• Le doyen de la presse Européenne

Bastia-Corsica 2028 ,Cap sur l'avenir

Postuler au titre de capitale européenne de la culture est un long processus

Bastia-Corsica 2028, cap sur l’avenir
Vannina Bernard Leoni, cheffe de projet répond au JDC



Postuler au titre de capitale européenne de la culture est long processus. Où en est-on pour Bastia-Corsica 2028 ?
Ce sont des aventures qui embrassent le temps long ! Pour briguer le titre de capitale européenne en 2028, c’est dès 2021 que la ville de Bastia a dû faire acte de candidature ! Et il faudrait même remonter quelques années plus tôt, car l’idée a d’abord dû germer, et se consolider avant qu’il y ait passage à l’acte ! Toute l’année 2022 a permis de s’organiser, de commencer à consulter les Bastiais et les Corses, et de découvrir aussi d’autres villes européennes qui avaient eu ce label. C’est ce travail qui a permis de rendre un dossier de candidature au début du mois de janvier 2023, et maintenant nous nous préparons pour l’audition qui se tiendra le 28 février à Paris. Nous saurons le 3 mars si nous sommes présélectionnés.


Que peut-on attendre de ce label ?
Ce label est très prestigieux, très sélectif et vient souligner au plus haut niveau européen l’effort et le potentiel culturel et créatif d’une ville. C’est donc une reconnaissance forte qui peut agir comme un puissant levier pour accélérer les transformations qu’on souhaite pour notre territoire : de nouveaux équipements, des formations ambitieuses, des expérimentations en matière de transports, un modèle économique plus tourné vers la production et la création, un tourisme plus qualitatif et bien sûr une vitalisation du lien social ! Ça va bien au-delà d’une programmation culturelle et artistique.


Bastia-Corsica englobe-t-il toute l’île ?

L'université est-elle partie prenante ?

La candidature est portée par une association – Bastia-Corsica 2028 – qui a été créée exprès par la ville de Bastia, la Collectivité de Corse, la Communauté d’agglomération de Bastia et l’Université de Corse. En fait du point de vue réglementaire c’est une ville qui doit candidater, mais elle peut associer un territoire. Et au-delà du grand Bastia, présent avec la CAB, il a été naturel d’associer l’ensemble de l’île car c’est bien la Corse, sa culture et son avenir que nous voulons promouvoir et favoriser ! C’est pour ça que nous avons organisé des ateliers de consultation aux quatre coins de l’île : Ajaccio, Balagne, Extrême Sud, Alta Rocca et bien sûr Corte, pour sa position centrale et pour l’Université. C’est une institution qui a un rôle particulier par rapport à la jeunesse et par rapport aux liens qui peuvent s’y établir entre pensée, arts et sciences.


Comment avez-vous préparé votre dossier de candidature ?
Pour préparer notre dossier de candidature, nous avons eu une méthode ascendante, en partant du terrain. C’est ce qu’on a appelé « La Fabrique du projet ». Nos grands axes de candidature ont émergé de ces échanges et consultations, de même que nos premiers projets se sont construits dans le dialogue. Les acteurs culturels se sont ainsi retrouvés à l’occasion de nombreux ateliers, ont pu faire remonter leurs besoins, leurs attentes, leurs envies. Et toutes les pratiques artistiques sont présentes : arts plastiques, audiovisuel et cinéma, musique et voix, spectacle vivant, artisanat et design… mais aussi les pratiques hybrides et innovantes. Notre objectif est de développer l’ensemble de ce qu’on appelle les industries culturelles et créatives.


Quels sont les points forts de Bastia-Corsica 2028 ?

La force de notre candidature, c’est notre singularité géographique, historique et culturelle : une île véritable trait d’union entre Europe et rive sud de la Méditerranée, avec son plurilinguisme, sa capacité à dépasser les déterminismes et les trajectoires assignées. Et Bastia est une porte de l’île où ont toujours circulé les populations et les idées.


Comment présenter au jury l’ouverture de la Corse sur l’Europe ?
La Corse a largement contribué à l’histoire de l’Europe, à différents moments-clef : à l’époque des Lumières avec Paoli – rappelons que nous avons été la première démocratie – ensuite avec Napoléon et l’Empire qui a indéniablement refaçonné le continent, puis au moment de la Seconde guerre mondiale, où nous avons été le premier département français libéré et où nous avons pu être considérée comme île des Justes en ne livrant aucun juif de l’île. Aujourd’hui encore nous pouvons incarner les valeurs humanistes et pluralistes de l’Europe : diversité, solidarité, ancrage et ouverture, dans un contexte où les menaces se refont pressantes.


Quelles sont les préoccupations de l’heure sur lesquelles Bastia et la Corse pourraient faire la différence : urgence climatique, biodiversité, question de l’eau ?
Le nouveau régime climatique est bien en toile de fond de notre candidature. On ne peut se projeter sur une pareille aventure sans avoir à l’esprit la nécessaire transition écologique. Et nous ne sommes pas si mal placés pour incarner une nouvelle vision : ville à taille humaine, dans une île où la nature est encore bien préservée. Où il nous faut justement veiller à maintenir les équilibres. Un des grands axes de notre programmation est intitulé « Être(s) vivant(s) » et se consacre à ces liens à revitaliser et défendre entre une société et son milieu naturel.


Bastia ne se fait pas trop remarqué par un attachement à la diversité humaine. De quelle manière remédier au problème ?
Un des autres axes majeurs de notre projet est voué à la question du commun, qu’il faut impérativement vivifier car le risque est grand actuellement de voir la société s’atomiser en catégories marketing, socio-professionnelles, ethniques ou générationnelles. Bastia et plus largement la Corse sont des territoires où la diversité est forte, ne serait-ce parce que notre solde migratoire naturel est négatif depuis longtemps. La culture c’est le socle du lien social. On dit souvent que la Corse fabrique des Corses. Ou du moins que cela a fonctionné comme ça longtemps. Il faut que cela reste vrai, et pour ça, la seule recette c’est la culture. Le ferment de la communauté de destin, c’est le socle culturel.


Hors saison estivale les festivals bastiais ont un public vieillissant. Comment attirer les jeunes ?
Les publics des salles de spectacle et de musée sont partout vieillissants, il faut bien sûr renforcer la curiosité culturelle et artistique des jeunes par le biais de l’éducation, mais aussi inventer de nouvelles formes dans l’espace public qui fédèrent des profils très variés.


A l’occasion de Bastia-Corsica 2028 on annonce une ambitieuse rénovation du théâtre. Quelles autres opérations sont-elles envisagées ?
Il s’agit de redessiner la géographie urbaine de Bastia, avec des lieux culturels forts qui se répondent et se complètent en terme de fonctions, de publics, de situation : il y a le théâtre-conservatoire qui sera rénové, mais aussi la création d’un tiers-lieu d’innovation à Toga avec la CAB, la rénovation du couvent Saint François avec la CDC ou encore celle su Bon Pasteur et du Palais Caraffa. C’est un processus à double sens : nous devons investir des espaces nouveaux pour que la population aille vers la culture. Et inversement la culture doit aller vers la population.


Face à Nice, Montpellier, Reims, Bourges, Clermont-Ferrand, Amiens, Rouen, Saint Demis quels sont les atouts de Bastia-Corsica ?
Nous faisons figure de petit Poucet de la compétition, mais au-delà de l’échelle, qui peut aussi être un avantage à l’heure où il faut tourner le dos au gigantisme, nous nous différençons par nos singularités : nous sommes les seuls à avoir une culture locale aussi forte et nous sommes la seule île.


Bastia-Corsica sélectionné qu’est-ce que cela apportera à la ville, à l’île ?
Si nous sommes présélectionnés, Bastia connaîtra un sacré coup de fouet : la qualité de vie sera encore meilleure pour les habitants et l’attractivité plus forte pour les visiteurs. On sait bien que pour le moment les touristes viennent surtout en Corse pour la beauté des paysages naturels, il faut qu’ils s’intéressent davantage à notre culture et à notre capacité de création. Donc, oui, ça changera aussi l’image de l’île.


En quoi ce label peut-il être bénéfique au plan politique… au sens noble ?
Un label de ce niveau est un acte de reconnaissance internationale, cela viendrait muscler la confiance des insulaires souvent mises à mal dans les relations strictement nationales. L’enjeu est ici de dépasser ce cadre de tensions et de conjuguer harmonieusement nos différentes identités : corse, française, européenne. C’est éminemment politique.

Propos recueillis par Michèle Acquaviva-Pache
Partager :