• Le doyen de la presse Européenne

Autonomie : un mot, 300.000 définitions

Un mot magique qui semble capable de compenser toutes les souffrances........

Autonomie : un mot, 300. 000 définitions


À la veille de la venue du président de la République, dans l’attente de sa décision, un mot magique semble capable de compenser toutes les souffrances, de satisfaire toutes les inquiétudes, de venger le passé, de remédier aux malheurs présents, de résumer toutes les possibilités d’avenir. C’est le mot d’autonomie. Il ne date pas d’hier puisque déjà il y a de plus de deux siècles et demi face au ministre français Choiseul. Mais aujourd’hui il a pris une valeur thaumaturge.

Génération après génération


Depuis 1975, chaque génération de nationalistes se pense désignée pour accomplir la véritable autonomie, cette variété de parousie laïque. Chacune vieillit peu à peu et meurt en reportant ses espérances sur les générations suivantes.

Si on considère le système qu’il s’agit de remplacer, jamais le mot d’autonomie ne semble avoir été si actuel, car, de toute évidence, ce système est bien malade. D’ailleurs, tous ou presque se réclament désormais de ce mot d’ordre qui renfermerait la solution de tous les problèmes jusque-là insolubles qui s’évanouiraient à l’instant où sonnerait l’avènement de l’autonomie.

Le fonctionnaire, contraint à une obéissance passive, à un travail morne et monotone ou qui ne se croit pas fait pour ce travail, celle ou celui qui est persécuté par un chef, ou qui souffre, à la sortie, de ne pouvoir s’offrir tel ou tel plaisir offert aux consommateurs argentés, songerait, paraît-il, à l’autonomie. Le petit commerçant malheureux et au bord de la ruine, le paysan grevé de dettes, tournerait son regard vers l’autonomie comme en direction d’une nouvelle aube naissante. L’adolescent en rébellion contre le milieu familial et la contrainte scolaire, l’intellectuel en mal d’aventures et qui s’ennuie, tous rêveraient d’autonomie.

Autant de définitions que de Corses


Si on prenait un à un toutes celles et tous ceux à qui il est arrivé de prononcer avec espoir le mot d’autonomie, si on cherchait les mobiles réels qui ont orienté chacun d’eux dans ce sens, les changements précis, d’ordre général ou personnel, auxquels il aspire réellement, on verrait quelle extraordinaire diversité d’idées et de sentiments peut recouvrir un même mot. On s’apercevrait que l’autonomie espérée par un tel n’est souvent pas celle du voisin, il s’en faut, que même bien souvent elles sont incompatibles. On trouverait aussi qu’il n’y a souvent aucun rapport entre les aspirations que traduit ce mot dans la pensée des Corses qui le prononcent et les réalités auxquelles il est susceptible de correspondre au cas où l’avenir apporterait effectivement un tel changement.

Au fond, on pense aujourd’hui à l’autonomie non comme à une solution des problèmes posés par l’actualité, mais comme à un miracle dispensant de résoudre pratiquement et modestement les problèmes. La preuve qu’on la considère ainsi, c’est qu’on attend qu’elle tombe du ciel ou plutôt de Paris. On voudrait qu’elle s’accomplisse sans jamais se demander qui la fera concrètement et avec quels moyens.

Avec qui et comment ?


Peu de gens sont assez naïfs pour compter à cet égard sur les organisations, syndicales ou politiques, qui avec plus ou moins de conviction persistent à se réclamer de cette autonomie tout en se déchirant. Dans leurs états-majors, quoique non totalement dépourvus d’hommes et de femmes de valeur, le regard le plus optimiste ne parvient pas çà apercevoir l’embryon d’une équipe capable de mener à bien une tâche de cette envergure, eux qui peinent déjà à gérer l’actuel statut et à résoudre les problèmes actuels de notre société. Les cadres de second plan, et moins encore les jeunes, ne donnent aucune marque qu’ils puissent renfermer les éléments d’une telle équipe.

D’ailleurs, ces organisations reproduisent une bonne part des tares qu’elles dénoncent dans cette Corse qu’elles prétendent transformer de la cave au grenier : népotisme, néoclanisme, procrastination. Quant aux petits groupements, d’allure extrémiste ou modérée, qui accusent l’actuel exécutif de ne rien faire de bon, ils seraient plus embarrassés encore pour désigner des femmes et des hommes venus de leurs rangs capables d’être les accoucheurs d’un ordre nouveau eux qui ont passé quelques années au pouvoir sans parvenir à accoucher d’autre chose que de plaintes et d’exigences financières toujours plus lourdes adressées au pouvoir central honni.

En attendant Emmanuel Macron


On se fait une étrange idée de l’autonomie. D’ailleurs, s’en fait-on réellement une idée ? À quoi reconnaîtrons-nous une véritable autonomie, celle qui changera vraiment notre vie quotidienne quand on constate que les autonomistes ne parviennent déjà pas à lui offrir un véritable contenu ? Au changement constitutionnel ? Mais quel changement ? Pour quel programme précis, chiffré, crédible en somme ? Tout cela n’est pas clair. On espère donc que le président du « pays ami » définira les frontières de cette contrée mystérieuse appelée autonomie dont nous rêvons sans vraiment l’imaginer. Et lorsque le roi de France nous aura une fois encore déçus alors, nous reprendrons nos litanies accusatrices sans avoir avancé d’un pouce.

GXC
Partager :