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Exposition de Pat O'Bine à la galerie << Aux arts, etc. >> à Ajaccio

<< Chorimages >> ou l'absolu couleur

Exposition de Pat O’Bine  « Chorimages » ou l’absolu couleur

L’exposition que propose Pat O’Bine à la galerie, « Aux arts, etc. » est une ode à la couleur. La chorégraphe est passée de la danse à l’œuvre picturale avec en point commun le mouvement.


« Chorimages »,
contraction de chorégraphie et d’image, exalte des moments rares en des endroits précieux qu’ils soient historiques ou teintés d’une banalité si ordinaire qu’elle en devient singulière. Foison de scènes à la volée happant l’instant drapé de vermillon ou de Véronèse, de violet ambré ou d’ocre profond. Séquences poétiques ou virulentes avec esquisse d’un visage de clown ou du profil de la Tête de Maure ornant la bandera insulaire, avec l’ondulation de la vague déployant des reflets du gris à l’azur ou la courbe interrogative du dos d’une danseuse.

Etranges ces « Chrorimages »
qui donnent à imaginer une symbiose du monde réel et de celui fruit de l’imaginaire. Le travail de Pat O’Bine nous transporte à la fois dans l’univers de l’impressionnisme ou dans celui du pointillisme pour rejoindre parfois le cubisme ou encore le tachisme. « Chorimages » évoque le voyage en terres inconnues, de celles qui n’ont qu’un souhait qu’on les parcourt pour débusquer leurs mystères tant elles sont incitation à la découverte.

Pour l’artiste qui œuvre à l’ordinateur sur des vidéos de chorégraphie qu’elle a, elle-même, tournées « Chorimages » est un concept, une façon d’appréhender les choses en mode illimité car elles évoluent constamment. L’image renvoyée par son écran d’ordinateur Pat O’Bine la déstructure pour la restructurer in fine en jouant de la lumière changeante à l’infini et sur la couleur qui peut claquer pour interpeller ou se fondre dans des élans de subtiles douceurs.

C’est la deuxième exposition de la chorégraphe. La première s’intitulait, « Traces vives ». Elle était conçue à partir de photographies du spectacle éponyme et avait pour support la toile. « Chorimage » rassembles une vingtaine d’œuvres tirées sur Alu Dibond par un spécialiste afin d’être le plus fidèlement possible à l’image originelle. Cette exposition peut être mise en dialogue avec des performances chorégraphiques en live qui sont des occasions de rencontres entre le tableau et la chorégraphie. La conception de ces interventions se crée sur mesure pour chaque lieu.



« Chorimages » à voir jusqu’au 29 mai à la galerie, « Aux arts, etc », dirigée par Odile Pierron.
8 cours Général Leclerc à Ajaccio.



                                                                                 ENTRETIEN AVEC PAT O’BINE


Quel élément visuel déclenche chez vous le besoin de faire œuvre ?

Avant tout il me faut de la couleur… Importants aussi les moments exceptionnels dans des lieux qui le sont tout autant ! Une de mes œuvres m’a été inspiré, par exemple, par un festival de danse au lac de Tolla qui réunissait qualité du décor et des accessoires des danseurs. J’ai repris également la vidéo d’une chorégraphie dansée par Déborah au marché d’Ajaccio parmi vendeurs, acheteurs, immeubles, circulation de voitures… Un événementiel créé pour des Journées du Patrimoine, où Hélène Taddei et Michèle Ettori dansaient dans la cour du Musée Fesch, est encore à la source de réalisations pour « Chorimages ».

Comment avez-vous abordé le rapport au temps si marquant dans toute chorégraphie ?

La chorégraphie se situe mathématiquement dans l’espace-temps. Quand je travaille une œuvre, je m’empare de la fraction de temps qui s’imprime dans ma mémoire alors que la réalité continue à défiler par ailleurs. Je superpose les deux afin que surgissent des rythmes visuels… un peu à la manière de Vasarely en peinture !

Le rapport à l’espace ?

Les danseurs évoluent dans un cadre naturel ou sur scène et ce cadre je le … recadre grâce aux différents angles de prises de vue de ma caméra puisque je filme en me déplaçant.

Pourquoi une appréhension de la couleur si foisonnante dans vos œuvres ?

Je souffre de voir les gens habillés de noir, comme c’était douloureux pour moi de regarder – lorsque j’étais enfant - ma grand-mère vêtue de noir de la tête aux pieds. La couleur c’est la vie. La couleur c’est l’antithèse du noir et blanc. La couleur change en permanence tout au long de la journée ainsi que sur scène sous l’effet des variations de luminosité des projecteurs.

Avez-vous une couleur préférée ?

Je les aime tous. J’adore le rapport qu’elles entretiennent entre elles. Elles composent une véritable symphonie. Elles sont musique.

Votre travail rejointi-il ce qu’on appelle « L’Abstraction lyrique » ?

Si vous voulez… Il y a de ça… En tous cas ce travail me fait vibrer ! Avez-vous remarqué que même en marchant tout le monde danse, y compris, évidemment sans le savoir ! La marche est aussi danse.

Dans vos « Chorimages » quelle place accordez-vous au flou ?

Il n’est qu’une conséquence car ce n’est pas lui que je recherche forcément. Il arrive en décalage de mes superpositions. Ma matière primordiale c’est la couleur.

Une date capitale dans votre activité créatrice de chorégraphe ?

1975, quand je remporte le prix international de recherche et de chorégraphie de Bagnolet. Ce prix couronne mon « Ballet optique » monté avec un photographe. Ce spectacle était basé sur une série de rétroprojections sur des danseurs et sur des écrans avec prises de vue à 360 degrés. A l’époque, bien avant les logiciels qui ont vulgarisé la 3 D, nous avons réussi avec de l’inventivité et de modestes moyens à être des précurseurs. « Ballet optique » c’était déjà de la 3 D… Je précise que la rencontre entre l’image et la danse est fondamentale pour moi, ce qui explique que j’ai toujours travaillé avec des photographes et des réalisateurs comme Jean Michel Ropers.

D’autres moments formidables ?

Le spectacle, « Neige écarlate », en 2005, créé à Ajaccio et joué à Avignon. C’était une réflexion sur l’Irlande et la Corse, mes deux pays. Je citerai aussi « Le café de la place » de 2018, qui était une mosaïque synthétique de notre travail à Jean Michel Ropers et moi. Ce spectacle chorégraphique était porté par cinq danseurs professionnels et cinq danseurs amateurs passionnés avec lesquels nous avons tourné sur toute l’île.

Que vous a apporté la danse ?

Je ne peux imaginer une vie sans la danse ! Elle est essentielle, car le mouvement c’est la vie…

La chorégraphie est-elle pour vous un supplément d’âme ?

La chorégraphie est indissociable du monde qui nous entoure. Elle est engagement social et artistique et donc intensément liée aux autres. Elle est témoignage de notre environnement humain et naturel, de la façon dont nous y sommes intégrés.

Votre exposition, « Chorimages » joue beaucoup sur le fragment. Mais n’est-ce pas simplement pour aller au tout ?
Dans mon travail la déstructuration n’a pour objectif que de réorganiser autrement les choses et d’en proposer une nouvelle vision.

Propos recueillis par M.A-P





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