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Derrière les retraites , un débat d'avenir

La mobilisation contre le projet de loi sur les retraites ne mollit pas.

Derrière les retraites, un débat d’avenir


La mobilisation contre le projet de loi sur les retraites ne mollit pas. La détermination de la droite, macroniste et traditionnelle non plus. On s’achemine vraisemblablement vers un passage en force, un terrible sentiment de frustration au sein d’une majorité de la population et, au débouché, une victoire du Rassemblement national lors des prochaines échéances électorales. Mais le véritable débat, celui de la société que nous désirons, aura été escamoté.


Quand les crises succèdent aux crises


Les causes immédiates des crises systémiques ont toujours quelque chose de dérisoire au regard de leur importance et de leurs conséquences. En 2008, la tempête financière débuta par les impayés de certains propriétaires aux banques qui leur avaient prêté de l’argent.
La tempête financière ne put être jugulée que grâce aux états qui prêtèrent en masse l’argent des contribuables. Dix ans plus tard, la jacquerie des Gilets jaunes eut pour déclencheur l’augmentation du prix du gasoil. Mais il s’agissait en fait de la révolte des invisibles, de cette France provinciale, composée de petites gens, qui soudain faisait irruption dans le champ politique pour rappeler son existence à une caste qui les ignoraient au profit des puissances industrielles et financières.
Car si les plus pauvres avaient perdu du pouvoir d’achat les milliardaires avaient ramassé de substantiels bénéfices. Puis est survenue la COVID qui là encore, grâce à l’incompétence ou peut-être à la complicité des États, a permis à ce qu’on désigne aujourd’hui comme le Big Pharma d’encaisser des revenues pharaoniques alors même que leurs vaccins n’ont pas empêché la pandémie de se répandre. Enfin, les conséquences de la guerre en Ukraine sont une catastrophe pour les plus démunis, mais une formidable aubaine pour les Bourses qui n’ont jamais accumulé autant de bénéfices. Et c’est dans ce contexte particulièrement calamiteux que le gouvernement a choisi de lancer sa réforme des retraites.

Une angoisse qui s’accumule


Les crises représentent une accumulation d’énergie qui doit s’évacuer d’une manière ou d’une autre : espérance d’un avenir meilleur par les voies démocratiques ou colère, ressentiment et désespoir dans la rue. Confusément, ces crises ont posé un problème de civilisation : celui des sociétés hyperindustrialisées dans lesquelles l’être humain est considéré comme un outil et une marchandise. Nous l’avons ressenti avec le confinement décidé lors de la pandémie. Les tendances suicidaires ont considérablement augmenté parmi les jeunes.
Quant aux plus anciens, ils se sont sentis laissés-pour-compte. De plus, depuis la pandémie se sont posées deux questions fondamentales : celui de l’éclatement des solidarités d’un côté et le rapport à la mort c’est-à-dire à la finitude de notre civilisation. Le travail à domicile peut être ressenti comme une liberté par celles et ceux qui possèdent les moyens de bien se loger. Pour les plus démunis, c’est la fin des solidarités qui existaient dans le village, les familles et surtout sur les lieux de travail. Désormais, le patronat dispose d’un outil de pression considérable. Le temps de travail est à la charge du travailleur puisqu’il est considéré par la masse de travail abattu. C’est pourquoi la formidable solidarité qui s’est fait jour contre le projet gouvernemental est un excellent constat. Cette chaleur humaine existe encore.
Mais le contexte international est sinistre : les démocraties s’érodent au profit de dictatures liquides où la liberté a de moins en moins de place. En plaçant la loi retraite sous le joug du travail sacralisé, le gouvernement a mis à mal la société des loisirs qui avait vu le jour au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Or cette société des loisirs est devenue avec la nostalgie le rêve détruit d'une vie insouciante et joyeuse. En reculant l’âge de la retraite, le président Macron signifie que la vie doit être entièrement consacrée à la production de richesses et à une consommation boulimique quasi animale. C'est une message de mort. L'homme n'est plus qu'une marchandise qui attend sa date de péremption.

Une énergie qui va se traduire en ressentiment


Outre que le refus massif de cette grève pose la question de la véritable démocratie — qui sont-ils ces quelques centaines d’élus pour décider ce qui est bon pour la masse de leurs électeurs ? – ce qui se passe est très mauvais pour l’avenir. Il fait de moins en moins de doute que le président Macron et la droite ont ouvert une autoroute au Rassemblement national. Je ne suis pas de ceux qui continuent de traiter ce parti comme celui de Jean-Marie Le Pen. Mais le RN n’a jamais donné le sentiment de savoir où il voulait aller : anti européen un jour, pro européen le lendemain, un programme mi-chèvre mi-chou…
Mais surtout une xénophobie terrible qui risque fort de faire peser le poids de nos rêves en lambeaux sur cette masse de travailleurs venus d’ailleurs pour tenter de mieux vivre. On ne bâtit pas un avenir sur la haine de l’autre et le ressentiment. Or c’est bien ce qui semble nous guetter après bien de nouveaux drames.

GXC
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