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Il y a trente ans : Robert Sozzi était assassiné

Il ya trente ans l'assassinat du militant Robert Sozzi par ses frères d'armes.

Il y a trente ans l’assassinat du militant Robert Sozzi par ses frères d’armes


Le 15 juin 1993, il y a trente ans exactement, le FLNC exécutait Robert Sozzi, un de ses militants en rupture de ban. L’organisation clandestine déclarait être en situation de « ? légitime défense préventive ? », concept absurde et scandaleux pourtant avalisé par plusieurs avocats membres de la Cuncolta. Cet acte homicide marquera le début de la guerre entre factions nationalistes. À ce jour, l’organisation clandestine, qui avait officiellement revendiqué cet assassinat, ne l’a jamais « regretté. Le 28 novembre 1994, Franck Muzy, responsable du comité Sozzi, tombait sous les balles d’assassins dont on présume qu’ils étaient aussi des militants du FLNC Canal Historique.


Un drame permanent


La Corse possède un savoir-faire unique pour détruire ce qu’elle a réussi à construire répétant ainsi siècle après siècle cette course à l’échec. Robert Sozzi a été abattu parce qu’une faction du FLNC Canal historique sudiste aurait fait croire à une autre faction nordiste que leur ancien militant employé de Bastia Securità, représentait un danger mortel pour un de leurs dirigeants. Robert Sozzi avait quitté la Cuncolta et le FLNC Canal historique après le drame de Furiani. Il était indigné par l’implication d’une partie de ses frères d’armes dans les magouilles financières qui avaient mené à la catastrophe. Peu après la revendication officielle de l’assassinat de Sozzi par le FLNC Canal historique, Edmond Simeoni, le père charismatique du nationalisme corse, quittait les rangs de la coalition électorale de Corsica nazione. Puis, le 6 mai 1994, il décidait, “en son âme et conscience” de démissionner de son mandat à l’Assemblée de Corse.

La lettre de démission d’Edmond Simeoni


« Par un long et inexorable processus de dégradation, la Corse a glissé dans le gouffre et chacun a sa propre version des responsabilités qui, et c’est remarquable, sont toujours celles des autres et jamais les siennes propres, écrivait alors Edmond Simeoni.
Après avoir créé Corsica Nazione d’autres partenaires et moi-même avons, au mois de mars 1992, pris des engagements publics devant le peuple, avalisés ensuite par 22 ? 000 électeurs. Aujourd’hui, je ne suis plus en mesure de les respecter ; aussi, l’honnêteté la plus élémentaire, la nécessité impérieuse d’une clarification et le devoir m’imposent, après une réflexion largement partagée et longuement mûrie depuis plus d’un an, de démissionner de Corsica Nazione et, logiquement du mandat de conseiller territorial.

Le travail effectué à l’Assemblée de Corse pendant deux ans par notre groupe — fraternel, solidaire et compétent — avec le concours efficace des mouvements, partie prenante de Corsica Nazione (A Cuncolta, l’UPC, I Verdi Corsi) fut bénéfique puisque nous avons apporté une contribution démocratique importante et reconnue à l’étude des dossiers lourds qui conditionnent l’avenir de notre pays (…) Par contre, nous avons montré notre incapacité collective à nous hisser à la hauteur des défis de l’heure ? Par idéologisation excessive, nous n’avons témoigné aucun intérêt pour les problèmes concrets de la population et à l’exclusion du Statut fiscal et de la route a Balanina nous n’avons initié aucune lutte sur le terrain. De lourds contentieux antérieurs entre certaines composantes de la famille nationaliste n’ont pas autorisé l’ébauche de contacts ? Mais nous-mêmes n’avons pas ouvert le dialogue avec les différentes forces vives représentatives, dans leur diversité, de la société corse, témoignant ainsi de notre conception restrictive donc erronée de la Nation et nous condamnant à terme à la stérilisation et à l’isolement.
De plus et surtout, fait déterminant, notre proximité avec le FLNC canal historique n’a pas permis — et j’ai tout tenté en vain — de rendre compatibles les démarches de Corsica Nazione et du mouvement clandestin ? Certes les deux logiques sont structurellement différentes, mais, de plus, les positions se sont à mon sens révélées inconciliables sur les problèmes vitaux pour l’avenir de la Corse. L’avenir tranchera.

Le peuple corse ne doit pas être découragé par ces divergences, car par rapport à l’Histoire, il s’agit d’une simple péripétie, très relative ? De plus il a, ici et hors de l’île, les moyens matériels et moraux propres à assurer sa survie puis son développement ? À la condition expresse qu’il se responsabilise enfin collectivement, qu’il commence à se comporter en citoyen et non plus en sujet, parce que sur ces différents aspects le passif est catastrophique. C’est certainement le fond du problème et c’est ce qui rend complexe la recherche et la mise en place d’une solution dans notre pays.
Pour ma part, j’entends rester fidèle aux engagements de ma vie militante et naturellement à ceux souscrits en 1992 ? Solidaire de celles et ceux qui ont souffert et qui souffrent de leur engagement patriotique et en particulier les prisonniers politiques et leurs familles, j’ai la volonté farouche, décuplée, de combattre le système étranger et local d’aliénation jusqu’à sa défaite car il est antinomique de la liberté, de la démocratie et de la dignité de notre terre.
Je vais donc poursuivre, à ma place, ma démarche publique par les moyens et sur les terrains de mon choix, choix dicté par ma conscience et par ma conception démocratique, pacifique, humaniste, ouverte et sociale de l’intérêt national.
(…) Je garde confiance en l’émancipation du peuple corse (Corses d’origine et Corses d’adoption) et de la Nation demain rétablie dans ses droits ? ; je mesure certes, les difficultés considérables, qu’il y aura à restituer leur sens véritable aux mots, à changer les mentalités et les comportements et plus encore à réhabiliter le travail, la morale, l’éducation, la rigueur, la tolérance et le droit.
Là, sont les seuls gages de la survie de la Corse qui, j’en suis sûr pour ma part, vaincra et vivra, libre, et enfin elle-même.»
Un impitoyable constat que l’histoire n’a pas démenti.

Yvan Colonna lui-même


Lors de son premier procès, Yvan Colonna s’adressait à la Cour.
« Vous allez vous retirer pour délibérer, ça va durer longtemps. Vous avez ma vie entre les mains. Comme mes avocats, Simeoni et Dupond-Moretti, j’ai peur, comme je n’ai jamais eu peur de ma vie. Je suis innocent. J’ai des convictions que je n’ai jamais cachées, elles m’ont aidé à tenir, mais je n’ai jamais été un assassin. Ma vie d’avant la prison prouve que j’ai toujours eu un respect profond de la vie. Quand j’étais militant, deux Tunisiens ont été assassinés par le FLNC, sous prétexte qu’ils faisaient du trafic de drogue : j’avais condamné cet acte. Pour Robert Sozzi, j’ai aussi condamné. Pour mon service militaire, j’ai fait le pompier pour sauver des gens. En Corse, j’étais maître-nageur, j’en ai sauvé aussi. Il y a une cohérence dans ma vie, elle ne se limite pas à ce que vous en ont dit les policiers et les juges qui voulaient faire de moi un coupable. »

Le début d’une catastrophe


L’assassinat de Robert Sozzi allait soulever une vague d’indignation jusque parmi les fondateurs du FLNC à commencer par Pantaléon Alessandri qui participait à la création d’un Comité Sozzi. Ses amis prévenaient que s’il lui arrivait un malheur, il serait aussitôt vengé. Les assassins allaient s’en prendre à Franck Muzy qui, de son côté, ne disposait pas d’une protection semblable. Mais surtout l’assassinat de Robert Sozzi représentait une menace pour les ennemis du Canal historique. D’autant que le 18 juillet 1994, Pierre Poggioli, ancien dirigeant du Front et fondateur de l’ANC, sera lui-même victime d’une tentative d’assassinat.
Durant la seule année 1994, 39 assassinats se produisaient en Corse préfigurant le conflit ouvert entre factions clandestines.

Tirer les leçons du passé


À ce jour, une génération plus tard, les clandestins, sous quelque forme qu’ils se trouvent, n’ont jamais dit regretter l’assassinat de Robert Sozzi. C’est une faute politique et un drame moral. Mais surtout, alors que la situation se tend à nouveau en Corse, que nous ne sommes pas loin d’un nouveau conflit, il serait bon que le mouvement nationaliste au lieu de repousser les fantômes dans les placards, regarde bien en face leurs agissements pour justement ne plus les répéter.

GXC
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