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Législatives : continuité et un peu de changement !

Il semble que rien n'a vraiment changé depuis 2017. mais ce n'est pas si simple

LEGISLATIVES : CONTINUITE ET UN PEU DE CHANGEMENT !

Selon une lecture rapide des résultats et des rapports de force, il semble que rien n’a vraiment changé depuis 2017. Mais ce n’est pas si simple.

Chacun des trois sortants nationalistes a conservé son siège. La droite n’a pas perdu le sien. L’autonomisme siméoniste reste la force politique majeure en Haute-Corse. La droite à Aiacciu et le Partitu di a Nazione Corsa dans le Sud conservent leur position dominante en Corse-du-Sud. Le parti abstentionniste l’a emporté partout. A l’échelle des quatre circonscriptions, il a dépassé les 50 %. Les trois députés nationalistes réélus aspirent à reconstituer le groupe parlementaire Libertés et Territoires. Selon une lecture rapide des résultats et des rapports de force, il semble que rien n’a vraiment changé depuis 2017. Mais ce n’est pas si simple.

Julien vers de nouveaux horizons

Dans la première circonscription de Haute-Corse, le député autonomiste sortant Michel Castellani (Femu a Corsica) l’a aisément emporté (63,01 % des suffrages exprimés, 13 724 voix) contre l’électron libre, butinant dans tous les camps, Julien Morganti (36,99 % des suffrages exprimés, 8055 voix). Michel Castellani a obtenu environ 2500 voix de moins qu’en 2017. Julien Morganti a réalisé un score inférieur d’un peu moins de 2300 voix que Sauveur Gandolfi-Scheit (Les Républicains) qui avait été défait par Michel Castellani. Les deux candidats ont semble-t-il été impactés dans des proportions similaires par l’abstention (61,62 %) et aussi par quelques réglemente de comptes. Michel Castellani a cependant remporté la large victoire qu’il espérait afin de peser lourd dans la négociation devant s’ouvrir avec le ministre de l’Intérieur. Quant à Julien Morganti, il a atteint l’objectif de devenir incontournable à Bastia, dans le pays bastiais et même à l’échelle de la circonscription. En effet, malgré qu’une partie de la gauche lui reproche d’être de sensibilité libérale et lui impute une lourde responsabilité dans les défaites qu’elle a subie aux municipales de Bastia en 2014 et 2020 et aux législatives de 2017, malgré aussi que la droite ne le reconnaisse pas encore comme uns des siens, Julien Morganti a marqué des points importants au second tour. Il est passé de 4063 à 8055 voix. Il a plus que doublé le nombre de ses suffrages à Bastia, passant de 1367 à 3078 voix, et n’y a été devancé que d’un peu plus 800 voix. Il a été en tête dans les deux communes phares de la droite (53,06 % à Ville di Petrabugnu, 58,14 % à U Borgu). Tout ceci s’ajoutant à la proximité de l’intéressé avec Horizons (parti d’Édouard Philippe et Laurent Marcangeli) et à son ancrage (conseiller municipal et communautaire d’opposition à Bastia), à une droite traditionnelle bastiaise devenue aussi ectoplasmique que siméoniste, ainsi qu’au déclin paraissant devenu irréversible du zuccarellisme, fait du jeune quadra Julien Morganti, un leader potentiel de la droite et des modérés au niveau de Bastia et de la circonscription. Femu a Corsica devra compter avec lui dans les années qui viennent.

François-Xavier remobilise son camp

Dans la deuxième circonscription de Haute-Corse, le député autonomiste sortant Jean-Félix Acquaviva (Femu a Corsica) a senti le vent et même la chaleur du boulet. Il a obtenu 16 777 voix (50,23 % des suffrages exprimés) alors que son adversaire Divers droite, François-Xavier Ceccoli (maire de San Ghjulianu, président de la fédération Les Républicains de Haute-Corse) en a recueilli 16 621 (49,77 % des suffrages exprimés). Il n’a donc manqué à ce dernier que 156 suffrages plus 1 pour l’emporter et ainsi infliger une défaite cuisante au siméonisme. Jean-Félix Acquaviva a perdu plus de 4500 voix par rapport à son résultat de juin 2017. François-Xavier Ceccoli a recueilli plus de 4000 que Francis Giudici qui, en juin 2017 portait les couleurs de La République En Marche. Le choix personnel de s’abstenir de Lionel Mortini (maire de Belgudè, président de la Communauté de communes L'Isula Balagna qui avait obtenu 5376 voix au premier tour (17,99 % des suffrages exprimés), l’appel à l’abstention de Corsica Libera et le silence du Partitu di a Nazione Corsa n’expliquent pas tout concernant la contre-performance du député sortant.
Le déficit de voix de Jean-Félix Acquaviva a aussi, et peut-être surtout, eu pour origine les rancœurs ou les colères individuelles de militants et de sympathisants nationalistes qui continuent à voir en l’intéressé, l’initiateur majeur de la rupture de Pè a Corsica, ou qui polarisent sur sa personne leur rejet d’un pouvoir siméoniste qui les déçoit.
François-Xavier Ceccoli s’est quant à lui invité dans le cercle des acteurs politiques qui pèsent lourd. En effet, outre avoir frôlé la victoire, il a prouvé sa capacité de remobiliser les élus et les électeurs de sa famille politique, et son aptitude à capter les voix d’électeurs restés giacobbistes. Il est désormais en mesure, au moins à l’échelle de la circonscription, d’impulser un renouveau de la droite et du centre-droit et d’incarner l’opposition à Femu a Corsica et plus globalement au nationalisme.

Laurent reprend son vol

Dans la première circonscription de Corse -du-Sud, Laurent Marcangeli (maire d’Aiacciu, président de la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien, président du groupe de droite Un Soffiu novu à l’Assemblée de Corse) a réussi son pari. Dans la douleur ! Comme nous l’avions écrit la semaine passée, 33,70 % des suffrages exprimés et 7 972 voix, qui représentaient une avance de premier tour de 16 % et 3837 voix sur l’autonomiste Romain Colonna (Femu a Corsica) qui n’avait obtenu que 4135 voix (17,48 % des suffrages exprimes), ne suffisaient pas pour plier le match.
Comme nous l’avions aussi écrit, Laurent Marcangeli a dû compter avec un « vote contre » visant à la fois sa personne, Emmanuel Macron et Edouard Philippe, qui apporterait à son concurrent une partie des voix du nationaliste Jean-Paul Carrolaggi (12,69%), du renucciste Michel Mozziconacci (9,27%), de la gauche communiste et insoumise (7,62%) et de la candidate Rassemblement National (12,69%), ainsi que quelques votes vengeurs Les républicains n’ayant pas digéré le soutien de Laurent Marcangeli à Emmanuel Macron et le lâchage de Jean-Jacques Ferrara.
C’est de bonne guerre, Romain Colonna a saisi toutes ces opportunités en tenant un discours d’ouverture et de consensus. Et cela a failli lui réussir ! Il n’a raté le Graal que de 818 voix. Laurent Marcangeli qui l’a emporté avec 12 013 voix (51,76% des suffrages exprimés) a capté 4 041 voix supplémentaires entre les deux tours, Romain Colonna en a lui obtenu 7060 de plus. Ce qui lui a permis d’atteindre 48,24% des suffrages exprimés (11 195 voix).
Avec ce résultat, le candidat Femu a Corsica se sent pousser des ailes. « La citadelle ajaccienne a vacillé, nous allons continuer à travailler pour la faire tomber prochainement » a-t-il lancé à ses partisans après la proclamation des résultats.
Cependant, à ce jour, c’est Laurent Marcangeli qui va user des siennes. Il va reprendre son vol. Vers l’Assemblée Nationale où il sera un soutien précieux pour Edouard Philippe. Vers la salle de réunion du ministère de l’Intérieur où il sera un interlocuteur aussi attentif qu’exigeant durant les discussions portant sur l’avenir de la Corse.

Paul-André plane sur le sud

Dans la deuxième circonscription de Corse-du-Sud, le député nationaliste sortant Paul-André Colombani (Partitu di a Nazione Corsa) a été réélu avec 57,61% des suffrages exprimés (14 746 voix). Il disposait d’une confortable matelas à l’issue du premier tour (37,24% des suffrages exprimés, une avance de 10 points et de 2500 voix). Au second tour, il a progressé de 5200 voix alors que son adversaire libérale Valérie Bozzi (Divers droite, soutenue par Horizons) n’a obtenu que 3800 voix de plus.
Paul-André Colombani a manifestement bénéficié, les pourcentages son éloquents, des gains électoraux et de la qualité relationnelle et gestionnaire du nationalisme municipal et intercommunal développé par Jean-Christophe Angelini, son parti (Partitu di a Nazione Corsa) et ses alliés de Corsica Libera dans le sud. 74,71% des suffrages en sa faveur à Portivechju, plus de 73% à Pianottoli-Caldareddu, plus de 75% à Livia, plus de 76% à Cuzzà, plus de 78 % à Figari et Conca, plus de 80% à Zonza et Cavru… Par ailleurs, dans le 6ème et très populaire canton d’Aiacciu, sa convivialité et son intérêt pour la question sociale ont permis au député sortant d’arriver en tête. La suprématie de la droite dans le sud, c’était donc hier ! Valérie Bozzi a en effet obtenu 2639 voix de moins, dont 1600 à Portivechju, que Camille de Rocca Serra en juin 2017.



Pierre Corsi
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