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"A son image" : une fresque générationnelle

Le dernier film de Thierry de Peretti adapté du roman de Jérôme Ferrari

« À son image » : une fresque générationnelle


« Antonia, 38 ans vient de mourir. Elle s’est tuée en voiture sur une route de l’Ostriconi. Elle était photographe. La longue messe qu’officie son oncle et parrain va rappeler, tout au long de la cérémonie, qui elle était, qui furent ses amis, ses amours, son engagement politique. Le récit, une fresque générationnelle, s’articule autour de plusieurs moments de sa vie. Se mêlant aux grands événements de l’histoire politique de l’île des années quatre-vingt jusqu’à l’aube du XXIe siècle... »


Le fil rouge de « À son image », dernier film de Thierry de Peretti, adapté, bien sûr, du roman éponyme de Jérôme Ferrari semble passionnant à plus d’un titre. Après « Une vie violente (2017) et « Enquête sur un scandale d’Etat » (2022), deux films tirés de faits réels ayant obtenu une distinction (semaine de la critique à Cannes en 2017 pour le premier, César 2023 de la meilleure adaptation pour le second), le réalisateur insulaire revient avec cette fois une fiction emprunte de faits réels puisque « À son image » va évoquer des événements tels que l’affaire Bastelica- Fesch (1980), la prison d’Ajaccio (1984), une conférence de presse du FLNC mais aussi la guerre en ex-Yougoslavie et même en Irak. Thierry de Peretti adapte avec la sensibilité qu’on lui connaît, l’oeuvre de Jérôme Ferrari en y apportant, sans qu’elle ne perde de son authenticité, la touche personnelle qui fait toute sa force.


Un très long casting

Pour mener à bien son projet, le réalisateur a choisi, comme il le fait souvent et c’est ce qui le caractérise, d’intégrer des acteurs non-professionnels au sens noble du terme à d’autres, confirmés. Ce fut le cas pour « Une vie violente ». Cette fois encore, il s’est attaché les services de Julie Allione, sa collaboratrice depuis déjà de nombreuses années. C’est elle qui a été chargée du casting du film. « Il s’agit, souligne-t-elle d’aller chercher tous les acteurs et actrices d’un film, les rôles, les figurants, les silhouettes. Pour « À son image », on a débuté le casting il y a cinq ans, mais entre-temps, on avait bossé sur un autre film. Un premier casting avait rassemblé 250 personnes en 2018, puis 300 l’an dernier, le tout pour les rôles. J’ai ensuite relancé un casting pour la figuration où j’ai rencontré près de 500 personnes. »

Si l’on retrouve des acteurs renommés que Thierry de Peretti connaît bien tels qu’Alexis Manenti (Enquête sur un scandale d’État), Cédric Appietto (Une vie violente), Paul Baratte (Une vie violente) ou encore Antonia Buresi (Enquête sur un scandale d’État), de nouveaux talents prometteurs font leur apparition pour la première fois sans jamais avoir tourné. C’est notamment le cas de Clara Maria Laredo, jeune étudiante à Bruxelles, qui a décroché le rôle principal, celui d’Antonia. « J’écrivais un article sur le film « Enquête sur un scandale d’État, explique la jeune femme, dans les colonnes de l’hebdomadaire Arriti. J’avais été voir ce film à Paris. On m’a ensuite parlé du casting pour « À son image », je me suis dit : « chiche » et c’est parti ! » Au terme de six tours de casting, Clara Maria s’est vu confier ce rôle. « jouer Antonia me rend fière, ajoute-t-elle, donner la parole à une femme dans ces années-là est important, cela n’avait pas été fait suffisamment à mon goût. C’est particulier de se plonger dans un monde que l’on n’a pas connu mais cela m’a fait voyager dans le temps... »

Aux côtés d’Antonia, photographe, son binôme journaliste dans le film n’est autre que Cédric Appietto, alias Patrick. « Ce film est un retour aux sources, explique l’acteur, revenir à Bastelica avec Thierry qui est plus qu’un ami que je suis depuis tant d’années. Je suis très heureux de participer à ce projet. J’ai rencontré des gens du métier, fait un travail personnel pour être au mieux dans ce personnage qui est quelque peu marginal et rebelle, cela me correspond. »

De Bastelica où un concert en mode « dress-code » des Chjami Aghjalesi va nous faire plonger dans l’atmosphère des années 80, à Ajaccio en passant par Tolla, Calvi et la Serbie, cette œuvre devrait, dans la continuité du roman de Jérôme Ferrari, toucher le public insulaire. Mais pas que...On attend tous avec hâte sa sortie.

Thierry de Peretti, réalisateur : « L’essentiel consiste à se remémorer cette période politique et à savoir ce que nous en avons retenu. »



Comment est né ce projet d’adapter l’oeuvre de Jérôme Ferrari au cinéma
C’est un projet vieux de quelques années. puisque j’ai eu la chance de lire le roman en PDF. Jérôme Ferrari me l’avait donné avant même la sortie de son œuvre. Je l’ai lu d’un trait et me suis dit : il faut le porter à l’écran et personne d’autre ne doit réaliser le film, je vais prendre les droits et faire ce qu’il faut pour qu’il puisse voir le jour...Cela s’est fait sur une intuition très forte.


Quel délai ?
On était en 2018 et le tournage a débuté en 2023. Il a fallu tout écrire, mettre en place le financement...Le temps importe peu quand on travaille sur un film.


Cinq ans, cela fait beaucoup. Comment passe-t-on de la lecture à la mise en scène et au tournage ?
Beaucoup de choses se sont déroulées dans cet intervalle. J’étais sur un autre film « Une vie violente ». Et puis, je suis quelqu’un de lent. Le cinéma nécessite du temps. Le temps de tout écrire, de tout préparer. On est en plus sur un film qui va se dérouler sur vingt-cinq années, il y a de nombreux personnages, des décors divers. Le film se passe dans les années quatre-vingt. Autant de paramètres qui ont fait que le projet a été long à mûrir et long à développer aussi.


Vous mêlez dans vos choix de casting, des acteurs professionnels et d’autres qui ne le sont pas. Ce qui fait votre particularité. Pourquoi ce choix ?
Personnellement, je ne fais pas trop la différence. Les rôles principaux sont tenus par des jeunes, mais pas que... Mais tous savent jouer sans être des acteurs dits professionnels. Qu’ils ou non une expérience professionnelle, c’est un autre débat. Mais je le répète, il n’y a pas de différence entre les uns et les autres. On a fait un casting avec Julie Allione, qui travaille depuis longtemps avec moi et les rôles se sont dessinés.


Après « Les apaches » et surtout « Une vie violente », vous traitez de nouveau de la Corse, de surcroît au niveau politique. C’est un thème qui vous parle beaucoup ?
C’est un peu différent puisqu’il s’agit de l’adaptation d’un roman. Avec « À son image », l’action se déroule de 1980 à 2003. C’est le portrait d’une jeune photographe mais également son parcours et celui de son groupe d’amis, tous engagés dans la lutte politique de ces années. Il n’a pas s’agit de reconstituer une période, nous n’y serions jamais arrivés, c’eût été absurde et n’était pas le but recherché. Il y a la trame de fond du film telle que je l’ai relatée. L’essentiel consiste à se remémorer cette période politique et de savoir ce que nous en avons retenu.


Quel a été la durée du tournage et quand le film sortira-t-il sur les écrans ?
On a eu au total, onze semaines de tournage d’août à novembre 2023 entre la Corse et la Serbie où se tourne une partie des scènes relatives à Antonia, qui est partie en 1991 comme photographe sur la guerre en ex-Yougoslavie. Nous sommes dans la phase de montage et l’on se fixe un délai de moins d’un an pour la sortie dans les salles. D’ici l’été prochain, il devrait être diffusé sur les écrans.

Interview réalisée par Philippe Peraut
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