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Frédéric Benetti, Président du tribunal de Commerce d'Ajaccio : "L 'année 2024 sera une année charnière pour les entreprises"

L’audience solennelle de rentrée au Tribunal de Commerce d’Ajaccio, s’est effectuée le 17 janvier dernier au Palais du Finosello.
Frédéric Benetti, Président du Tribunal de Commerce d’Ajaccio
« L’année 2024 sera une année charnière pour les entreprises »


L’audience solennelle de rentrée au Tribunal de Commerce d’Ajaccio, s’est effectuée le 17 janvier dernier au Palais du Finosello. L’occasion, pour Frédéric Benetti, le président de l’institution, de dresser le bilan de l’année écoulée et d’évoquer l’année 2024. Une date qui clôturera son mandat à la tête du Tribunal de Commerce.


Quelle analyse, faites-vous de l’année 2023 au niveau du Tribunal de Commerce ?

C’est une année qui a commencé à se charger à compter du troisième trimestre. Elle ne ressemble pas du tout aux années précédentes (2022, 2021, 2020) au cours desquelles nous avions enregistré une baisse des dossiers. Cela pouvait s’expliquer principalement par la multiplication des aides de l’État face à la crise sanitaire et aussi à la crise causée par la guerre en Ukraine. Le Gouvernement avait mis en place un dispositif d’aides financières et de soutien aux entreprises qui avait permis justement cette baisse des dossiers. Fin 2023, il s’est avéré que ces aides ont décru et de ce fait, certains dossiers sont ressortis. Une partie était déjà concernée en 2020 et une autre directement par une croissance en demi-teinte, voire un ralentissement de la croissance. La situation s’est dégradée. J’ajoute que les injonctions de payer sont également en hausse (904 ces derniers mois contre 722 l’an dernier)


Quels sont les secteurs les plus impactés ?

Il n’y a pas, dans l’ensemble, de secteurs plus touchés que d’autres. Nous savons qu’au niveau de la région corse, le tourisme et le bâtiment sont les deux secteurs prédominants et les dossiers concernés sont inclus en grande partie dans ces deux secteurs. Ceci étant, ce n’est pas exclusif à l’activité du Tribunal de Commerce. À savoir que l’ensemble des secteurs sont touchés par le phénomène de ralentissement économique et les dossiers judiciaires. D’une manière générale, cette crise a touché au niveau national et même international, tous les secteurs. Et la Corse n’y a pas échappé.


Les procédures collectives ont doublé par rapport à 2022. Peut-on être inquiet?

Cela suscite, bien sûr une inquiétude parce que tout s’est accéléré à partir de septembre. Et j’en veux pour preuve une audience que nous avons tenu le 15 janvier dernier et qui s’était soldée par une vingtaine de dossiers en redressement ou liquidation. La situation, au niveau régional ou national, est à l’origine de l’augmentation de ces procédures. Les commandes publiques, les taux d’inflation, le prix des matières premières et de l’énergie ont mis en évidence les difficultés des entreprises et du système économique en 2023. En Corse, ces procédures ont effectivement doublé par rapport à 2022 passant de 160 à 324, avec 327 emplois concernés. Ce sont des chiffres que l’on n’avait plus l’habitude d’évoquer surtout depuis 2020. En revanche, si l’on fait une comparaison avec 2019 et la période ante-Covid, on s’aperçoit tout de même qu’il y a une recrudescence d’activité économico-judiciaire.


Quelles perspectives pour 2024 ?

Nous espérons les perspectives d’une croissance qui progresserait et d’une inflation qui diminuerait. Pour l’heure, il ne s’agit que d’espoir avec certainement des mesures gouvernementales qui seront à la hauteur. Le Ministre de l’Economie et des finances annonce, comme première mesure le prolongement du PGE via le médiateur du crédit qui est la banque de France. Ainsi, le remboursement des PGE va être étalé sur trois années supplémentaires, ce qui est déjà salutaire. On espère que l’aide et le soutien aux entreprises offerts par l’État permettront de passer ce cap difficile de 2024 pour revenir à une situation économique normale en 2025.


Vous annoncez une relance économique à partir de 2025. Il faudra donc éviter le pire en 2024. Une année difficile ?

2024 constitue, en effet, un cap à passer car c’est une année charnière dans le monde économique en général et insulaire en particulier. Les répercussions des différentes crises seront effectives en 2024 ce qui va nécessairement provoquer un nombre important de défaillance d’entreprises.


Quelles solutions préconisez-vous?

Il existe des solutions efficaces mais elles nécessitent d’être actionnées préalablement à toutes difficultés avérées.
La conciliation et le mandat ad hoc, la sauvegarde et le redressement en matière judiciaire, la médiation du crédit par la Banque de France et le rapprochement des acteurs sociaux et fiscaux sont autant de leviers à actionner dans le cadre de ce passage. Nous avons espoir que les différentes possibilités s’offrant à l’entreprise et son dirigeant permettent un adoucissement des effets de sortie de crise. Quant à 2025, la croissance semble progressive avec une diminution des taux d’inflation et un retour progressif à la normale.


Le mot d’ordre sera donc d’anticiper ?

Oui. Nous serons bien sûr là pour accompagner les entreprises mais nous ne pourrons pas les sauver toutes. Certaines d’entre elles ont été partiellement sauvées en 2020 et 2021 grâce aux aides de l’État mais les effets de la crise sont toujours là. De notre côté, nous ferons le nécessaire pour les aider mais il appartient également aux entreprises d’anticiper en identifiant les différentes problématiques auxquelles elles seront confrontées.


C’est votre dernière année en tant que Président du Tribunal de Commerce d’Ajaccio. Une première ébauche de bilan ?

J’espère avoir plutôt bien honoré ce mandat qui est je le rappelle, toujours en cours. J’espère laisser une image humaine du Tribunal de Commerce. Quand on parle de Tribunal, on évoque tout de suite des sanctions. Or, je me suis efforcé de changer cette image au cours de ce mandat. En restant dans la philosophie de notre activité et en mettant en avant la prévention, l’information et la détection. J’ai essayé autant que faire se peut, d’oeuvrer dans le sens du soutien aux entreprises. Est-ce que ce sera l’image finale que je laisserai ? Je l’ignore. Je serai jugé, au terme de mon bilan, par l’ensemble des acteurs économiques.

Interview réalisée par Philippe Peraut
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