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Autonomie Macron : or et encens ou pacotille ?

Un changement d'approche positif ........

Autonomie Macron : or et encens ou pacotille ?


Changement d’approche positif par rapport aux déclarations d’Emmanuel Macron lors de ses précédentes venues en Corse en qualité de président mais une clarification s’impose. Il y a autant matière à espérer qu’à craindre.



Dix-huit mois après le début du processus Beauvau, après le vote, le 5 juillet dernier, du rapport « Autonomia », du haut de la tribune de l’hémicycle de l’’Assemblée de Corse, le Président de la République a indiqué être favorable à ce qu’une étape institutionnelle soit franchie en déclarant : « Ayons l’audace de bâtir une autonomie pour la Corse et dans la République.» Cette prise de position, si elle représente une changement d’approche positif par rapport aux déclarations d’Emmanuel Macron lors de ses précédentes venues en Corse en qualité de président, est cependant loin de représenter une véritable clarification. Il y a autant matière à espérer une avancée conséquente qu’à craindre une autonomie de pacotille. Macron, roi mage porteur d’or et d’encens, ou bonimenteur venu gagner du temps ? Réponse dans six mois.


Ce qui est incontournable



Macron ne peut pas tout / Le Président de la République n'a pas le pouvoir de réviser la Constitution. Or instaurer un statut d'autonomie nécessite une révision de la Constitution et pour le faire, il est nécessaire que l'Assemblée nationale et le Sénat adoptent le même projet de texte puis que le texte, une fois voté, soit validé par le peuple (référendum national) ou par les trois cinquièmes des députés et sénateurs réunis en Congrès. Ce qui est loin d’être acquis car Emmanuel Macron et ses soutiens parlementaires ne disposent que d’une majorité relative à l’Assemblée Nationale et sont très minoritaires au Sénat.


Macron dit oui à ce que la Corse soit inscrite dans la Constitution / Le Président de la République a confirmé être favorable à inscrire la Corse dans la Constitution (article ou titre particulier applicable à la seule Corse). Ce qui devrait permettre à la Corse : de voir reconnue et légitimée sa spécificité ; de se voir octroyer un statut institutionnel différent de celui des autres collectivités territoriales, métropolitaines ou d’outre-mer ; d’obtenir dans certains domaine de compétence, la possibilité de fixer des règles applicables uniquement en Corse, et ce, selon ses situations et ses besoins spécifiques et sans demander l’aval de Paris, soit dans le cadre d’un pouvoir d’adaptation conforté et élargi, soit dans le cadre d’un pouvoir normatif local.

Macron veut une autonomie, mais à la sauce corse / Le Président de la République préconise de « sortir de l’importation de tel ou tel référentiel, en miroir d’autres îles, et régions de Méditerranée et d’Europe, pour bâtir un référentiel qui soit pleinement corse ».

Macron veut une réduction de l’influence et du pouvoir de la Collectivité de Corse / Le Président de la République a évoqué une réforme du mode de scrutin pour les élections territoriales, une métropolisation de la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien d’Ajaccio et un renforcement des prérogatives de la Chambre des territoires, précisant que ces mesures « amélioreront la démocratie locale et la gouvernance politique ». En ayant une autre lecture, on peut considérer que dans une suite logique donnée aux propos qu’il a tenu à Cuzzà, il entend répondre à une demande ayant été formulée par différents élus, notammment les maires et les présidents d’intercommunalités, et réduire l’influence et le pouvoir de la Collectivité de Corse.

Macron veut un compromis / Le Président de la République s’est employé à ne pas décevoir les nationalistes et à éviter de susciter un front du refus. Il sait que mener à bien le processus Beauvau nécessite : une adhésion forte des composantes nationalistes autonomistes ; une acceptation explicite ou tacite des composantes nationalistes indépendantistes ; un accord ou une neutralité bienveillante des représentants insulaires des partis nationaux ayant des élus à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Ceci l’a conduit, outre pour prendre en compte les lignes rouges qu’il avait lui-même tracées, à ne pas faire sienne la délibération de l'Assemblée de Corse du 5 juillet dernier adoptée par la quasi totalité des conseillers nationalistes (abstention de l’élue Corsica Libera) et à inviter à la recherche d’un compromis entre cette majorité nationaliste et l’opposition de droite (groupe un Soffiu Novu).


Macron veut maîtriser l’agenda / Le Président de la République a précisé que les groupes politiques de l’Assemblée de Corse ont six mois au plus pour élaborer avec le gouvernement un « texte constitutionnel et organique » devant porter modification du le statut institutionnel de la Corse et à partir duquel pourra être engagé le engager le processus de révision de la Constitution.


Ce qui peut irriter ou décevoir les nationalistes



Macron ne reconnaît pas le Peuple Corse / Le Président de la République a évoqué « une communauté insulaire historique, linguistique et culturelle ». Il n’a jamais mentionné l’existence d’un « peuple corse ».

Macron est favorable à un article et non à un titre / La Corse est différente géographiquement, historiquement, culturellement et linguistiquement des autres collectivités, elle n’a donc pas à se retrouver dans une catégorie existante.

Macron ne veut pas de la coofficialité / Le Président de la République en reste à promettre que la langue corse soit « mieux enseignée » et mise « au cœur de la vie » de chaque corse. Il propose en ce sens la création d’un « service public de l’enseignement, en faveur du bilinguisme » et de « donner plus de place à la langue » dans l’enseignement comme dans l’espace public.

Macron ne veut pas le statut de résident / Le Président de la République propose que soient élaborés et mis en place des dispositifs, notamment fiscaux, de régulation du marché immobilier et de lutte contre la spéculation. Il a reconnu que la politique du logement et son cadre réglementaire doivent être revus pour être adaptés aux caractéristiques de l’île. En revanche, aucune allusion à un statut de résident.

Macron n’a pas évoqué un véritable fiscal / Or, comme l’a souligné Pau-Félix Benedetti, une véritable autonomie ne peut se concevoir sans une maîtrise totale de la fiscalité apportant des ressources propres et pouvant être librement affectées/

Macron n’envisage pas un véritable pouvoir législatif local / Le Président de la République s’est dit ouvert à la possibilité que la Collectivité de Corse soit en mesure de « définir des normes sur des matières et des compétences transférées », qu’il conviendra d’identifier, sous le contrôle du Conseil d'État et du Conseil Constitutionnel. Ceci devant « permettre à la Corse de conserver son âme et son identité tout en restant dans les bornes de la République ».

Macron n’a mentionné aucune possibilité d’allègement de la répression et des peines : arrêt des poursuites, suppression du fichage FIJAIT (Fichier des auteurs d'infractions terroristes) et des amendes, libération des prisonniers, amnistie : rien.


Pierre Corsi
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