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Dylan Champeau : à gauche du nouveau ?

Météore médiatique ou nouvelle planète politique ?

Dylan Champeau : à gauche du nouveau ?



Météore médiatique ou nouvelle planète politique ? L’intéressé ainsi que celles et ceux qui croient en lui devront patienter pour avoir la réponse.


Durant les années 2010, la gauche de Corse a perdu ses trois sièges au Parlement, les mairies et les communautés d’agglomération d’Aiacciu et Bastia, les présidences de la Collectivité Territoriale et du Conseil général de Haute-Corse. Elle a aussi dû compter avec le retrait de ses leaders : les radicaux Émile Zuccarelli, Paul Giacobbi et Nicolas Alfonsi, les sociaux-démocrates Simon Renucci et Pierre Chaubon, le socialiste Laurent Croce, les communistes Dominique Bucchini, Ange Rovere et Paul-Antoine Luciani. Enfin, elle a été affectée par le « en même temps » ainsi que par le déclin voire la disparition de la plupart de ses structures politiques. François Orlandi, François Tatti, Julien Morganti, François Casasoprana et Jean-Charles Orsucci ont peu ou prou opté pour la Macronie. Corse Social-Démocrate a disparu.
Les Radicaux de gauche se sont déchirés. Le Parti Socialiste n’a pu maintenir une réelle présence qu’en Haute-Corse. Le Parti Communiste est resté représenté à l’échelle de l’île mais en étant très affaibli.

A l’occasion des élections municipales de 2022, la gauche de Corse a tenté de rebondir. Sans succès ! Ses seuls motifs de satisfaction auront été de conserver une présence socialiste identifiable au sein de la majorité municipale bastiaise, et les commandes de quelques communes moyennes (notamment Furiani, Venacu, Monticellu, Pruprià) grâce à la popularité des maires concernés. A Aiacciu, elle a subi un désastre. N’ayant réalisé que 5,97%, la liste d’union conduite par le communiste Étienne Bastelica n’a pu se maintenir au second tour. A Bastia, elle s’est fracturée. Le divers gauche Jean-Sébastien de Casalta adoubé par le Mouvement Corse Démocrate de François Tatti ainsi que par quelques vieux routiers du zuccarellisme (20,02%) et le radical Jean Zuccarelli allié au Parti communiste(13,83%) ont réuni plus de 33 % des suffrages exprimés au premier tour mais, outre avoir été défaits au second, ont créé les conditions d’une rupture durable avec le Parti Communiste en fusionnant leurs listes avec celle du leader de droite Jean-Martin Mondoloni.
Les élections législatives de 2022 n’ont pas permis de redresser la barre. Bien au contraire ! Si au niveau national, La France Insoumise, le Parti socialiste, le Parti communiste et le pôle écologiste sont allés à la bataille sous la bannière Nupes, dans l'île, aucun accord n'a été trouvé. Résultat : aucun des 13 candidats de gauche n’a réussi à faire mieux que 6 % des suffrages exprimés. Quand rien ne va et tout semble être compromis voire perdu, il est courant d’espérer un miracle. Dans l’univers politique, cela se traduit par l’espoir de voir se lever un homme providentiel. Ces temps derniers, certains à gauche veulent croire en l’apparition de l’artisan du renouveau de leur famille politique et y sont incités ou encouragés par l’intérêt que, depuis quelques semaines, les médias portent l’intéressé.
Leur espoir a pour nom Dylan Champeau, la figure marquante de Inseme a Manca (mouvement se réclamant de la gauche anti-libérale, affirmant sa différence avec la gauche réformiste désignant généralement le Parti Socialiste et une partie des Verts). Il faut en convenir, outre celle de la jeunesse, il a 23 ans, ce dernier coche beaucoup de cases pour incarner et insuffler du renouveau au sein de la classe politique et de la gauche. Il sait écrire son histoire et façonner son image. Il ose. Il porte sans complexe le message de la radicalité anti-libérale et alternative. Il emprunte à la gauche progressiste des revendications sociétales et environnementalistes. Il ne ménage ni son camp ni ses adversaires. Il n’est pas fermé à une évolution institutionnelle.


Cases cochées et longue marche


Dylan Champeau affiche une histoire personnelle et distille une image de soi étant toutes deux de nature à répondre à l’attente du peuple de gauche. A la question « Où s'enracine votre souffle politique ? » posée par un journaliste, il a répondu : « Je suis un fils d'ouvrier. J'habite à Ocana, en milieu rural. Je suis rempli de convictions, disposé à œuvrer pour l'intérêt général et mon jeune âge me donne de la fougue, une énergie démultipliée. » En outre, il ose. Il a déjà été deux fois candidat aux élections législatives (en 2017, La France Insoumise) puis cette année, Avanti Populu, Pour une majorité populaire, écologique et sociale). Dylan Champeau porte le message de la radicalité anti-libérale et alternative. Concernant les enjeux économiques et sociaux nationaux, il dénonce « la gauche qui applique une politique de droite » et « une caste de privilégiés qui brasse l'argent tandis que d'autres n'arrivent pas à joindre les deux bouts en travaillant », soutient le dépôt de motions de censure par la Nupes, préconise un fort interventionnisme économique et social de l’État (blocage des prix de l'alimentaire et du carburant, Smic porté à 1400 €, indexation des salaires sur l'inflation) et rejette les « réformes » voulues par Emmanuel Macron (baisse des prélèvements sociaux, allongement de la durée du travail).
Concernant les enjeux économiques et sociaux insulaires, il s’insurge contre une société où « ceux qui construisent des maisons n'ont pas la possibilité de se loger et où ceux qui servent dans les restaurants et les hôtels ne partent pas en vacances » et considère prioritaire « la lutte contre la spéculation immobilière et contre l'économie de la rente » et que « les jeunes puissent se loger dignement ». Cependant, à la radicalité, il sait ajouter une touche de gauche progressiste en faisant part d’une sensibilité écologiste et en défendant des revendications sociétales (égalité homme-femme, antiracisme, altermondialisme). Dylan Champeau ne ménage ni son camp ni ses adversaires.
Il affiche sa différence avec la gauche claniste et, pour être « au plus près des problématiques locales », refuse d’être aux ordres d’états-majors parisiens. Il dénonce un manque de lisibilité et de résultats du nationalisme, notamment en matière de justice sociale, en demandant aujourd’hui à Gilles Simeoni de mettre fin au « en même temps », et ce, après avoir, durant la campagne des élections législatives, lancé a son adversaire nationaliste : « Paul-André Colombani a été élu pour battre le clanisme et porter la question sociale et notamment la précarité en Corse, à Paris. Le résultat, c'est que cinq ans après, rien n'a changé. »

Cependant Dylan Champeau ne fait pas dans l’antinationalisme primaire qui a été une constante de la plus grande partie de la gauche de Corse durant des décennies. Il assure : « J'échange avec beaucoup de nationalistes de gauche avec lesquels je partage la plus grande partie des points de vue », fait siennes des thématiques nationalistes (lutte contre la spéculation immobilière, rapprochement des prisonniers politiques) et déclare n’être a priori pas hostile à une évolution institutionnelle : « Je n'ai jamais été opposé à une quelconque avancée institutionnelle. Je suis moi-même porteur d'un programme qui propose une sixième république, dans laquelle la Corse aurait un statut permettant de rassembler le respect du spécifique et le désir du commun ».
Beaucoup de cases sont cochées. Il reste à l’espoir de gauche de surmonter les chausse-trappes de derniers caciques, ce qui n’est pas gagné car ils ont le cuir épais et la dent dure. Il doit aussi convaincre les électeurs, ce qui sera une longue marche car, pour l’heure, il fait moins bien que les candidats des gauches qu’il ambitionne de rénover.
Alors, Dylan Champeau, météore médiatique ou nouvelle planète politique ? L’intéressé ainsi que celles et ceux qui croient en lui devront patienter pour avoir la réponse.



Pierre Corsi
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