Masques et visages
Un jeune homme pis a parti par une horde de voyous dans un bus
Masques et visage
Le bus s’ébranle. Il fait la navette entre l’aéroport d’Orly et Paris. Un jeune homme a pris place parmi les voyageurs. Peu de temps après son départ, une horde de voyous l’attaque, et après l’avoir obligé à stopper, en extrait le jeune homme et l’emmène on ne sait où pour en faire on ne sais quoi, le tuer peut-être.
Cette scène effarante s’est déroulée la semaine dernière sans causer de scandale et sans que les voyous en question soient appelés autrement que des « jeunes ». On se croirait revenu à l’époque des grandes compagnies qui ravageaient le pays à la fin de la révolution et que la police de l’Empire, l’avisé Vidocq au premier chef, avait démantelées. C’est dire si la poigne de notre compatriote serait la bienvenue aujourd’hui.
On a fêté le 4 septembre dernier l’anniversaire de l’avènement de la République née dans les décombres de la défaite de Sedan qui entraîna la chute du neveu de celui dont j’ai évoqué avec quelque nostalgie l’autorité dans les phrases précédentes. Je ne suis pas vraiment convaincu de la supériorité du présent régime sur le précédent au registre de la sécurité publique. Mais, chut, « Mes pensées rentrez à l’intérieur de mon âme » comme le soliloque le duc de Gloucester, futur Richard III au début de la pièce de William Shakespeare qui porte son nom. Il y a comme nous le savons, des choses qu’on ne peut pas dire. Qu’il nous soit permis de les penser fortement.
Le nain Micromégas se fut-il hissé jusqu’à la hauteur d’un oracle pour prévoir l’avenir ? Les élections se profilent et la terre bouge encore sous les pieds des voteurs, dupés et mécontents du tour qu’on leur a joué aux dernières élections présidentielles.
Le philosophe prétendait s’avancer masqué par prudence et circonspection. C’est désormais la règle.
Si Descartes avait ainsi édicté sa formule célèbre Larvatus prodeo
à l’attention de ses amis Rose-Croix, c’était moins pour dissimuler leur appartenance commune à une société de pensée, qu’afin de souligner le danger de s’exprimer librement dans une société où domine le contrôle social.
Aujourd’hui, les masques tombent, c’est le cas de le dire puisqu’on nous en revêt avec l’obligation impérieuse de dissimuler de ce chef, tant la physionomie que les opinions divergentes. Quelle farce ! Ainsi que le chante Dandini, valet du prince dans l’opéra de Rossini Cenerentola : « Je crains que la comédie ne se termine en tragédie ». On y va.
Afin de rafraîchir vos mémoires je voudrais vous rappeler la scène du film La mort à Venise, tiré du roman de Thomas Mann, où l’on voit des musiciens masqués probablement contaminés par le choléra, entourer dangereusement les convives attablés sur une terrasse. Grinçant carnaval sur fond d’épidémie. Bas les masques vous disais-je ! Que dire de ceux qu’arborent nos élus, toujours prompts à nous faire la leçon, mais jamais à recevoir les nôtres ? Et pourtant il s’en profile et de sévères.
Le débat qui porte sur les masques est d’une inanité qui mérite d’être soulignée. Il semble avoir été fabriqué pour illustrer la phrase désabusée de Sacha Guitry que l’on assommait de tranquillisants lors de son agonie : « La morphine c’est surtout pour faire dormir les médecins tranquilles ». Idem des masques et des politiques. L’électeur, quant à lui, s’avance à l’instar du philosophe masqué lui-même, car rien ne laisse prévoir à ce jour où va se diriger son vote.
S’il a bien compris la leçon du jour, il répondra à côté aux sondeurs de tout poil, afin de réserver au seul jour du dépouillement la surprise de ses résolutions ; et Boris Vian pourra nous faire entendre sa chanson prémonitoire nommée : Johnny fais-moi mal : moi j’aime l’amour qui fait boum ! Pour autant qu’on ait encore le droit de chanter et d’écouter chanter des chansons pareilles, puisque le « politiquement correct » comme on l’appelle, non content d’avoir tenté d’interdire la réédition et la vente de Tintin au Congo, a obtenu des héritiers d’Agatha Christie que l’on rebaptise Les dix petits nègres : Le dernier des dix. On tremble pour La négresse blonde de Georges Fourest. Que va-t-il lui arriver ?
La bêtise, on le voit bien, n’a pas besoin de masque, elle !
Jean-François Marchi
Le bus s’ébranle. Il fait la navette entre l’aéroport d’Orly et Paris. Un jeune homme a pris place parmi les voyageurs. Peu de temps après son départ, une horde de voyous l’attaque, et après l’avoir obligé à stopper, en extrait le jeune homme et l’emmène on ne sait où pour en faire on ne sais quoi, le tuer peut-être.
Cette scène effarante s’est déroulée la semaine dernière sans causer de scandale et sans que les voyous en question soient appelés autrement que des « jeunes ». On se croirait revenu à l’époque des grandes compagnies qui ravageaient le pays à la fin de la révolution et que la police de l’Empire, l’avisé Vidocq au premier chef, avait démantelées. C’est dire si la poigne de notre compatriote serait la bienvenue aujourd’hui.
On a fêté le 4 septembre dernier l’anniversaire de l’avènement de la République née dans les décombres de la défaite de Sedan qui entraîna la chute du neveu de celui dont j’ai évoqué avec quelque nostalgie l’autorité dans les phrases précédentes. Je ne suis pas vraiment convaincu de la supériorité du présent régime sur le précédent au registre de la sécurité publique. Mais, chut, « Mes pensées rentrez à l’intérieur de mon âme » comme le soliloque le duc de Gloucester, futur Richard III au début de la pièce de William Shakespeare qui porte son nom. Il y a comme nous le savons, des choses qu’on ne peut pas dire. Qu’il nous soit permis de les penser fortement.
Le nain Micromégas se fut-il hissé jusqu’à la hauteur d’un oracle pour prévoir l’avenir ? Les élections se profilent et la terre bouge encore sous les pieds des voteurs, dupés et mécontents du tour qu’on leur a joué aux dernières élections présidentielles.
Le philosophe prétendait s’avancer masqué par prudence et circonspection. C’est désormais la règle.
Si Descartes avait ainsi édicté sa formule célèbre Larvatus prodeo
à l’attention de ses amis Rose-Croix, c’était moins pour dissimuler leur appartenance commune à une société de pensée, qu’afin de souligner le danger de s’exprimer librement dans une société où domine le contrôle social.
Aujourd’hui, les masques tombent, c’est le cas de le dire puisqu’on nous en revêt avec l’obligation impérieuse de dissimuler de ce chef, tant la physionomie que les opinions divergentes. Quelle farce ! Ainsi que le chante Dandini, valet du prince dans l’opéra de Rossini Cenerentola : « Je crains que la comédie ne se termine en tragédie ». On y va.
Afin de rafraîchir vos mémoires je voudrais vous rappeler la scène du film La mort à Venise, tiré du roman de Thomas Mann, où l’on voit des musiciens masqués probablement contaminés par le choléra, entourer dangereusement les convives attablés sur une terrasse. Grinçant carnaval sur fond d’épidémie. Bas les masques vous disais-je ! Que dire de ceux qu’arborent nos élus, toujours prompts à nous faire la leçon, mais jamais à recevoir les nôtres ? Et pourtant il s’en profile et de sévères.
Le débat qui porte sur les masques est d’une inanité qui mérite d’être soulignée. Il semble avoir été fabriqué pour illustrer la phrase désabusée de Sacha Guitry que l’on assommait de tranquillisants lors de son agonie : « La morphine c’est surtout pour faire dormir les médecins tranquilles ». Idem des masques et des politiques. L’électeur, quant à lui, s’avance à l’instar du philosophe masqué lui-même, car rien ne laisse prévoir à ce jour où va se diriger son vote.
S’il a bien compris la leçon du jour, il répondra à côté aux sondeurs de tout poil, afin de réserver au seul jour du dépouillement la surprise de ses résolutions ; et Boris Vian pourra nous faire entendre sa chanson prémonitoire nommée : Johnny fais-moi mal : moi j’aime l’amour qui fait boum ! Pour autant qu’on ait encore le droit de chanter et d’écouter chanter des chansons pareilles, puisque le « politiquement correct » comme on l’appelle, non content d’avoir tenté d’interdire la réédition et la vente de Tintin au Congo, a obtenu des héritiers d’Agatha Christie que l’on rebaptise Les dix petits nègres : Le dernier des dix. On tremble pour La négresse blonde de Georges Fourest. Que va-t-il lui arriver ?
La bêtise, on le voit bien, n’a pas besoin de masque, elle !
Jean-François Marchi