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Espagne : pas de majorité sans les indépendantistes catalans

L' intransigeance de Junts

Espagne : pas de majorité sans les indépendantistes catalans


Le Premier ministre sortant, le socialiste Pedro Sánchez, a besoin du soutien des deux partis indépendantistes catalans pour obtenir une majorité qui serait absolue. Le Parti Populaire et Vox ont besoin de la neutralité de Junts per Catalunya pour disposer d’une majorité qui serait relative.


Le 23 juillet dernier, la droite est arrivée en tête des élections législatives qui ont eu lieu le 23 juillet dernier : le Parti populaire a fortement progressé en obtenant 137 sièges (+ 49). Pourtant elle n’est pas victorieuse car elle n’est pas en mesure de constituer une majorité absolue (176 sièges sur 350). En effet, l’appoint des 33 sièges du parti d’extrême-droite Vox qui a régressé (- 19 sièges) et de l’unique siège de l’Union du Peuple Navarrais (droite localiste) ne permet de totaliser que 171 sièges. En faisant campagne contre le danger d’une participation au pouvoir de l’extrême droite, mais aussi en pouvant afficher un bilan économique plutôt positif (baisse du chômage, croissance soutenue), le Premier ministre sortant, le socialiste Pedro Sánchez, a réussi à maintenir à flot son parti (Parti socialiste ouvrier espagnol) qui a obtenu 121 sièges (+ 1).
De ce fait, il peut encore escompter se maintenir au pouvoir s’il réussit à obtenir le soutien des forces politiques qui ont toutes les raisons d’être fondamentalement hostiles au Parti Populaire et à Vox. Est d’ores et déjà acquis l’apport de la gauche radicale Sumar (31 sièges). Ce qui porte le socle de gauche à 152 sièges. Pour parvenir à la majorité absolue, Pedro Sánchez doit désormais capter les sièges de différents partis régionalistes et nationalistes. Il ne peut espérer le soutien de la Coalition Canarienne car celle-ci étant opposée à toute alliance avec Sumar et Vox, son unique élu devrait rester neutre. En revanche, EH-Bildu (6 sièges) et le Parti Nationaliste Basque (5 sièges) qui représentent respectivement la gauche et la droite abertzale, ainsi que le Bloc Nationaliste Galicien (1 siège), apporteront leur appui. Il convient de noter qu’en Euskadi, le scrutin du 23 juillet a donné lieu a une inversion du rapport de force en sièges mais aussi en voix entre EH-Bildu et le Parti Nationaliste Basque. Ces premiers soutiens sont cependant insuffisants. Ils n’assurent qu’un total de 164 sièges.

L’intransigeance de Junts


Pour conserver son poste de Premier ministre, Pedro Sánchez doit obtenir l’appui des deux partis représentant la gauche et la droite indépendantistes catalanes : Gauche républicaine de Catalogne (7 sièges), Junts per Catalunya (7 sièges). S’il y parvient, son capital en sièges passera à 178 et il disposera ainsi de la majorité absolue.
Le parti Gauche républicaine de Catalogne a énoncé ses conditions, notamment : processus d’amnistie des nationalistes catalans ; possibilité d’organisation d’un référendum d’autodétermination ; accord de l’Espagne pour une utilisation de la langue catalane au Parlement européen. Il a aussi prévenu que sa décision dépendrait d’une consultation de ses militants. Malgré ces conditions et cette procédure de validation, Pedro Sánchez peut raisonnablement être optimiste, et ce, pour au moins deux raisons : ses concessions depuis qu’il est Premier ministre (grâces accordées à plusieurs dirigeants nationalistes catalans impliqués dans l’organisation et le déroulement du référendum d’autodétermination de la Catalogne d’octobre 2017, suppression du délit de sédition, reprise du dialogue avec la Generalitat de Catalunya présidée par le leader de la Gauche républicaine de Catalogne) ; la modération et le positionnement idéologique de Gauche républicaine de Catalogne qui rendent ce parti proche du Parti socialiste ouvrier espagnol. En revanche, le soutien de Junts per Catalunya est loin d’être acquis.
En effet - même si sa figure emblématique Carles Puigdemont, exilé en Belgique depuis octobre 2017 et toujours sous les menaces d’une extradition et de procédures judiciaires, ne met pas sa situation personnelle dans la balance - le parti affiche son intransigeance. Junts per Catalunya exige une amnistie immédiate des personnes ayant été sanctionnées ou étant encore poursuivies pour avoir participé aux événements d’octobre 2017 (référendum d’autodétermination, proclamation d’indé-pendance de la Catalogne) et un engagement ferme que pourra être tenu un referendum d’autodétermination.
Des conditions à ce jour jugées inacceptables par Pedro Sánchez et le Parti socialiste ouvrier espagnol et qui devraient le rester du fait des pressions exercées en ce sens par le Parti populaire, Vox et une grande partie des élites civiles et militaires espagnoles (Pedro Sanchez, son gouvernement et son parti sont régulièrement accusés de complaisance envers les nationalistes basques et catalans). Le suspense pourrait bien durer jusqu’au 17 août, date à laquelle aura lieu la constitution du Congrès des députés.
Et si, ni Pedro Sánchez (qui aura obligatoirement besoin du soutien des deux partis indépendantistes catalans pour obtenir une majorité qui serait absolue), ni le Parti Populaire et Vox (auxquels une neutralité de Junts assurerait une majorité relative car ils aligneraient 172 votes contre les 171 de Pedro Sánchez), ne parviennent à trouver une majorité, les électeurs d’Espagne devront de nouveau voter.


Alexandra Sereni
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