La Corse, laboratoire du RN ?
La Corse pourrait devenir l’avant-garde d’un changement majeur au sein du Rassemblement national.
La Corse, laboratoire du RN ?
La Corse pourrait devenir l’avant-garde d’un changement majeur au sein du Rassemblement national. Pendant des décennies, le RN incarnait une extrême droite bonapartiste et centralisatrice, intransigeante envers les « régionalismes » et n’hésitait pas à qualifier de séparatisme les mouvements nationalistes insulaires. Aujourd’hui, l’adoubement de Nicolas Battini et de la Mossa Palatina marque une mutation sensible : l’unité de la République se conjugue désormais avec une ouverture aux sensibilités locales, jusque-là rejetées ou marginalisées.
Éloigner les « extrémistes », séduire le terrain
La Mossa Palatina, proche idéologiquement des positions économiques de Zemmour et Knafo, symbolise cette dédiabolisation. Le RN cherche à s’éloigner des figures « identitaires » les plus radicales, extrémistes, racistes ou proches de logiques terroristes, pour favoriser des profils capables de mobiliser et de séduire sur le terrain. L’énergie, le bagout populiste et l’activisme de Battini semblent avoir été jugés capables de combler les lacunes en Corse du RN en matière de candidats et de capacité mobilisatrice et d’annihiler le gouffre qui sépare son score aux élections nationales et à celui des scrutins locaux.
Le RN n’est plus le FN d’hier
Autrefois violemment accueilli par les nationalistes à Ajaccio, le RN cherche désormais à ratisser large. Les poussées identitaires et régionalistes en Occitanie, Alsace ou Bretagne ne lui sont plus indifférentes. La Corse devient un véritable laboratoire politique : aux prochaines municipales, l’Unione di i Patriotti joue un quitte ou double. L’entrée de Battini au conseil municipal de Bastia pourrait se faire sans heurts, François Filoni ayant déjà été membre du conseil d’Ajaccio sans conséquence visible, offrant un précédent rassurant.
Un pari risqué, mais prometteur
L’Unione di i Patriotti peut capter une partie des voix nationalistes et créer la surprise. Battini, que certains prédisaient éphémère il y a un ou deux ans, atteint désormais les étapes qu’il s’était fixées. Sa présence sur les réseaux sociaux, omniprésente, parfois égotique, mais toujours réfléchie, rassure une partie de la population et, en tous les cas, crée l’évènement politique. En prenant de front les nationalistes et en s’affirmant Français et Corse, il pourrait gagner une partie de la population qui, angoissée par la crise, ne souscrit plus aux projets nationalistes purs. Par ailleurs, il incarne un renouveau et une juvénilité pour un RN qui cherche à conjuguer pouvoir et ouverture aux particularismes locaux afin de ratisser le plus large possible en vue des présidentielles et des législatives de 2027.
Vers une mutation durable du RN
La Corse pourrait alors confirmer ce rôle de laboratoire. Les municipales seront un révélateur : la façon dont une partie des nationalistes insulaires rejoindra l’Unione di i Patriotti ou s’y opposera dessinera les contours d’une stratégie locale, mais aussi nationale. Le pari de Battini et de la Mossa Palatina représente ici une stratégie de conquête d’un électorat populaire qui se sent abandonné par la nouvelle élite nationaliste, sorte de macronisme local. Il illustre une mutation du RN susceptible de dépasser le cadre corse et d’influencer durablement la politique française. La Corse pourrait ainsi offrir un exemple inédit de conciliation entre régionalisme assumé et stratégie nationale d’un parti autrefois centralisateur.
GXC
crédit photo et illustration : D.R
Les scores du RN en Corse
Élections européennes
• En 2019, la liste du RN conduite par Jordan Bardella a obtenu 28,01 % des suffrages exprimés en Corse.
• En 2024, la même liste a réalisé un score record, le plus important de France : 40,76 % des suffrages exprimés sur l’île.
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Élections nationales (législatives/présidentielle)
À l’élection présidentielle 2022, Marine Le Pen (RN) est arrivée en tête en Corse au premier tour avec 28,58 % des suffrages — devant Emmanuel Macron (18,11 %).
Aux législatives 2022, le RN reste marginal en matière d’élus : dans la 1ʳᵉ circonscription de Corse‑du‑Sud, la candidate RN a obtenu 12,69 % au 1ᵉʳ tour.
Globalement pour la Corse en 2022, le RN n’a remporté aucun siège.
Lors des législatives 2024, dans la 1ʳᵉ circonscription de la Haute‑Corse, le fondateur de Mossa Palatina, Nicolas Battini a obtenu environ 4,25 % des voix au 1ᵉʳ tour.
Dans la 2ᵉ circonscription de Corse‑du‑Sud, son candidat a récolté 2,72 %. Dans la 1ʳᵉ circonscription de Corse‑du‑Sud, un autre candidat du parti a obtenu 3,61 %.