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Galerie Noir et Blanc << Sur le fil >>

Marc Pollini et Sophie Polllini exposent leurs oeuvres jusqu'à fin mars, à la Galerie Noir et blanc de Bastia

Galerie Noir et Blanc  : « Sur le fil »



Marc Pollini, photographe et Sophie Pollini, peintre, sont frère et sœur. Tous deux exposent leurs œuvres, jusqu’à la fin mars, à la Galerie Noir et Blanc de Bastia. Une exposition pleine de délicatesse et … de rudesse, baptisée « Sur le Fil ».



Que voit-on en effet « Sur le Fil » ?
Des oiseaux qui font danser l’espace céleste, qui en dessinent des géographies mouvementées fuguant dans un sens ou un autre. Ces oiseaux insulaires fort banals, que sont les hirondelles sublimes graphistes, les mouettes routinières en leurs circonvolutions tout de même imaginatives, les étourneaux décrivant des volutes piquant soudain sur des câbles ou en haut des arbres. Ces arbres sont justement filiformes et graciles comme s’ils quémandaient la permission d’exister ! Ne s’affirment-ils pas cependant, derrière leur fragilité troublante ainsi que des témoins de la permanence d’une existence, sous le signe d’un lien éternel entre le ciel et la terre. Arbres aux silhouettes interrogatives ou tragiques. Arbres vibrant aussi de cette étrange sérénité qui réconforte, qui panse les douleurs, le stress, l’angoisse.

Les tableaux de la peintre, suspendus entre figuratif et abstrait viennent en contrepoint dire la douceur du temps ou à l’opposé la quiétude du paysage, qu’on devine ou qu’on s’invente ! Ils content l’harmonie et, peut-être, une sorte de bonheur retrouvé malgré l’aigreur de l’heure.

Dans la salle du sous-sol de la Galerie Noir et Blanc Marc Pollini réserve une place de choix à ses photographies islandaises. Des clichés aux fortes teneurs d’anthracite avec aussi des éclats de blancheur redoutable. Le photographe fait ressentir auprès du visiteur combien cette île – comme la nôtre – est résonance de liberté et synonyme en même temps d’enfermement. En Islande, en ces intenses mois d’hiver c’est toute la nature qui crache, qui foudroie, ainsi que les volcans, cet étrange humain qui prétend résister à la force des éléments. Cet humain tapi dans un recoin ou hantant le fond d’une bouche d’eau en une pertinente présence.

Les peintures de Sophie Pollini sont vouées aux éléments. La terre et le ciel s’y conjuguent. Mais, chez elle, même la densité de la matière se fait légèreté. Puise-t-elle son inspiration dans des steppes désolées aux étendues interminables, dans des déserts verts qui font penser aux Agriates, dans des plages distillant des rivages langoureux ? Ses couleurs s’affirment douces et mouvement.

Michèle Acquaviva-Pache


ENTRETIENS…

AVEC MARC POLLINI, photographe


Comment en êtes vous venu à la photographie ?
A 25 ans je suis parti dans la Roumanie postsoviétique. C’était un choix de vie. On était en 1995. J’avais emporté avec moi un appareil photo argentique. J’étais porté par un esprit d’aventure. Un épicier, qui avait une chambre noire dans son arrière-boutique, développait mes films. Un jour, on m’a volé tout mon matériel et mes clichés que je voulais présenter à l’Alliance française de Bucarest. Aussitôt, j’ai arrêté net la photographie. Il y a sept ans, c’est-à-dire vingt ans après la Roumanie, j’ai repris mon appareil… Aujourd’hui je ne fais que ça !


De quelle façon avez-vous abordé le travail de commande du département des Alpes Maritimes sur la catastrophe provoquée par la tempête Alex dans la vallée de la Vésubie ?
La catastrophe avait emporté 500 maisons, tué 20 personnes, provoqué des changements dans la topographie, bouleversé à jamais la vallée de la Vésubie. Je ne voulais pas avoir l’œil du reporter mais celui de l’auteur-photographe. J’ai décidé d’écarter à la fois le mortifère et l’esthétisme. J’ai pris mon temps si bien que mon travail a duré onze mois. Mon objectif était que les gens voient leur vallée avec un regard neuf afin de les amener à accepter leur nouvel environnement. Mon travail de photographe je l’ai fait de l’aval en l’amont en une balade chronologique et géographique. Au Musée de la Photographie de Nice, une salle était dédiée aux portraits des sinistrés exprimant leur traumatisme. Un autre volet était consacré aux ouvrages d’art détruits. Les arbres déracinés, les objets saccagés étaient traités comme des natures mortes.


Qu’est-ce qui vous motive dans un sujet ?
Je ne veux pas la belle photo mais l’écriture photographique. Les oiseaux m’attirent, c’est évident dans l’exposition à la Galerie Noir et Blanc. Ce que je recherche c’est la finesse et la légèreté du rendu… Quand on tient un sujet, on s’y accroche.


Vous opérez en noir et blanc et en couleurs. Qu’est-ce qui vous détermine à choisir l’un ou l’autre ?
Trois fois sur quatre je choisis le noir et blanc. Je le sens tout de suite et la question ne se pose même pas !... Pour éviter le mortifère mes photos sur la tempête Alex sont en couleurs.


Avec « Islande, île noire », devenu un livre aux éditions « de l’air » vous donnez à voir une terre âpre, d’une extrême rudesse. Pourquoi l’Islande ?
C’est mon imaginaire qui m’a poussé. C’est l’idée du voyage. J’y suis allé plusieurs fois mais jamais en été. C’est ainsi que j’ai construit mon récit photographique.


Où en est votre travail sur la Corse ?
J’ai terminé une série sur les adolescents corses et sur leur rapport à la mer, qui n’a guère évolué en trente ans. En l’espèce j’ai photographié la nostalgie. J’ai en route également un travail sur la Corse de l’intérieur, celle des traditions et des croyances.


Votre projet de l’heure ?
Partir dans le quartier juif ultra-orthodoxe de Mea Shearim à Jérusalem où vit une communauté religieuse hassidique comme autrefois dans les shtetl(s) d’Europe de l’est.


AVEC SOPHIE POLLINI, peintre

Vous avez intitulé votre exposition « Sur un fil ». Pourquoi ?
Depuis vingt ans je travaille sur l’horizon, sur le ciel, sur les poteaux, sur les lignes électriques qui charpentent le paysage. Mon frère a réalisé une série sur les oiseaux, donc sur le ciel également. Les lignes, dans mes tableaux, sont en quelque sorte là pour rappeler la réalité… Je peins depuis trente ans et mon travail résulte toujours d’impressions qui s’imbriquent entre elles.


Qui de votre frère ou de vous fait l’accrochage à la Galerie Noir et Blanc ?
Mon frère me fait confiance et me laisse libre tout en étant totalement présent. On était tous les deux d’orchestre. On a décidé du choix des photos et des toiles afin qu’il y ait entre elles un chjama è rispondi.


La collaboration entre votre frère et vous, comment s’établit-elle ?
On n’a pas besoin de beaucoup échanger. On est attiré par les mêmes sujets. Mes paysages sont contemplatifs ce qui peut être souvent le cas chez Marc. Entre nous il y a une complicité instinctive. Une logique fraternelle.


Je me souviens d’une de vos expositions à la Galerie Gour, il y a quelques années, où vous couleurs étaient plus vives. Est-ce là une évolution chez vous ?
Mes couleurs étaient plus joyeuses, plus lumineuses avant. « Sur le fil » est plus dans les demi-teintes, plus dans les grisés. Je le constate… De quoi demain sera-t-il fait ? En tous cas je démarre avec mes envies… Avec l’âge je dois être plus sage !

Propos recueillis par M.A-P





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