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Processus : Gérard Darmanin veut mener la danse

Un signal de réconciliation,.......

Processus : Gérald Darmanin veut mener la danse


Si l’on prend en compte qu’il a voulu donner le signal de la réconciliation, de la concorde et de la co-construction, et qu’il a ensuite admonesté ses interlocuteurs, il est évident que Gérald Darmanin entend conduire le bal.


Le 6 février dernier, sur les lieux où est tombé le préfet Claude Erignac, là même où, il y a cinq ans, le Président Emmanuel Macron avait fait dans le ressassage et le ressentiment, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer a prononcé un discours appelant à écrire une nouvelle page.
Etait-ce à la hauteur de ce qui était espéré par la mouvance nationaliste qui, depuis plusieurs années, est représentative de la majorité électorale et influe fortement sur la vie quotidienne de la société ? Beaucoup Oui. Un peu Non. Beaucoup Oui si l’on considère que Gérald Darmanin a fait passer un message de la réconciliation, de la concorde et de la co-construction en appelant à la paix, en prenant en compte toutes les souffrances et en ouvrant la porte à des évolutions : « Vingt-cinq ans après, c'est lui {Claude Erignac} qui nous réunit au service de la paix (…) Il nous appartient d'écrire une nouvelle page (…) Il est temps d'inaugurer, ensemble "le début de la suite" (…) Mesdames et Messieurs les élus, les morts nous regardent. » Un peu Non car il a manqué quelques chose dans le discours du ministre. En mars dernier, sur fond de deuil et de colère, il avait confié dans les colonnes de Corse Matin : « Nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie ».
Cette fois, sur fond de calme revenu et d’attente d’un véritable dialogue, il en est resté, comme si le mot autonomie était redevenu tabou, à évoquer une feuille de route institutionnelle mêlée à d’autres feuilles de route : « Oui, il est temps d'écrire une nouvelle page de l'histoire de la Corse (…) Le gouvernement de la République y est prêt (… ) Il vous propose de tracer ensemble la route institutionnelle, économique, culturelle qui permettra à la Corse d'embrasser le siècle qui vient avec l'amour et le soutien de la République.»
Néanmoins, malgré le « un peu Non », il n’était pas incongru que prime l’optimisme car la différence de contenu entre la parole de Gérald Darmanin et celle d’Emmanuel Macron, cinq ans auparavant, était de taille.

Le chaud puis le froid

Mais après avoir soufflé le chaud, Gérald Darmanin a soufflé le froid. En effet, sur FranceInfo, quelques heures après son discours de la page tournée et de l’ouverture, il a implicitement accusé les élus corses - en visant sans doute particulièrement la majorité territoriale siméoniste - d’être incapables de se monter constructifs : « En face de nous, nous n'avons pas beaucoup de répondant. » Le ministre a ainsi récidivé dans la démarche visant à accréditer que les lenteurs et les blocages auxquels est confronté le dialogue, résultaient d’un manque de volonté et de force de proposition de ses interlocuteurs.
En effet, le 18 septembre dernier, à l’issue de la deuxième réunion avec les élus corses ayant eu lieu au ministère de l’Intérieur, il avait déjà fait part aux médias d’être dans l’attente que le président du Conseil Exécutif lui adresse « le projet économique qu'il pense être nécessaire pour la Corse. » Si l’on prend en compte qu’il a voulu donner le signal de la réconciliation, de la concorde et de la co-construction, et qu’il a ensuite admonesté ses interlocuteurs, il est évident que Gérald Darmanin entend conduire le bal.
Cela montre aussi que l’ayant bien cernée, il sait jouer de la désunion des danseurs. Ceci a d’ailleurs été confirmé par le fait que les opposants à la majorité siméoniste sont objectivement allés dans le sens de l’intéressé dès qu’il a soufflé le froid. A droite, Jean-Martin Mondoloni a affirmé : « Les déclarations du ministre rejoignent ce que je dis depuis longtemps (… ) Nous ne sommes pas prêts ». Côté nationaliste, Jean-Christophe Angelini (Partitu di a Nazione Corsa) a déploré : « Le peuple corse aujourd'hui ne perçoit pas les termes du projet que l'on veut présenter à l'État » et Paul Quastana (Core in Fronte) a lâché : « Dans les rangs de l'exécutif de l'Assemblée on ne sait toujours pas ce que l'on va demander. »

Accueil prudent, presque froid.

Mais pourquoi diable Gérald Darmanin s’est-il empressé de quasiment contredire son discours appelant à écrire une nouvelle
page ?
Pourquoi un pas en arrière a-t-il rapidement succédé à un pas en avant ?
Le ministre de l’Intérieur a peut-être voulu sanctionner l’accueil prudent, presque froid, réservé à son discours par la mouvance nationaliste. En effet, les uns et les autres ont surtout manifesté de l’intransigeance ou rappelé des revendications franchissant les « lignes rouges ». Femu a Corsica a acté que les mots prononcés par le ministre « permettent d’ouvrir une nouvelle séquence politique décisive pour la Corse et son peuple », tout en précisant que cette séquence devra déboucher sur « une solution politique globale » et « la reconnaissance du peuple corse et de ses droits. » Le député Paul-André Colombani (Parti di a Nazione Corsa) a fait part d’un zeste d’inter-rogation et d’une impatience : « On a vécu un 6 février qui pourrait devenir important dans l'histoire de la Corse. Mais aujourd'hui, il y a eu beaucoup de mots.
Nous attendons des actes dans les semaines qui arrivent. » Josepha Giacometti-Piredda (Corsica Libera) a exprimé rester dans le doute et l’attente : « Pour l'heure, ce sont des mots. La paix ne peut se décréter mais doit se bâtir et nous sommes encore dans l'attente d'actes. » Petr'Anto Tomasi (Corsica Libera) s’en est tenu au wait and see : « L'État semble avoir abandonné une position absurde consistant à soutenir que le peuple corse étant collectivement responsable de ce qui s'était passé le 6 février 1998, il ne pouvait y avoir de solution politique en Corse. Pour le reste, rien de bien neuf. » Enfin, Paul-Félix Benedetti (Core in fronte) a fait savoir que s’imposait l'engagement d'une révision constitutionnelle ouvrant sur « des pans entiers de souveraineté locale, en d'autres termes un statut d'autonomie interne » et que Core In Fronte n’avaient pas encore décidé le retour de ses représentants à la table des réunions Délustrage corses. « Avant de faire notre choix, nous devons nous livrer à une réflexion globale » a précisé Paul-Félix Benedetti.

Pierre Corsi
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