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« Bastia an Zéro Vingt », pièce de Noël Casale est une œuvre à part. Parce qu’elle dit sur Bastia des choses souvent passées sous silence. Parce que profonde, elle interroge. Parce qu’elle est constituée de monologues qui s’imbriquent les uns dans les aut

« Bastia an Zéro Vingt »
Une pièce de Noël Casale


« Bastia an Zéro Vingt », pièce de Noël Casale est une œuvre à part. Parce qu’elle dit sur Bastia des choses souvent passées sous silence. Parce que profonde, elle interroge. Parce qu’elle est constituée de monologues qui s’imbriquent les uns dans les autres avec une étonnante fluidité. Parce qu’elle est servie par d’exceptionnels acteurs : Valérie Schwarcz, Xavier Tavera, Alice Serfati.



Le récit en fil tendu de la pièce c’est celui d’ Aline-Alice jouée par Valérie Schwarcz. Une Bastiaise clouée sur place par le confinement alors qu’elle a un rendez-vous à Rome avec un amour de jeunesse. Ce voyage, qu’elle ne peut entreprendre pour cause de Covid, elle va le faire en des déambulations de sa mémoire sous couvert – elle qui est bastiaise de naissance – d’une étrangère bloquée au consulat d’Italie.

Bastia avant ou maintenant. Bastia aujourd’hui et hier. Bastia des autochtones et des allogènes. Bastia au crible de l’imaginaire de Noël Casale. Si le passé n’était pas follement gai, le présent est d’une dureté rébarbative. Aline-Alice arpente ses souvenirs restitués par des voix, par des sons pluriels : corse, français, italien. Aline-Alice explore un réel peut être directement issu de l’imagination de l’auteur, ou un imaginaire qui se moule aux forme de la réalité, du vécu dans ce qu’il a de plus rugueux… ou souriant…

Cet amoureux romain transi, on ne peut s’empêcher de penser : « Existe-te-il vraiment » ? Où est le vrai ? Où est le faux dans cette histoire qui n’en est pas une mais qui ressemble à une constellation pointilliste à la Seurat ? Les portraits que nous dessinent Noël Casale sont ceux de gens ordinaires, du vulgum. Et la peinture de l’auteur a une tonalité nostalgique, comme si après de multiples expériences la ville – Bastia – était parvenue en un point zéro !

Zéro… expression du néant.
Zéro… ou éventuel re-départ.

La fin de la pièce est particulièrement perturbante. Car la drogue anéantit tout futur. D’où une désespérance mortifère… Et pourtant les graines semées ne sont pas toujours condamnées à la stérilité.

Michèle Acquaviva-Pache



Retrouver Xavier Tavera
En février le comédien sera à l’affiche de « Soleil en maison 5 » de Pierre Savalli et Stefani Cesari. Au printemps il reprend « Le massacres des innocents » de Marcu Biancarelli en lecture -concert accompagné par le musicien, Thierry Muglioni.


ENTRETIEN AVEC XAVIER TAVERA


Dans « Bastia an Zéro Vingt » vous êtes muet durant de très longues minutes au début de la pièce. Que ressent un comédien qui ne fait que se taire ? Qui doit donner l’impression de dormir tout en étant comme en éveil ?
A l’origine mon personnage ne devait que dormir pendant toute la pièce ! « Bastia an Zéro Vingt » avait été écrite pour une seule actrice. Mais au fil des répétitions celle-ci devait avoir un appui, être en lien avec mon personnage. Alors on a changé, coupé, ajouté, ajusté… et j’ai parlé. Mais rester muet, j’ai trouvé ça plutôt plaisant… ça n’est pas désagréable d’être dans une écoute maximale.


Votre personnage intervient en trois langues : italien, corse, français. Comment chacune de ces langues résonnent-elles en vous ? Ont-elles des tonalités différentes les unes des autres ?
En italien jouer n’était pas compliqué car cette langue je l’ai apprise et je la parle. Mais sa respiration lui est propre. Pour entrer dans la musique de l’italien j’ai beaucoup regardé les films de Pasolini et écouté ses textes. Le corse c’était pour moi mon baptême du feu sur scène ! Physiologiquement il sonne plus bas chez moi que l’italien. En français j’ai plus l’habitude et les choses sont plus inconscientes… Ces trois langues activent des zones du cou qui ne sont pas les mêmes.


De quelles manières avez-vous travaillé le texte de la pièce qui semble empli de difficultés ?
On a commencé cet été en travaillant à la table pour acquérir peu à peu du recul, pour laisser déposer le texte afin, d’aller ensuite à un univers commun à nous acteurs. De cette manière on peut avoir une base solide, une fondation assurée permettant de franchir plus vite les étapes suivantes en les enrichissant. Cette pièce étant composée de monologues il nous faut sans cesse, sur scène, être attentifs les uns aux autres. Début septembre on a eu une première résidence d’artistes à l’Aghja d’Ajaccio et fin octobre une seconde à la salle Prelà du théâtre de Bastia.


Noël Casale écrit avec ce texte sa cinquième pièce bastiaise. Il entretient avec sa ville des rapports très étroits. Qu’en est-il de vous ?
Noël est né ici, y a passé son enfance et sa jeunesse. Moi, je suis né à Hyères. Ma mère est ajaccienne. J’ai dix ans de moins que l’auteur… Je ne peux donc avoir les mêmes rapports avec Bastia… Même si j’y viens régulièrement depuis les années 90 et si j’y ai de nombreux amis !
Mais je suis attaché à cette ville.


Comédien vous avez aussi une autre passion que le théâtre ?
Je suis un passionné de jardin. Je cultive mon potager et suis autonome en légumes. Je sème des semences anciennes de blé, de seigle, d’orge et je fais mon pain. Je respecte la rotation des cultures… Le jardin me fait un grand bien. Il m’est indispensable quand je sature.


Dans « Bastia an Zéro Vingt » vous êtes un personnage double. L’un parait le fantôme de l’autre… Mais au fond qui est qui ?
Le personnage italien que je joue apparait dans le journal d’Aline. Elle veut rejoindre un ancien amour à Rome, mais est bloquée par le confinement. Qui est le plus réel des personnages que j’incarne ? Celui qui écoute en dormant Aline qui devient Alice ou l’amant romain, qui est peut-être de son invention ? Aux spectateurs de le dire…


Comment avez-vous abordé cette pièce ?
C’est un texte narratif qui exclut les dialogues ce qui est fréquent chez les dramaturges contemporains. Au début c’est assez déroutant d’autant que le texte se décline en trois langues. On a donc travaillé sur l’écoute, sur l’intériorité, sur la mémorisation et l’on s’est interrogé : « Comment faire théâtre avec ce narratif plurilingues » ?


Quelles singularités avez-vous voulu mettre en exergue dans les deux personnages que vous incarnez ?
Chaque langue développe un rapport au monde, aux autres, un mouvement de la pensée qui ne sont pas les mêmes. Chaque langue génère une énergie particulière. La pièce représente pour moi un parcours.


Casale aime les petites formes théâtrales. Pour vous acteur la proximité avec le public vous aide-t-elle ou vous dessert ?
J’apprécie la proximité des spectateurs. J’aime capter leur respiration et celle des autres acteurs, car c’est là que s’effectue l’échange !


Jouez-vous toujours autant à l’extérieur de l’île ? Quand avez-vous rencontrée Casale ?
Maintenant je joue principalement ici. J’ai vécu et travaillé quinze ans à Parie et je n’en pouvais plus des grandes villes ! La mer me manquait et je me suis installé à Bastia. Quant à Noël nous nous sommes rencontrés il y a trente ans sur la scène de l’Opéra Bastille où nous étions tous deux comédiens. Depuis on s’est souvent croisé et on travaille semble depuis trois ans.


Hors de Corse les metteurs en scène qui vous ont le plus marqué ?
Sans conteste Gabily qui m’a énormément appris et inculqué l’exigence des textes. Avec lui j’ai partagé une expérience de plusieurs années. Mais un rencontre sur « Roberto Zucco » monté par Klotz, a également beaucoup compté pour moi : celle du chorégraphe, Jean François Ruroue, parce qu’il m’a apporté la maîtrise de l’espace et de la scène.

Propos recueillis par M. A-P
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