De la faiblesse d'un programme en trois mois
Trois mots, tout un programme creux
De la faiblesse d'un programme en trois mots
Le FLNC — on ne sait d'ailleurs plus très bien duquel il s'agit — a revendiqué vingt-sept attentats dans un communiqué étonnamment bref et couronné d'un programme aussi simple qu'expressif : A Francia fora, la France dehors. Serait-ce là le début d'une dystopie ou alors une façon de marquer Gilles Simeoni à la culotte et de faire capoter les maigres espérances quant à une réussite des pourparlers avec l'État français ?
Trois mots, tout un programme creux
A Francia fora… On me dira que c'est déjà un progrès si on considère que jusqu'à aujourd'hui on en était resté au très ethniciste slogan d'I Francesi fora, les Français dehors. Après tout pourquoi pas puisqu'en démocratie toutes les opinions ou presque sont possibles ? La seule ombre au tableau est qu'il est difficile d'insérer une organisation clandestine dans un processus démocratique. Mais admettons-en l'idée. La France dehors. Nous voilà embringués dans le sketch de Bigard sur la chauve-souris enragée qui représente un véritable défi à la théorie des probabilités. Mais ne barguignons pas et rêvons un peu. Voilà donc le FLNC qui dispose d'un peuple corse uni derrière lui et prêt à tous les sacrifices pour emporter la victoire. À l'issue d'une épique bataille militaire, les trente-cinq clandestins de l'armée de libération de la Corse écrasent l'armée française.
Pourquoi pas après tout ? La Corse devient alors indépendante avec ses 30 000 fonctionnaires, ses 70 000 retraités et quelques dizaines d'autres milliers de travailleurs dépendant de ces salaires et pensions. Petite coquinerie du sort : en 2030, ça sera 50 000 nouveaux retraités qui iront rejoindre cette cohorte d’inactifs. Du fait de l'indépendance, la Corse sortirait de la communauté européenne et perdrait le bénéfice des subventions soit environ 280 millions d'euros. La Corse présente un déficit annuel de sa balance commerciale de biens et services de l'ordre de 1,5 à 2 milliards d'euros avec les autres pays du monde et le reste de la France qu'il faudrait compenser Dieu sait comment. Et encore je n'envisage que le cas où l'économie de la Corse resterait strictement identique à ce qu'elle est maintenant ce qui serait impossible puisque la France retirerait tous ses transferts financiers rendant impossible de maintenir le niveau de vie actuel. Marie-Antoinette Pertuis alors présidente de l'agence du tourisme de la Corse avait chiffré en 2009 le déficit commercial de l'île avec et le reste de la France et l'international à 4 milliards d'euros . En treize ans, il a démesurément gonflé. Quant à la création d'une monnaie corse, elle vaudrait exactement ce que vaudrait l'économie corse c'est-à-dire pas grand-chose.
Des attentats contre la majorité électorale
Retour au réel. L'exiguïté du programme du FLNC versus 2023 tient surtout à la cible de ses actions. Qui peut croire que la destruction totale ou partielle de quelques bicoques (dont certaines appartiennent d'ailleurs à des Corses) va provoquer le départ de la France ? Personne de sensé d'autant que l'immense majorité de nos compatriotes savent ce qu'ils perdraient. De plus, la plupart ne se posent même pas la question de leur appartenance à l'ensemble français. Non, ces actions ont seulement pour fonction de mettre des bâtons dans les roues déjà en mauvais état de la majorité actuelle. C'est une façon d'exercer son pouvoir de nuisance afin de faire capoter les négociations actuellement en cours. C'est un message qui dit que la majorité élective ne tient pas le terrain. Je doute que le processus en cours soit impacté par cette nuit bleue. Il est déjà tellement mal en point que les glorieux cagoulés auraient pu se passer de prendre des risques. Néanmoins, ces actions posent la question lancinante de l'après, quand tout aura été dit sauf l'essentiel ? Les autonomistes ne disposent d'aucun plan B si par malheur il ne leur est accordé que de misérables miettes. Et il sera très difficile de recoller les morceaux. On ne le dira jamais assez, Femu et ses alliés disposent d'un atout majeur : la personnalité de Gilles Simeoni mais celle-ci invisibilise les autres responsables de cette mouvance. Le roi Gilles est seul et ça n'est pas bon, quelles que soient ses qualités.
Quant à la réapparition du FLNC, elle est à prendre au sérieux car elle traduit une réorganisation de la clandestinité vraisemblablement abondée par de jeunes recrues. Et si les autonomistes n'ont rien d'autre à offrir qu'un nouvel échec, alors les quelques dizaines de cagoulés pourraient se multiplier malgré l'inanité du programme énoncé en trois mots. Et la récente analyse d'experts du gouvernement jugeant qu'il n'y a pas de spéculation immobilière en Corse ne va certainement pas nous rassurer. Entre la radicalité des uns et la bêtise arrogante des autres, nous voilà bien mal partis.
GXC