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Exposition Lara Blanchard

Exposition de Lara Blanchard au centre culturel Una Volta jusqu'au 10 février 2023

Exposition Lara Blanchard  « Le magique universel »


Avec l’exposition de Lara Blanchard, Le Centre Culturel Una Volta nous propose de découvrir l’univers d’une artiste au travail si original qu’il ne ressemble à aucun autre… Comme si on pénétrait au cœur du merveilleux. De la féérie… en sa simplicité surprenante, malicieuse même. De la délicatesse de ses doigts la plasticienne donne cœur et corps à des êtres jaillis du « magique universel ».


Le voyage commence par une série d’estampes déclinant des créatures hybrides, mi-homme mi- animal – des thérianthropes – aux couleurs grâcieuses. Gravées à la pointe sèche sur plaque de polycarbonate ces estampes sont reproduites sur textile et retravaillées à la broderie et à l’aquarelle. Prennent alors leurs élans : faucon, ibis rouge, tigre et autre loup.

Ces étranges personnages aux têtes d’oiseaux ou de mannifères ont des membres de bipèdes humains. De leurs torses, de leurs ventres, de leurs fessiers s’élancent des buissons de fleurs ou de feuillages tandis que des insectes ou des moineaux colorés s’amusent sur leurs bras et leurs jambes. Des touches d’or – blanc ou solaire – illuminent ces créatures qui expriment le mouvement. Ce bestiaire très humanisé est un concentré du vivant parce qu’homme ou bête on fait partie d’un tout.

Ces estampes nous plongent dans les contes de fée de l’enfance ou dans « Les métamorphoses » si mystérieusement explicites d’Ovide. On embarque alors pour le pays des rêves.

Deuxième escale, on passe en revue des robes échappées d’un très ancien vestiaire abrité dans un galetas. Chemises de nuit ou combinaisons jouant les assemblages, les incrustations, les juxtapositions, les sutures. Collection vestimentaire accrochée à d’antiques porte-manteaux. Vêtures baptisées par l’artiste, « Les quatre saisons d’une vie » en une parade à la fois élégante et émouvante d’un antan toujours présent.

Troisième étape, une procession d’êtres fabuleux. Cohortes portant haut des masques en céramique et en feutre. D’un blanc mat ou crème on reconnait dans ces processionnaires, un ours, une louve, un cervidé et dix sculptures figurant des silhouettes humaines masquées. Remarquable travail associant pour créer des volumes : peau, laiton, perles de bois, cuir pour les têtes, papier mâché pour les membres. Cortège affichant détermination et tranquillité sereine. Réminiscence de mythes venus du fond des âges et des quatre coins de la planète… C’est aussi beau qu’intrigant. Ça questionne un monde qu’on mutile trop en restituant toute sa place à l’imaginaire.

Michèle Acquaviva-Pache



ENTRETIEN AVEC LARA BLANCHARD


Vous avez d’bord été attirée par la photo argentique. Quel était votre thème de prédilection ?
Mon thème était le corps. Mais très vite j’ai utilisé un papier épais et j’ai eu recours à des découpages. Mon professeur à l’Ecole d’Arts Plastiques de Strasbourg m’a fait remarquer que j’était à la recherche de la profondeur et du volume. En quittant cette école j’ai lâché la photo. Mon intérêt pour le corps provenait de la danse car j’en ai fait longtemps.

Vous avez séjourné en Irlande et dans plusieurs pays étrangers. Quels enseignements en avez-vous tiré ?
En 1995, je suis effectivement partie pour l’Irlande où j’ai passé plusieurs années. Là, j’ai ressenti comme une rupture traduite par l’envie de faire avec mes mains, de travailler avec mes mains et de ne plus me contenter de la théorie inculquée dans les écoles d’arts. Je me suis mise à la céramique et à utiliser un petit métier à tisser. Je n’avais rien de particulier en tête. Rentrée en France j’ai poursuivi sur ce chemin et un projet artistique a germé en moi. Je me suis lancée dans de petits installations sous forme de cabinets de curiosité axés sur la germination des graines.

Que vous a apporté votre expérience engrangée à l’étranger ?
Une appétence pour l’artisanat, pour le geste, moi qui ne me ressens pas vraiment peintre, graveuse, dessinatrice… En fait je suis une exploratrice qui n’a surtout pas envie de se fixer sur une chose en particulier… et pour qui le regard des gens des métiers d’art est important.

Le masque est très présent dans votre œuvre. Quelle signification a-t-il pour vous ?
Le masque n’est pas là pour cacher, pour dissimuler. Au contraire… il révèle. C’est lui, qui véritablement porte celle ou celui qui l’arbore !

Pourquoi dans vos gravures puiser votre inspiration dans la botanique, la zoologie, l’anatomie ?
Cela vient de mon enfance. Toute petite j’étais fascinée par les encyclopédises médicales de ma mère, infirmière. Lors de mes promenades j’enfouissais dans mes poches plein d’objets très divers. J’avais l’esprit grand ouvert sur la nature. Je pouvais rester des heures à observer une salamandre…

Pourquoi avoir intitulé votre série d’estampes, « Ames Animales » ?
Cela a un rapport avec ma spiritualité. J’ai choisi de vivre dans la nature en dialogue permanent avec le minéral, le végétal, l’animal… Sans toute parce que je suis constamment à l’écoute de mon instinct.

Dans vos gravures interviennent la broderie, la couture. Des techniques auxquelles recourt maintenant l’art contemporain, même le plus conceptuel. A votre avis pourquoi cette réhabilitation ?
Longtemps la broderie, la dentelle ont été considérée comme désuètes. Or, depuis plus de dix ans ces techniques sont à nouveau à l’honneur. Je crois que c’est parce qu’on est en train de casser les barrières entre art et artisanat… même dans le conceptuel. Voilà qui est réconfortant puisqu’on fait ainsi perdurer broderie et dentelle…

Ce renouveau de la broderie, de la dentelle, cette reconnaissance du pouvoir de la dextérité manuelle dans les travaux d’aiguille, correspondent-ils à une féminisation de l’art contemporain ?
Je ne pense pas. Ces techniques ont été portées par les femmes, mais je trouve très bien que les garçons s’y mettent. Dommage, par contre, que leur enseignement dans les écoles d’art soit autant négligé !

Pourquoi être passée au volume, à ces sculptures fantastiques ?
Au fond je ne sais pas trop ! Ce dont je suis certaine c’est qu’un jour de 2007, en admiration devant un paysage, j’ai éprouvé le besoin irrépressible de faire des masques… C’est arrivé comme ça… Autant dans mon travail d’estampes il faut que je sois précise, autant pour les masques et les volumes c’est mon instinct qui me guide et je laisse arriver les choses.

Y-a-t-il chez vous un désir de mêler écologie et animisme ?
L’écologie ? Ce souci est présent chez moi. L’animisme, il me semble que cela doit relever de l’instinctif. Mes créations surgissent du plus profond de moi, de ce qui m’est intime. J’essaie toujours de respecter et de comprendre l’autre quel qu’il soit.

Vos créations qui épousent les formes du volume sont déclinées dans une gamme de blanc et d’écru. Pourquoi ?
Dès le départ dans mes volumes j’ai recherché les teintes naturelles : laine cardée, argile blanche par exemple. Les couleurs je les réserve – pour l’instant – à mes estampes. Si je fais le choix de l’écru pour les volumes c’est parce que la matière n’est pas dénaturée par la teinture !

Propos recueillis par M.A P











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