Législatives : comme prévu ?
A priori , rien de nouveau.
Législatives : comme prévu ?
A priori, rien de nouveau. Rien de surprenant. 2022 semble presque un copier-coller de 2017. Pourtant, derrière cette continuité, quelques nouveautés, peut-être une surprise et aussi une page tournée.
Les résultats du premier tour sont conformes aux prévisions. Chacun des trois sortants nationalistes semble pouvoir conserver son siège. L’autonomisme siméoniste reste la force politique majeure en Haute-Corse et peine toujours en Corse-du-Sud. Le Partitu di a Nazione Corsa confirme sa montée en puissance dans le sud du sud. A Aiacciu et ses alentours, Laurent Marcangeli reste en mesure de l’emporter. L’abstention est encore la grande gagnante. Dans les quatre circonscriptions, elle a en effet atteint plus de 50 %. Dans trois circonscriptions sur les quatre que compte l’île, elle a même dépassé la moyenne nationale (52,49%) : 59,07% dans la première de Haute-Corse, 57,13 % dans la deuxième de Corse-du-Sud, 53,74 % dans la première de Corse-du Sud. A priori, rien de nouveau. 2022 semble presque un copier-coller de 2017. Pourtant, derrière cette continuité, quelques nouveautés, peut-être une surprise et aussi une page tournée.
Michel confirme, Julien s’installe
Dans la première circonscription de Haute-Corse, Michel Castellani qui a quelque peu amélioré son score (33,77 %, 30,42 % en 2017) malgré la présence d’un candidat Corsica Libera (7,4%) et qui compte plus de 16 points d’avance sur son adversaire de second tour, semble être à l’abri d’une mauvaise surprise. Il a donc confirmé. De son côté, en arrachant la possibilité de participer au second tour, l’électron libre Julien Morganti s’est définitivement installé sur la scène politique bastiaise. Ayant devancé les autres opposants au député sortant ; l’ayant emporté, y compris à Bastia, face à Jean-François Paoli qui arborait les bannières radicale et macronienne et bénéficiait du soutien de Jean Zuccarelli ; la droite ayant disparu de la scène politique bastiaise ; Julien Morganti qui est issu des familles radicale et zuccarelliste, qui est Macron-compatible, qui est proche d’Horizons (le parti d’Édouard Philippe) et qui ne cache pas sa sympathies pour l’esprit entrepreneurial du libéralisme, peut en effet prétendre être le leader d’une opposition bastiaise au nationalisme associant le centre droit et le centre gauche. Il coche en effet toutes les cases pour être un caillou de taille dans la chaussure de Femu a Corsica. Enfin, le Rassemblement National, bien qu’ayant été représenté par un illustre inconnu, Alexis Fernandez, a pris racine en obtenant 11,7 % des suffrages (5 % en 2017).
Jean-Félix résiste, François-Xavier arrive
Dans la deuxième circonscription de Haute-Corse, Jean-Félix Acquaviva a bien résisté. Il a obtenu 33,5 % des suffrages (36,4 % en 2017) bien que son concurrent nationaliste Lionel Mortini ait réalisé 16 %. Le député sortant doit toutefois se battre pour conserver son siège. En effet, il est dans la ligne de mire de son adversaire François-Xavier Ceccoli qui a obtenu 29,1 % des suffrages. Son salut dépend donc de sa capacité à mobiliser des abstentionnistes et surtout à éviter que le mécontentement nationaliste qui s’est cristallisé autour du candidat Lionel Mortini se transforme en vote contre sa personne. Et éviter ce « votre contre » n’est pas gagné. En effet, Jean-Félix Acquaviva est considéré comme ayant été un artisan majeur de la rupture de Per a Corsica. François-Xavier Ceccoli pour sa part arrive à grands pas dans le cercle des acteurs politiques qui pèsent lourd. En effet, outre être dans une dynamique favorable qui pourrait apporter une victoire inattendue à la droite et outre avoir prouvé sa capacité de remobiliser le capital élus et électeurs de sa famille politique, il est désormais en mesure d’impulser un renouveau tout en cultivant sa différence car il ne doit sa déclaration de candidature et son résultat prometteur ni à une soumission à une investiture nationale, ni à une allégeance à Laurent Marcangeli. Ce qui constitue une très mauvaise nouvelle pour l’ensemble du camp nationaliste car une des causes de la défaite de la droite à l’occasion des dernières élections territoriales, a été l’absence sur la liste que conduisait Laurent Marcangeli, d’une figure incarnant vraiment la droite de Haute-Corse et sachant la galvaniser. Enfin, le résultat du scrutin dépendra aussi un peu des choix qui seront inconnus jusqu’à dimanche 20 juin au soir, que feront celles et ceux qui ont apporté 11,5 % au Rassemblement National (qui comme dans la première circonscription s’est ancré localement).
Laurent sans grand relief, Romain en embuscade
Dans la première circonscription de Corse -du-Sud, Laurent Marcangeli n’a pas plié le match. En ayant obtenu 33,77 % des suffrages, il n’a guère fait mieux que Jean-Jacques Ferrara en 2017 (33,5%) dont il doutait de la capacité de gagner. Il reste certes le favori mais ne peut se permettre de jouer la deuxième mi-temps en gardant le maillot sec. En effet, il lui faut compter avec le risque d’un « vote contre », visant sa personne, Emmanuel Macron et Edouard Philippe, qui apporterait à son concurrent Romain Colonna (Femu a Corsica) qui a obtenu 17,48 % des voix, une importante partie des voix du nationaliste Jean-Paul Carrolaggi (12,69%), du renucciste Michel Mozziconacci (9,27%), de la gauche communiste et insoumise (7,62%) et de la candidate Rassemblement National Nathaly Antona (12,69%) qui a elle aussi réussi un ancrage local de son parti (peut-être avec l’appoint de quelques votes vengeurs Les républicains n’ayant pas digéré le soutien de Laurent Marcangeli à Emmanuel Macron et le lâchage de Jean-Jacques Ferrara). Avoir suscité quelques inimitiés ou rancœurs, et ce, y compris dans son propre camp, et passer pour un homme de Paris et d’un pouvoir contesté, expose à être victime d’une embuscade. Confronté à un Laurent Marcangeli rompu aux joutes électorales difficiles et ayant une forte notoriété, à un électorat majoritairement de droite et à la machine Mairie d’Aiacciu / Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien que ne manquera pas de faire tourner son adversaire, Romain Colonna qui a établi le rapport de force nationaliste à l’avantage de Femu a Corsica (ce qui n'était pas gagné), dispose donc d’un unique véritable atout mais il n’est pas négligeable : il n’a pas à se garder d’ennemis jurés. Seuls quelques nationalistes qui gardent sur l’estomac la rupture de Per a Corsica par Femu a Corsica, lui feront probablement défaut.
Paul-André vent en poupe, Valérie à la rame
Dans la deuxième circonscription de Corse -du-Sud, Paul-André Colombani a semble-t-il fait le plus difficile. Il a le vent en poupe. Il a progressé de plus de plus de huit points (37,7 %, 29,1 % en 2017). Il a ainsi largement distancé Valérie Bozzi qui, en ayant recueilli 26,9 % des suffrages, n’a pas retrouvé les plus de 35 % qu’avait obtenu en 2017 Camille De Rocca Serra dont elle était alors la suppléante. Son message portant le nationalisme unitaire et l’esprit d’ouverture du Partitu di a Nazione Corsa, association qui a fait ses preuves lors de la conquête par Jean-Christophe Angelini de la mairie de Portivechju, impacte manifestement au sein de toutes les familles politiques. Et cela contribue à ce que le nationalisme évince inexorablement la droite. Bien qu’elle ait affiché une belle assurance dans ses déclarations après la proclamation des résultats, Valérie Bozzi est donc condamnée à naviguer à la rame. Ses réserves de voix possibles se situent presque uniquement parmi les électeurs qui ont accordé leur confiance à François Filoni dont le score de plus de 16 % a été la cerise sur la gâteau de l’ancrage corse du Rassemblement National. Mais avec l’esprit anti-Macron qui prévaut au sein de l’électorat François Filoni, et car s’étant déclarée favorable à Edouard Philippe qui passe encore pour un allié précieux du président de la République, Valérie Bozzi a peu à espérer. La page du grand livre de la droite sudiste qu’a tournée Camille de Rocca Serra en tirant sa révérence, n’ouvrira sans doute pas encore sur un nouveau chapitre prometteur.
Pierre Corsi