Festival << BD à Bastia >> / avril 2023
Le festival de la bande dessinée bastiais fête cette année ses trente ans.
Festival «BD à Bastia » :30 Bougies !
Le festival de la bande dessinée bastiais fête cette année ses trente ans. Caractéristiques de cette manifestation ? Une capacité à se renouveler à chaque édition. Des propositions très variées et pertinentes. Des invitations à des auteurs très connus et à d’autres qui le seront demain. Des BD pour adultes et pour enfants ainsi qu’une belle place accordée à l’illustration jeunesse.
‘Bd à Bastia » 2023, c’est quatorze expositions dans huit lieux répartis dans la ville, sans oublier les commerçants qui participent aux festivités en mettant en valeur des albums dans leurs vitrines. A l’opposé d’autres manifestations du genre le festival bastiais joue avant tout la carte de la création et de la transmission avec un travail très important en direction des scolaires et, ce toute l’année. On peut, par exemple, découvrir les dessins imaginés par les élèves d’une 6 è du collège de Saint Joseph coachés par la bédéiste, Laurie Agusti. Ces œuvres de collégiens sont à voir aux Archives de Haute Corse. Leur histoire conte les tribulations de 6 fantômes.
L’affiche réalisé par Benjamin Bachelier avec sa tonalité surréaliste et amusante est une formidable introduction à la grande exposition collective réunissant neuf auteurs autour de l’absurde, de l’humour, du non-sens… Exposition baptisée « Causa Absurda » où se trouvent convoqués le rire et la réflexion tant l’absurde n’est pas synonyme de superficiel. Des planches originales des albums de Benjamin Bachelier – « Le clan des Otori » et « Oliphant » – qui nous emmènent du Japon médiéval au Grand Nord sont aussi l’occasion d’une exposition monographique.
Zep, le papa du célébrissime Titeuf, auteur rare dans les salons de BD, fait le voyage de Bastia.
A l’honneur son travail pour les adultes au trait réaliste au service de récits profonds qui explorent les rapports humains. Autre artiste renommée qui est déjà venue au festival, Catherine Meurisse, avec des planches récentes de ses récents albums où se mêlent philosophie, poésie, nature. David Sala, réputé pour son art du motif et de la couleur, révèle à travers ses œuvres exposées son talents de peintre, d’auteur de BD et d’illustrateur de livre pour la jeunesse.
Remarquable diversité des thématiques : écologie et modernité avec Jérémy Moreau. Sens de la vie à hauteur d’enfants avec Olivier Tallec. Famille corse et affirmation de la liberté d’expression avec Caroline Nasica. Goût pour la mélancolie et l’humour au bord du gouffre avec le spectacle vivant, « Airstream » au théâtre. Voilà qui a encore tout pour séduire.
Au programme de la manifestation il faut aussi citer des ateliers pour les élèves, des visites guidées, des séances au Régent, une librairie éphémère (Alma), des rencontres avec les auteurs, la participation de la bibliothèque du Nebbiu qui offre un large choix de BD à lire au péristyle. Quant au prix des lycéens il doit être remis le 31 mars au Régent.
Una Volta, Arsenale, Musée, Théâtre, Bibliothèque centrale, Archives promenez-vous dans Bastia BD au cœur.
Michèle Acquaviva-Pache
• Jusqu’au 2 avril mais certaines expos aux cimaises d’Una Volta peuvent durer plus longtemps.ENTRETIEN AVEC JUANA MACARI, directrice d’Una Volta
Une manifestation culturelle fêtant ses trente ans, qu’est-ce que ça dit ?
Ça dit qu’elle a gagné la confiance de ses partenaires d’où sa pérennité et l’adhésion des collectivités. Ça dit son rayonnement hors de Corse. Ainsi le CNL (Centre national du livre) nous a renforcé son soutien il y a trois ans. Ainsi nos deux nouveaux partenaires que sont la SOFIA, qui s’occupe de la répartition des droits d’auteurs de l’écrit a augmenté sa contribution et l’ADAGP, société veillant aux droits dans le domaine des arts graphiques et visuels a répondu favorablement lorsque des auteurs, que nous avions invités, lui ont suggéré de nous soutenir. Avoir trente ans traduit également la fidélité des Bastiais et des Corses… même ceux qui ne sont pas mordus de culture ! Trois décennies c’est aussi le résultat de notre travail auprès des scolaires. Presque 4000 élèves passent à « BD à Bastia ». D’ailleurs ce ne sont pas uniquement des Bastiais puisqu’ils arrivent de Bonifacio, de Calvi, d’Ile Rousse, de Luri, de Saint Florent, d’Aregnu, d’Algaghjola.
Votre meilleur souvenir du festival ?
Difficile de choisir… Je citerais tout de même le moment fort qu’a été la remise du Prix des lycéens, l’an dernier, à « Coming In » d’Elodie Font avec au dessin Carole Maurel. Le livre est le récit douloureux d’une jeune fille pour comprendre son homosexualité. Il a suscité une intense émotion chez les jeunes. Les élèves étaient prêts à aborder ce sujet, qui n’était pas évident… C’est la preuve que la jeune génération sait se poser des questions sans se dérober !
Qu’est-ce qu’une BD réussie ? Est-ce forcément l’adéquation entre texte et dessins ?
En bande dessinée faire de beaux dessins n’est pas impératif. Il faut que le parti pris graphique et celui du texte fonctionnent pour que la narration soit fluide. Même quand il n’y a pas de texte il faut de la fluidité. Il faut qu’on entre facilement dans l’histoire. Le plus beau des dessins n’est pas un atout en soi.
Combien de temps vous faut-il pour préparer et monter « BD à Bastia » ? Dans quelles directions s’orientent vos recherches ?
La manifestation de 2024 j’y pense depuis l’automne 2022 ! Nos recherches sont permanentes. Pour l’exposition thématique on n’est pas obligé d’être dans l’actualité mais il faut tout de même être dans l’air du temps. On peut aussi compter sur les rééditions comme cela a été le cas avec « Cowboy Henk » paru en 1980 et qui a reçu le prix du patrimoine à Angoulême quarante ans après sa publication. Pour concevoir les expos je m’adresse aux maisons d’édition ou elles m’alertent. Pour les éditeurs indépendants je m’informe de leurs nouveautés.
Beaucoup de personnes sont-elles nécessaires pour monter « BD à Bastia » ?
Entre permanents d’Una Volta et prestataires on est une douzaine. Nous avons un scénographe à Nantes, d’autres en Balagnee t dans le Cap Corse. Du Centre Culturel il y a une chargée d’exposition, un régisseur technique, moi au commissariat auxquels on doit ajouter quelqu’un pour les encadrements et une médiatrice. On est tous polyvalents.
Les auteurs acceptent-ils spontanément votre invitation ?
S’il y a des réticences c’est qu’ils sont en train de boucler un album ou qu’ils participent à une autre manifestation. Je note que de plus en plus, ils préfèrent venir en bateau.
Quelques mots sur l’auteur de l’étonnante affiche du festival ?
Benjamin Bachelier avait déjà exposé en 2016. Récemment il a sorti deux albums : « Le clan des Otovi » et « Oliphant ». Il est très suivi sur Instagram. Il est peintre et bédéiste. Je suis très heureuse qu’il ait accepté de faire notre affiche et je signale qu’ « Oliphant » a eu une très bonnes critiques.
Zep est en quelque sort votre invité d’honneur. Pourquoi avez-vous écarté son personnage fétiche ?
Titeuf, qui fête aussi ses trente ans, n’a pas besoin de nous pour être reconnu. Nous avons souhaité valoriser l’œuvre de Zep pour adultes qui est très intéressante. Mais Titeuf se cache dans l’expo… aux spectateurs de le débusquer !
Difficile de trouver les thèmes des grandes expositions collectives ?
Au bout de trente ans c’est de plus en plus compliqué… On se doit d’être attentif à l’actualité. On axe nos recherches dans le domaine sociétal ou philosophique. En 2023 pour contrer la morosité on a fait le choix de l’humour et de l’absurde.
Quel est le bédéiste que vous avez eu le plus de plaisir de faire découvrir aux Corses ?
C’est un auteur polonais de BD, Wojciechowski Lukasz. Il exerce le métier d’architecte. En voyant son œuvre le public a si bien réagi que tous ses albums ont été vendus.
L’exposition la plus étonnante de cette édition ?
« Causa absurda ». Elle est absolument décalée. On a suivi les propos sans queue ni tête des auteurs… qui ont du fond !
Propos recueillis par M. A-P