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2020 : année cruciale pour Gilles Simeoni

D’ici le 31 décembre 2020, Gilles Simeoni va devoir franchir de nombreux obstacles. De sa capacité à bien les négocier dépendra grandement le résultat du scrutin territorial de mars 2021.
Aucun individu ou mouvement au sein de Femu a Corsica ou de l’ensemble de la mouvance nationaliste n’est à ce jour en capacité d’influer significativement sur le cours des évènements insulaires. La personne du Président du Conseil Exécutif incarne la quasi-totalité de l’audience, de la crédibilité et de l’impact du verbe et de l’action nationalistes. C’est la grande force du président du Conseil exécutif. Mais cela représente aussi son talon d’Achille. En 2020, Gilles Simeoni sera très seul, devra faire avec et aura une obligation de résultat. Le premier obstacle à franchir est électoral. Dans moins de cent jours, avec les résultats des élections municipales, on saura si l’influence de Gilles Simeoni aura été fragilisée ou renforcée et s’il conviendra qu’il opte pour un maintien ou un changement de cap politique. Pour que le verdict des urnes ne représente pas un échec cinglant, il faudra que la liste conduite par Pierre Savelli à Bastia l’emporte. Perdre Bastia signifierait un revers majeur. Cela représenterait un camouflet pour Gilles Simeoni qui a choisi et adoubé Pierre Savelli. Cela suggèrerait que les nationalistes sont incapables de faire valider au moins une fois la gestion d’une importante collectivité. Cela donnerait des ailes à toutes les oppositions et au jacobinisme macronien car prendrait fin le cycle victorieux du nationalisme ayant débuté par la conquête de Bastia en mars 2014. Enfin, cela remettrait en cause la politique d’ouverture de Gilles Simeoni et de Femu a Corsica à des mouvements ou personnalités non nationalistes. En effet, il se dirait qu’en ayant refusé à Bastia et ailleurs de reconduire au premier tour la coalition Per a Corsica qui avait gagné les Territoriales de décembre 2016 et les Législatives de juin 2017, ainsi qu’en n’ayant jamais vraiment dialogué avec Core In Fronte, Gilles Simeoni et Femu a Corsica auraient cassé la dynamique nationaliste. Cependant, si Bastia est conservée mais si aucune autre commune importante n’est gagnée par des listes à dominante nationaliste, il conviendra aussi d’évoquer un échec. Cela révèlera que le nationalisme peine à s’ancrer localement. Cela montrera aussi qu’ouvrir, comme le veulent Gilles Simeoni et ses amis, à des groupes ou personnalités n’ayant que peu ou jamais partagé ses combats, n’apporte pas grand-chose au nationalisme et même nuit à son image de force susceptible de rompre avec d’anciens systèmes et de rassembler autour d’un projet économique, social, culturel et linguistique. Enfin, en cas d’absence d’au moins un gain électoral important, il sera très probablement reproché à Gilles Simeoni et ses amis d’avoir plus ou moins sciemment fait perdre. En effet, à Porto-Vecchio et Corte, des candidats soutenus par le Partitu di a Nazione Corsa et Corsica Libera, en l’occurrence Jean-Christophe Angelini et Vannina Borromei, voient à ce jour leurs chances de l’emporter compromises par les positionnements de Femu a Corsica. Dans la Cité du sel, Femu a investi un candidat tête de liste qui a fait savoir qu’il ne soutiendra en aucun cas Jean-Christophe Angelini. A Corte, Marc-Antoine Campana, important responsable de Femu, en affichant sa volonté de conduire coûte que coûte une liste, ne permet pas aux nationalistes d’aller d’ores et déjà unis au combat.

De nouveaux rapports de forces

Gilles Simeoni va devoir aussi affronter trois autres obstacles : faire évoluer ou transformer Per a Corsica ; rassurer la base nationaliste sur la capacité de poursuivre le combat pour au moins l’obtention d’une réelle autonomie ; apporter des solutions concrètes à des problèmes sensibles. Dans la perspective du scrutin territorial de mars 2021, qu’il sorte renforcé ou affaibli des élections municipales, Gilles Simeoni devra forcément tenir compte des rapports de forces au sein du nationalisme et avec ses opposants. Ce qui impliquera obligatoirement une évolution ou une transformation de Per a Corsica. Il faudra aussi que le Président du Conseil Exécutif rassure une partie de la base nationaliste quant à la capacité d’obtenir davantage de pouvoir corse alors que l’hostilité de l'Etat ne permet pas le moindre progrès. Gilles Simeoni et Femu a Corsica vont donc devoir soit trouver moyen de débloquer la situation, soit au moins user de formes d’expression et d’action prouvant que leur détermination et leur capacité de lutter restent fortes. Ne pas trouver de solutions laisserait le champ libre à des radicalisations et des découragements, et renforcerait celles et ceux qui aujourd’hui affirment que le nationalisme se dissout dans la gestion quotidienne et que l’ouverture à d’autres forces politiques se fait au détriment des valeurs, des principes et des objectifs d’un demi-siècle de luttes. Enfin, concernant les dossiers sensibles, certains ne peuvent plus attendre. Gilles Simeoni et ses amis vont devoir prendre à bras le corps au moins quatre dossiers : la politique touristique, la concentration du pouvoir économique, les déchets, l’aménagement de l’intérieur. Il n’est plus possible de porter des actions sectorielles qui conduisent à attirer des centaines de milliers de touristes supplémentaires et des milliers de saisonniers dont beaucoup, l’automne venu, font le choix de rester et contribuent ainsi à alourdir la charge sociale pesant sur la communauté insulaire et à une explosion démographique qui rend vaine toute politique d’intégration culturelle et linguistique. Il n’est plus admissible de ne rien faire pour contrecarrer la constitution, volontaire ou non, d’un oligopole associant les principaux acteurs ou financeurs du transport maritime, de la grande distribution, de l’immobilier et de la presse. Il n’est plus concevable que le traitement des déchets continue d’enrichir quelques opérateurs, de polluer des territoires et de peser de plus en plus lourd sur les contribuables, et ce sur fond de crises annuelles faisant de la Corse une gigantesque décharge. Enfin, il devient insupportable que l’intérieur de l’île soit de plus en plus affecté et rendu hostile par un état des routes trop souvent déplorable, une insuffisance de transports collectifs, une dégradation du service public et de la couverture médicale.
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