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Une note secrète de la police qui n'apprend pas grand chose.

La lecture favorite des foyers corses.......

Une note secrète de la police qui n'apprend pas grand chose


Il y a de cela quelques semaines, une fouille de la pénitentiaire permettait de trouver dans la cellule de Jacques Mariani une note confidentielle de la Direction Générale de la Police Nationale, datée du 18 mars 2022 rédigée par la police judiciaire et le SIRASCO, Service d’Information, de Renseignement et d’Analyse Stratégique de la Criminalité Organisée. Cette note avait été à l’origine dévoilée par Marie-Françoise Stefani, journaliste à Via Stella. Mais depuis, elle est devenue la lecture favorite des foyers corses alors même qu’elle ne révèle rien qui ne soit déjà connu.


Une note très confidentielle, mais pas trop


Le document de 26 pages est frappé du tampon « confidentiel évolutif et s’achève par une consigne stricte : “confidentiel — ne pas diffuser — ne pas annexer en procédure”. De quoi s’agit-il pour justifier un pareil traitement ? D’un recensement des équipes criminelles en Corse classées par grandes régions : Balagne, grand Bastia, centre Corse, Côte orientale, sud Corse, grand Valinco, grand Ajaccio et côte ouest. Chaque équipe est détaillée et accompagnée de photos anthropométriques. Sur les vingt-cinq équipes, deux sont classées à part : celle que dirigerait Charles Pieri aujourd’hui incarcéré et l’autre que les auteurs de la note intitulent “équipe Susini” qui serait dirigée par François André Susini, frère du défunt et regretté Massimu Susini. Ils précisent cependant “l’équipe SUSISNI [sic] n’est pas à proprement parler une équipe criminelle, mais son rôle est évoqué dans l’assassinat de Jean-Antoine Carboni.” D’où une première interrogation sur l’intérêt de cette note qui mélange les genres. Que peut en penser un destinataire ministériel qui ne connaît pas grand-chose à la façon dont fonctionne la Corse ? Il est vrai que si le contenu de la note est exact, il est regrettable que des individus s’adonnent tout à la fois à des activités de droit commun et à des actions politiques. Un tel mélange des genres n’est pas fait pour favoriser la lutte contre la mafia. Surtout quand cette note se retrouve aujourd’hui diffusée en masse à travers la Corse.

Une note statique


Le gros défaut de cette note, pourtant classée ultra-confidentielle, est qu’elle ne permet pas de comprendre ce qui se passe en Corse sur le plan de la grande délinquance. Certaines bandes comprennent un seul individu, d’autres jusqu’à six, mais sans que le rôle des uns et des autres soit expliqué. Il manque la quasi-totalité des bandes qui sévissent dans le Sartenais-Valinco. Il n’y a pas de hiérarchie chronologique, pas de hiérarchie d’importance. On ignore la spécialité des uns et des autres et plus grave l’étendue de leur territoire insulaire, national, mais aussi international. On ne sait pas dans quelle affaire ils interviennent, les marchés publics dans lesquels ils sont intervenus. L’affaire o combien criminelle de la CCI d’Ajaccio est inexistante alors qu’elle est l’épicentre de nombreux assassinats. Enfin, la note ne comporte aucune dynamique transversale si ce n’est une vague indication d’alliés et d’ennemis. Or le milieu du grand banditisme est un monde mouvant qui se fait et se défait pour les plus petites structures, mais montre une certaine stabilité pour les bandes qui contrôlent un territoire à forte rentabilité. C’était aussi le grand défaut de la note adressée par le procureur Legras à la ministre Guigou en juillet 2000. Son contenu était plein d’incertitudes et manquait totalement de relief. Qui s’en souvient aujourd’hui, vingt-deux ans après ? Il est vrai qu’à l’époque le monde politique était focalisé sur l’assassinat du préfet Erignac et se moquait du grand banditisme comme de colin-tampon.

Un livre pour mieux connaître les connexions


On ose espérer que les connaissances de la police en matière de voyoucratie corse vont plus loin que ce brouillon. Il serait intéressant de savoir les raisons de son écriture et à qui il était destiné parce qu’en l’état il ne sert pas à grand-chose sauf à faire perdre confiance dans l’efficacité des forces de l’ordre. Le contenu de cette note est mille fois instructif que certains ouvrages. Si on veut mieux connaître le terrain sur lequel agit le milieu insulaire, ses centres d’intérêt économiques alors il faut se plonger dans les ouvrages de Marie-Françoise Stefani (Une famille dans la Mafia chez Plon), Marion Galland et Violette Lazard (Vendetta aux éditions Babelio) sans oublier l’incontournable Jacques Follorou (Mafia corse : une île sous influence chez Robert Laffont). Particulièrement passionnant est La guerre des parrains de Christophe Berliocchi aux éditions du Rocher. L’auteur déborde des frontières insulaires, voyage dans le temps pour mieux comprendre le phénomène criminel corse. On le retrouve à Paris, à Marseille, mais aussi à Barcelone, en Asie. En un mot comme en mille c’est un phénomène mafieux tout à fait singulier comme l’est la Corse. Il est composé d’environ 150 personnes en comptant les demi-sels ce qui est déjà pas mal pour une population de 340 000 personnes — et pourtant il réussit à dramatiquement durer dans le temps et à s’implanter sans que la justice parvienne à réellement l’endiguer. Seul motif de contentement : les voyous s’inquiètent de l’existence des collectifs anti-mafia. Même si parfois, ils paraissent atones, ils ont leur utilité. Longue vie à eux !

GXC
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