• Le doyen de la presse Européenne

Tu l'as dit Bouffi !

Pourquoi susciter des espoirs si c'est pour les décevoir ensuite ?

Tu l'as dit Bouffi !


Apres avoir décontenancé le brave antiquaire Gaspard Lalouette, venu le questionner à son domicile sur l'étonnant mystère de Toth, rébus allégorique passant de lèvres en lèvres à la suite des articles alarmistes de la presse à sensation, déclenchés par la série de morts inexpliquées consécutives à la candidature des victimes à l'élection au siège numéro 40 de l'Académie Française, par cette bizarre interjection : « T'es chouette Lalouette ! », le Grand Loustalot, immense scientifique et révéré sapiteur de cette arcane sacrée, dégaine un définitif : « Tu l'as dit bouffi » au malheureux garçon.


Dans ce roman intitulé Le fauteuil hanté, Gaston Leroux nous donne la recette que nous devons utiliser pour traiter les incapables.

« Tu l’as dit bouffi », c’est tout ce que méritent nos excellences quand elles nous bonnissent des sottises, explications vaseuses et vagues promesses. Des réformes avortées aux interdictions en tout genre, qui sont la trouvaille moderne de l’art de mal gouverner des pitres en charge de notre destin, il n’existe dorénavant qu’une seule attitude à leur opposer : leur jeter au visage un « tu l’as dit bouffi » définitif. Le leur chanter peut-être même.

Le projet de loi qui sera soumis au vote du parlement, quant à l’organisation des mécanismes de l’immigration massive de tous les malheureux de la terre , promet d’être une partie très difficile puisque l’organisation du débat public sera vraisemblablement l’occasion que se déchaînent les passions, que seule l’imbécillité des idéologies permet, voire suscite. Comment gouverner quand on commence par semer la confusion dans les esprits, en faisant tout le contraire de ce que l’on raconte, par fausse malice et absence de morale ?

Il en va de même de la réforme des institutions, tel le projet d’autonomie de la Corse dont on ne s’est même pas assuré qu’on disposait d’une majorité parlementaire suffisante pour en venir à bout.

Pourquoi susciter des espoirs si c’est pour les décevoir ensuite ? Bien sûr il y a l’article 11 de la Constitution qui permet la réforme des pouvoirs publics, mais il faut être au moins un De Gaulle pour pouvoir s’en servir. Et encore , l’échec de la réforme du Sénat et de la régionalisation de 1969 montre-t-elle la limite de l’exercice.

Gouverner ce n’est pas pérorer, et présider c’est encore autre chose.

Présider , c’est régner. C’est toute la limite que rencontrent les démocraties européennes aujourd’hui, qui ne sont guère capables de s’entendre à l’intérieur des institutions de l’Union que pour céder à leur puissant allié américain la charge de définir et projeter le futur. Pour le reste tout le monde cède, c’est la politique du sauve qui peut .

La question n’est pas de savoir si les réformes projetées sont bonnes ou mauvaises, car pour l’essentiel elles ont une logique et une utilité, mais de savoir si l’autorité qui en a la charge aura la capacité de mener le débat jusqu’à son terme , sans verser dans le cafouillage et finir dans la débandade. C’est bien le problème de l’autorité de l’Etat qui se pose avec insistance dans la conduite des affaires publiques.

Si qui nous mène se met à ressembler dans sa posture morale au déguenillé vestimentaire clochardesque des chalands ordinaires que l’on rencontre au coin des rues, il ne faut pas attendre grand chose du labeur entrepris. Comme d’habitude, les souris demeureront le produit de l’accouchement des fausses montagnes, comme la fable de la grenouille qui se voulait aussi grosse que le boeuf du bon La Fontaine nous l’enseigne. Je le déplore. Il y a d’excellentes idées dans le projet suggéré par le Président de la République devant l’Assemblée régionale de Corse. Est-ce simplement possible, vu l’état des forces en présence? On aimerait le croire cependant. Les idées ne sont pas un jeu, ou plus précisément ne sont pas qu’un jeu. Une fois exposées, elles ont des conséquences. C’est tout le danger de proposer des pistes comme on jète des galets sur la plage. Gouverner, ce n’est pas rêver, c’est faire. Sempiternel et raseur quand il fait la morale, bouffi en somme, il ne faudrait pas que le détenteur de l’autorité publique se fasse apprenti-sorcier quand il propose . C’est ce qui distingue innover et tâtonner.

Dans l’attente , gardons nos apostrophes en poche jusqu’à la prochaine fois, mais nous n’hésiterons pas à nous en resservir le cas échéant.




Jean-François Marchi
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