Un monde multipolaire en vrac
Il ne fait plus aucun doute que nous sommes désormais sortis de la << Pax Americana >>
Un monde multipolaire en vrac
Il ne fait plus aucun doute que nous sommes désormais sortis de la « Pax Americana ». Nous voilà donc dans un monde multipolaire marqué par de très fortes tensions géopolitiques qui vont en tous sens et dans lequel interviennent des forces majeures comme la Chine, les USA voire la Russie et de plus modestes telles que la Turquie, l'Arabie saoudite ou encore l'Australie.
Un vieux monde marginalisé
L’ONU est désormais marginalisée et les médiations qui interviennent lors des conflits sont en quelque sorte sectorisées : carburants d'un côté, denrées alimentaires de l'autre, sécurité nucléaire etc. Mais plus largement, c'est l'ordre occidental dominé par les Américains qui est désormais contesté. L'apparition de puissances moyennes comme la Turquie ou l'Arabie saoudite démontrent que les accords locaux peuvent se passer de la médiation des grandes puissances.
Et comme toujours dans l'histoire, il existe des dates de transition. On aurait pu croire que la destruction du mur de Berlin en 1989 l'était puisqu'elle annonçait l'effondrement de l'URSS et donc la victoire planétaire des États-Unis. Mais cette mutation majeure préparait le terrain à un autre évènement d'une importance au moins similaire : l'irruption des guerres polymorphes et l'emploi massif de la guérilla terroriste.
Le 11 septembre 2001 a créé une fracture historique et ce pour deux raisons.
La première est que pour la première fois de son histoire, les États-Unis ont été attaqués sur leur territoire ce qui a démontré leur vulnérabilité par des moyens dérisoires de surcroît.
La seconde est que la toute-puissance technologique d'un pays peut être contournée et mise à mal par des outils rudimentaires. La contre-offensive occidentale a alors inventé une doctrine : on ne négocie pas avec les terroristes. Or les "terroristes" parviennent à remporter des victoires comme ce fut le cas pour les mouvements de libération nationale et plus proche de nous pour les mouvements d'inspiration religieuse et plus précisément musulmans. L'Occident est un peu dans la situation de la chevalerie française à Crécy : lourdement armée mais peu maniable face à des archers tout en souplesse et capable de harceler la cavalerie adverse.
Des états de plus en plus marginalisés
Autrefois, les conflits opposaient des états aux états. Les guerres n'étaient pas plus propres pour autant. La Seconde guerre mondiale vaudrait aujourd'hui à tous les belligérants sans exception des accusations de crimes contre l'humanité. Les bombardements massifs de Dresde et de Hambourg en 1945, ceux nucléaires de Hiroshima et de Nagasaki, les viols de masse perpétrés par les soldats soviétiques en Allemagne valaient bien en horreur les atrocités nazies si on veut bien excepté les génocides perpétrés sur les populations juives et tziganes d'Europe ou encore celles de l'armée japonaise. Mais surtout les opinions publiques occidentales n'acceptent plus de perdre leurs fils sur les champs de bataille.
L'emploi de mercenaires est devenu massif. Les premiers à s'y être employés furent les Américains en Irak pour éviter d'avoir à justifier le décès de soldats américains. Puis il y eut les Wagner par les Russes. Et parce que les états sont devenus impuissants à diriger les guerres, ce sont désormais des organismes privés qui combattent et d'autres qui se chargent des négociations. On cite le Centre pour le dialogue humanitaire à Genève, Inter-Mediate à Londres, la Fondation Berghof en Allemagne, Sant’Egidio en Italie, IFIT à Barcelone… C'est le privé et non le public qui a permis de nouer des contacts l’ETA basque, le PKK kurde, le Hamas palestinien, des groupes armés au Sahel etc.
Le prix d'une vie humaine
Au centre des conflits ouverts dans ce monde multipolaire se trouve le prix d'une vie humaine. Le progrès technique s'est opéré sur un accord moral : allonger la durée de vie et de préserver au mieux les existences.
En conséquence, la vie d'un citoyen a pris de la valeur. Les guerres menées par l'Occident ont généralement pris fin à cause des pertes humaines et de l'émoi causé parmi les populations concernées. Dès lors que l'ennemi se moque de ses propres hémorragies, les pôles de conflits possibles se multiplient à l'infini. Le moindre peuple, dès lors qu'il accepte de sacrifier ses enfants, peut acquérir la dimension d'un grand état grâce à son pouvoir de nuisance et devenir soudain une question politique à régler par la médiation.
C'est par exemple le cas des bandes armées islamistes du Sahel par ailleurs instrumentalisées par la Russie contre la France. Mais cela permet aussi à des puissances moyennes comme la Turquie d'émerger en tant que puissance conciliatrice. Le monde multipolaire est beaucoup plus difficile à comprendre et à gérer que le vieux monde bipolaire mais il est devenu notre monde.
GXC