et ses décisions. Agir à petits pas, mais accumuler les petites victoires afin de gagner cette confiance en nous-mêmes qui nous manquent tant. Sortons des antichambres de la Collectivité et écoutons ce que les Corses pensent d’eux-mêmes. Ils gémissent sur leur sort (u baccalà pà a Corsica), mais y trouvent des explications (nous ne savons pas terminer un travail, nous sommes des mendiants orgueilleux) qui ne sont hélas pas toujours fausses. La raison en est simple : nous vivons un relatif confort, abreuvés de subventions qui nous droguent et font de nous des boulimiques sans cesse en manque. C’est cela qu’il faut interrompre en ayant la volonté de dire au dealer que désormais nous ne prétendrons plus décrocher la lune, mais que nous cultiverons notre propre jardin sans autre aide que le strict nécessaire.

GXC
Partager :