• Le doyen de la presse Européenne

L’histoire sans fin de la Corse

Un ami me confiait récemment qu’en étudiant les journaux corses du XIXe siècle, il avait retrouvé les problèmes récurrents de la Corse : les voies de communication contestées par les uns et espérées par les autres, ...
Un ami me confiait récemment qu’en étudiant les journaux corses du XIXe siècle, il avait retrouvé les problèmes récurrents de la Corse : les voies de communication contestées par les uns et espérées par les autres, les difficultés rencontrées par les armateurs et les administrateurs portuaires, le grand banditisme et la mainmise d’une bourgeoisie affairiste sur les leviers de l’économie insulaire… bref cette étrange sensation de vivre une histoire sans fin qui verrait un Sisyphe grognon incessamment rouler son rocher jusqu’au sommet de la montagne pour ensuite assister à sa chute et recommencer son travail.

Une île trompe-la-mort


Rappelons que Sisyphe avait été puni par Zeus qui lui avait envoyé Thanatos le génie de la mort. Sisyphe, par ruse, l’avait alors enchaîné mettant un terme aux décès. Zeus pour le punir l’avait alors condamné à un travail sans fin. Mais il restait vivant. La Corse vit le même drame. Mais elle rêve d’un autre destin, plus glorieux sans toutefois s’en donner les moyens. Car réclamer l’impossible n’a aucune utilité sinon de faire naître une frustration qui finit dans la violence. Nous autres Corses possédons le talent de la survie déguisée en accusation à l’encontre de ceux qui nous nourrissent. Ce petit jeu dure depuis des siècles en témoignent les archives génoises puis françaises. Le malheur ne réside pas dans la demande mais dans le gouffre qui sépare la réalité vécue au quotidien et l’immensité des revendications. À l’heure où cet article est écrit, nous souffrons d’un blocage portuaire qui fait ressembler les étals de nos somptueux hypermarchés à des étagères de magasins soviétiques et d’un blocage des centres d’enfouissement qui eux nous mèneraient plutôt du côté de Naples voire de Calcutta. Dans les deux cas, nous clamons nos prétentions à savoir nous débrouiller tout seuls. La majorité a même bâti un édifice baroque qui si on écoutait ses chantres serait l’amorce d’une compagnie maritime régionale. Pour l’heure ce que nous pouvons constater c’est le blocage des ports et la quasi-certitude d’une mise au chômage de plusieurs centaines d’employés de la Méridionale. Dans le cas des déchets, on ne sait plus très bien où l’on en est. Le malheureux membre de l’exécutif chargé de cette tâche parcourt la Corse entière pour tenter de concilier des populations locales hostiles et une administration désespérée. Et nous apprenons au passage que nous envoyons sur le continent à prix d’or nos balles de détritus mais aussi nos boues issues des usines de purification de l’eau. Belle autonomie en vérité. Alors oui notre histoire démontre que nous savons tromper la mort mais que nous nous trompons aussi nous-mêmes.

Une flotte à la dérive


Jusqu’alors trois compagnies se partageaient la desserte de la Corse. La Corsica Ferries qui elle ne demande rien à personne. Son personnel, travaillant en grande partie sous statuts étrangers, coûte moins cher que ceux bénéficiant des avantages du pavillon français. Mais dans les faits la Corsica Ferries apparaît comme la plus fiable des trois compagnies. La deuxième est la Corsica Linea, héritière d’une certaine manière, de la SNCM et dont la création a, de façon très étonnante, été avalisée sans difficulté par le STC marin et la CGT. Il faut croire qu’ils ont reçu en échange de leur mutisme des avantages identiques à ceux que leur offrait la SNCM. Cela signifie très concrètement que sans la délégation de service public la Corsica Linea coulerait corps et biens. Et comme la majorité a monté sa prétendue compagnie régionale en fonction de Corsica Linea celle-ci peut légitimement penser qu’elle est abonnée à la DSP. Reste la Méridionale, hier encore accolée à la SNCM. On se demande très franchement ce qui a permis de croire à ses dirigeants qu’elle serait viable sans l’octroi de la DSP. Passons sur les affirmations des uns et des autres quant à un accord qui ne s’est jamais fait. C’est parfaitement abscons pour le non-spécialiste. Les responsables de la Méridionale ont échoué à remplir les conditions de la DSP et donnent aujourd’hui le sentiment que la Corse n’intéresse guère ses véritables patrons, ceux de la STEF. La spécialité de la STEF en Europe et dans le monde est le transport frigorifique. Sur son site internet on trouve en dernière position la présentation de la Méridionale et de ses trois cargos mixtes. De là à penser que la STEF aimerait se désengager il n’y a qu’un pas. Le gros problème réside dans les 500 malheureux qui se retrouvent à la mer. La solution sera vraisemblablement d’en caser un maximum dans Corsica Linea qui, dès lors, risque fort de devenir une sorte d’armée mexicaine dont le surcoût devra être pris en charge par une Collectivité corse qui aggravera ainsi sa dette. Les nationalistes ont hérité de toutes les difficultés jusque-là repoussées sous les tapis par les mandataires antérieurs. L’expérience est cruelle car elle démontre que hors la France il n’est guère de salut.
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