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Marina Raibaldi : " C'était le bon moment pour s'arrêter "

Le visage et la voix de la météo dans l'île pendant plus de 20 ans
Marina Raibaldi : « C’était le bon moment pour arrêter »


Pendant plus de vingt ans, Marina Raibaldi a été le visage et la voix de la météo dans l’île. Le 30 décembre dernier, elle a présenté son dernier bulletin sur l’antenne de France 3 Corse ViaStella. L’occasion de revenir avec elle sur ces deux décennies passées à la télévision insulaire.


Après 24 ans à la tête de la météo, vous avez décidé de rendre l’antenne définitivement. Pour quelles raisons ?
J’ai senti que c'était le bon moment. Être à l'image quotidiennement, ce n'est pas facile, mais ça reste pour moi le plus beau métier du monde. Et je resterai journaliste jusqu'à la fin de ma vie. C'est comme ça que je le conçois. Cependant, à un moment donné, je pense qu’il faut peut-être se retirer de l'image. C’est uniquement mon point de vue personnel. Désormais, je désire continuer dans l'écriture, notamment de documentaires, et donc être derrière la caméra.


Vous aviez intégré France 3 Corse à la fin des années 90. Comment a débuté votre aventure à la présentation de la météo ?
Par une très belle rencontre, celle d’André Stefanaggi, qui était à l’époque directeur des programmes de France 3 Régions. Je l’ai rencontré en 1998, de manière plutôt audacieuse. Le monde de la télé me plaisait. Je me suis donc présentée devant lui ; je ne le connaissais pas. J'avais un accent à couper au couteau. Il m'a dit : « que voulez-vous que je fasse avec votre physique de rousse, votre accent et votre CV, certes très fourni mais je n’en ai pas besoin. » Puis, comme il était très perplexe, il m’a demandé ce que je voudrais faire. Je lui ai répondu la météo.


Pourquoi ?
À l'époque, la météo se faisait en voix off et n’était pas incarnée. C’étaient les journalistes ou des personnes des programmes qui lisaient juste les prévisions. André Stefanaggi m’a donc fait faire un essai le jour même, devant le fond qui était bleu à l'époque. Il m’a dit que c’était pas mal et qu’il me rappellerait… Le coup un peu classique… et il ne m’a pas rappelé. Mais comme j'ai un certain caractère, c’est moi qui l’ai rappelé. “C’est impoli de ne pas rappeler les gens (rires) ». Et il m’a répondu : « o chì croce madonna”. Je ne parlais pas corse à l’époque. Je suis donc venue immédiatement à la station et, un peu exaspéré, il m’a dit “c’est bon”. C’est une personne que j’admire, à qui je dois énormément.


Vous souvenez-vous de votre première à l’antenne?
Oui, c’était le 20 avril 1999. Après avoir fait pendant un petit moment la voix off, ils m’ont lancée à l’antenne quand la météo est devenue incarnée. Il faut rappeler qu’à cette époque, la météo était en direct midi et soir. Elle n’était pas enregistrée.


Cela a dû ajouter une certaine pression à la néophyte que vous étiez alors…
Enormément. Mais j’ai toujours préféré le direct aux enregistrements. L’adrénaline du direct permet une concentration extraordinaire qui permet d’être meilleur. J'en suis convaincue. On donne le meilleur de soi car on sait qu’on ne peut pas se louper.


Très vite, vous vous intéressez aux phénomènes météorologiques. Vous décidez d’aller plus loin pour les comprendre, les analyser. Comment s’est déroulé votre apprentissage ?
Dès que j’ai commencé, je n’ai pas pris la météo comme un tremplin. Depuis l’enfance, j’ai toujours été intéressée par le ciel, les nuages… Je me suis donc dit que c'était une opportunité de comprendre. Je me suis rapprochée de la station de Météo France à Campo dell’Oro. À l'époque, c'était Jean-Paul Giorgetti qui en était le directeur. J’y allais 2 ou 3 fois par semaine. Il m’a appris tout ce qu'il pouvait et a fait un boulot extraordinaire avec moi. Ensuite, j'ai demandé à partir à Toulouse, au centre Météo France, pour me former avec les ingénieurs prévisionnistes. Les formations étaient longues mais elles m’ont enrichie. Tout cela m’a permis de comprendre ce que je disais à l’antenne. Je ne récitais pas. J’étais capable d’interpréter une image satellite et des cartes météo.


Vous avez également présenté la météo en corse, après avoir appris la langue. Était-ce une obligation ?
Au bout d'un an, alors que je commençais à être populaire, André Stefanaggi me dit qu’il ne peut pas me garder à l'antenne. La chaine recevait beaucoup de courriers dans lesquels les gens se plaignent que je ne parle pas corse. J’ai trouvé cette « attaque » étrange. On ne demandait à personne d'autre de parler corse à l'antenne sauf à moi, la Croate. J’ai demandé à André de me laisser 3 mois et de me trouver un prof de corse. Marie-Paule De Mari m’a alors donné des cours. 2 à 3 fois par semaine, on se retrouvait elle et moi capu à capu, 3 heures par jour. Au bout de 3 mois, elle a dit André Stefanaggi : « pour moi, elle est prête ». André est rentré dans mon bureau et m’a demandé de lui donner la météo du lendemain en corse. Ce que j'ai fait. Après ça, la glace était brisée. Il n’y avait plus d’arguments pour me faire partir. Sans prétention, je cochais toutes les cases.


Au fil des années, vous avez acquis une grosse popularité. Comment l’avez-vous gérée, qui plus est dans une petite société comme la nôtre ?
C'était impressionnant. Tu es une inconnue et, d’un coup, tu deviens une personne très connue. Ton ego fait un peu up and down. Dans la rue, dans les restaurants, je commençais un peu à ressentir ce que les gens connus disent : « Ah, je peux plus sortir tranquille ». Mais je ne me plaignais pas parce que les gens me donnaient de l’amour. C’était extraordinaire. Alors c'est vrai, le jour tu à une sale tête et que tu n’es pas d’humeur, tu n’as pas trop envie. Mais j'ai eu la chance que les gens soient extrêmement bienveillants à mon égard.


L’antenne, le direct, l’adrénaline. Cela va-t-il vous manquer ?
Oui, forcément. Je suis faite comme ça. L’adrénaline est une forme d’addiction.

Néanmoins, tôt ou tard, il fallait bien que je prenne cette décision. Je préfère donc la prendre maintenant et faire ce dont j'ai envie maintenant : m'occuper de ma maison, sur mon île, de ma terre. Et écrire, tout simplement. Je serai présente, mais différemment. Aujourd’hui, j'appelle des eaux calmes. J’ai envie d'être derrière la caméra et de me consacrer à l’écriture.


Vous aviez déjà réalisé un documentaire « Deux îles en elle ». Vous allez donc poursuivre dans cette voie en vous installant en Croatie. Sera-t-il question de la Corse ?

Oui, certainement. Il y aura en tout cas toujours le lien avec la Corse et la Croatie. Ces documentaires - car j’espère en faire plusieurs - seront méditerranéens. Le prochain pourrait peut-être sortir en 2024.


D’une île à l’autre


Son arrivée en France, Marina Raibaldi la doit à son parcours universitaire. En 1982, l’étudiante croate en sciences-économiques qu’elle est alors pose ses valises à Paris. « J’étais partie trois mois de Croatie pour me former en marketing. Je travaillais chez Gervais-Danone où j’ai fini par décrocher un CDI après avoir appris le français en six mois. Puis, j’ai rencontré un Corse qui m’a amenée ici. »

Lorsqu’elle débarque à Ajaccio à la fin des années 80, elle n’est pas immédiatement séduite par les lieux. « Je suis originaire de l’île de Pag en Croatie, et je ne voulais plus vivre sur une île, confie celle qui habitait à Zadar, sur la côte dalmate. Au début, je n’ai pas eu le coup de foudre pour la Corse. En plus, je ne trouvais pas de boulot malgré mon CV. »

Malgré tout, elle finit par travailler chez Nouvelles Frontières comme responsable d’hébergement.
« J’y reste 3 ans. Ensuite, j’enchaine différents jobs dont l’enseignement. J’étais prof de sciences-éco au lycée Saint-Paul. »
Deux ans plus tard, elle décide de frapper à la porte de France 3 Corse. Une chaine de télévision où, en plus de présenter la météo, elle animera en direct l’émission Manghjà inseme pendant 8 ans et créera également Mon Grain de Sel en Méditerranée. Une chaîne où sera également diffusé son premier documentaire intitulé « Deux îles en elle »…

A.S

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