Clandestinité : derniers feux ou future flambée ?
Une nouvelle démarche clandestrine ?
Clandestinité : derniers feux ou future flambée ?
GCC, quèsaco ? Quelques pistes. Aucune certitude. Clandestinité traditionnelle qui use discrètement et tactiquement de ce qui lui reste d’aura et de forces pour exister et imposer ses vues ? Petits nouveaux et peut-être quelques anciens initiant une nouvelle démarche clandestine ?
L’année 2022 a été marquée par le retour de la violence politique clandestine.
Des biens appartenant à des non-corses, notamment plus d’une vingtaine de résidences secondaires, ont été incendiés. Depuis le début de cette année, déjà plusieurs résidences secondaires ont fait l’objet d’incendies volontaires. Le 16 mars dernier, quelques jours après l'agression contre Yvan Colonna et à la veille de l’arrivée à Aiacciu du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, venu porter la parole de l’apaisement et annoncer l’ouverture d’un cycle de discussions avec les élus, les FLNC Union des combattants et 22 octobre se sont manifestés. Ils ont ensemble apporté leur soutien aux jeunes qui affrontaient depuis plusieurs jours les forces de l’ordre : « Le mépris engendre la colère. La colère entraîne la révolte. Et chez nous la révolte provoque l'insurrection », et laissé entendre qu’une reprise de la violence politique clandestine était envisageable : « Il ne pourra y avoir de sacrifice de la jeunesse qui n’entraîne une réaction proportionnée de notre part (…) Les combats de la rue d'aujourd'hui seront ceux du maquis de la nuit de demain. » Quatre mois plus tard, le 11 juillet, les FLNC ont confirmé que la violence clandestine pouvait être de retour sur la scène politique. Ils ont en effet revendiqué 16 actions ayant visé des résidences secondaires, des chantiers BTP, un établissement touristique et deux véhicules de police. Quelques semaines plus tard, plus précisément au début du mois d’août, ce retour a relevé d’une tournure inattendue.
Le bombage des lettres « GCC » a fait son apparition sur les murs d’une résidence secondaire qui avait été incendiée. La signification de ce qui était manifestement un sigle et la signature d’une groupe est restée inconnue jusqu’à ces derniers jours. Elle est désormais connue. En effet, le 19 janvier dernier, il a été découvert que « CGC = Ghjuventù clandestina corsa » avait été bombé sur les murs d’une maison ayant été incendiée à Aiacciu.
Les FLNC ne renoncent pas
L’apparition de ce nouveau sigle pour signer des actions clandestines et afficher l’existence d’une nouvelle structure au sein de la clandestinité conduit à s’interroger. D’autant plus que les FLNC Union des Combattants et 22 octobre (qui désormais s’expriment en commun) n’ont pas manifesté l’intention de disparaître de la scène politique et, bien au contraire, ont affirmé leur présence en faisant connaître leur analyse des évolutions de la situation politique et revendiquant des actions violentes. D’autant plus aussi que les FLNC Union des Combattants et 22 octobre ont clairement manifesté leur volonté d’influer. En faisant part de leurs griefs à l’encontre du comportement de la majorité territoriale siméoniste, l’accusant d’hégémonisme, d’ostracisme à l’encontre de militants de la première heure et de complaisance avec les ralliés de fraîche date. En dressant un constat d’échec de la gestion siméoniste et en la sommant d’adopter un nouveau cap : « Il faut absolument changer de paradigme. » En demandant que la clandestinité puisse, d’une façon ou d’une autre, être représentée et surtout entendue dans le cadre du processus Darmanin : « Le Président de l’Exécutif de Corse doit sans attendre prendre la mesure de sa responsabilité et si, pour l’instant, il reste le chef désigné du rapport à la France, il faudra qu’il soit en capacité de fédérer pour construire la route vers l’autodétermination. »
En faisant état de leur volonté d’imposer leur cadre revendicatif : « Les bases des négociations doivent, a minima, se placer à la hauteur des exigences historiques de la lutte de libération nationale ». En énonçant trois revendications qui étaient celles , en 1976, des fondateurs du FLNC : reconnaissance officielle du peuple corse ; mise en place d’une autonomie politique transitoire ; accession à l’autodétermination dans un délai de 5 ans avec définition du corps électoral.
Quelques pistes
GCC, quèsaco ? Quelques pistes… GCC pourrait être un « faux- nez » des FLNC Union des Combattants et 22 octobre leur permettant d’une part, de faire pression sans pour autant remettre en cause leurs « décisions historiques » de mettre un terme à leurs actions violentes ; d’autre part, de ne pas être mis politiquement hors-jeu durant le processus Darmanin.
Cette hypothèse repose sur deux constats. Le premier est que, ces dernières années, les interventions des deux FLNC ont été plus politiques et épistolaires que militaires. Le second est que la revendication de 16 attentats survenue quelques mois après l’agression contre Yvan Colonna, n’a pas été suivie d’autres actions violentes ouvertement revendiquées, et a peut-être uniquement relevé du rappel d’une capacité d’agir ou d’une tentative de canaliser le bellicisme de certains militants étant passés à l’action de leur propre chef.
CGC pourrait aussi être le produit de divergences de vues au sein des deux FLNC. En effet, ceux-ci sont peut-être confrontés à l’opposition de quelques militants qui, tout en souhaitant ne pas exposer publiquement des désaccords, considèrent que face à la spéculation immobilière, à la bétonnisation et à l’installation massive d’occupants de résidences secondaires, il est urgent non plus de dénoncer mais d’agir énergiquement. Semblent aller en ce sens : le recours à un nouveau sigle, la concentration des actions dans le Grand Aiacciu et le Valincu, le ciblage exclusif de résidences secondaires et de chantiers de construction, l’absence de revendications développées et argumentées (revendiquer se limite à des bombages GCC et à des slogans dénonçant la spéculation immobilière, le béton et la colonisation de peuplement). GCC pourrait aussi découler de la volonté de quelques jeunes de donner un prolongement à leur révolte de mars 2022. L’appellation « Ghjuventu clandestina corsa » est peut-être révélatrice de cette démarche. A moins que GCC relève tout simplement d’une jacquerie menée par quelques individus, les un nationalistes, les autres révoltés, ne supportant plus que la terre de leur île soit vendues au plus offrant et défigurée par des constructions hideuses, et que l’accession au logement de qualité ou à la propriété soit réservée à des nantis du fait des prix élevés que détermine la demande extérieure.
Des pistes mais aucune certitude. Des pistes qui conduisent cependant au questionnement suivant. GCC, derniers feux d’une clandestinité traditionnelle qui use discrètement et tactiquement de ce qui lui reste d’aura et de forces pour exister et imposer ses vues ? Ou GCC, future flambée attisée par des petits nouveaux et peut-être quelques anciens qui, si la répression ou la lassitude ne les déciment pas, développeront une nouvelle démarche clandestine plutôt informelle et spontanéiste, usant de moyens rustiques et de messages simples, ne prétendant exercer ni direction politique ni influence directe ?
Pierre Corsi