• Le doyen de la presse Européenne

Les indépendantistes ont cassé le ron-ron : Indipendenza, sola sperenza !

Nazione : lutte de libération nationale et internationalisation
Indipendenza, sola sperenza !

Les indépendantistes ont cassé le ron-ron


Durant le dernier week-end de janvier, la mouvance indépendantiste a fait sortir l’actualité politique du questionnement interminable portant sur la possibilité d’un consensus ou non des groupes de l’Assemblée de Corse à l’issue des discussions avec Paris. Les indépendantistes ont cassé le ron-ron. Le week-end a débuté avec une conférence de presse du FLNC à l’occasion de laquelle l’organisation clandestine a dénoncé la colonisation de peuplement ; déploré que lors de son discours de septembre dernier à l’Assemblée de Corse, Emmanuel Macron n’avait pas mentionné une reconnaissance du peuple corse ; affirmé que « l’alliance à venir entre l’exécutif de la Collectivité et la droite insulaire ne pourra en aucun cas constituer un consensus puissant capable d’apporter des solutions » à la disparition du peuple corse ; réaffirmé que la Corse « n’a pas de destin commun avec la France » ; revendiqué une quarantaine d’attentats.
Le week-end a ensuite été marqué par les réactions de plusieurs acteurs politiques qui ont laissé apparaître une inquiétude que le retour au premier plan de la clandestinité affecte les discussions avec Paris alors que Gérald Darmanin est attendu en Corse. Selon Laurent Marcangeli (député de Corse-du-Sud, président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale) : « La violence est un retour en arrière qui fait du mal à notre île ». Selon Jean-Charles Orsucci (maire de Bonifacio, soutien d’Emmanuel Macron) : « Cette communication n’est pas opportune et inquiétante ». Selon Valérie Bozzi (co-présidente du groupe Un Soffiu Novu à l’Assemblée de Corse) : « Si on veut que les choses avancent, il faut discuter avec les élus de la République que nous sommes. Et c'est ce que fait l'État, encore une fois, dans l'intérêt des Corses. C'est ce qui a toujours été demandé.
Donc aujourd'hui, la fracture qui existe dans le mouvement nationaliste ne doit pas mettre en péril ces discussions.
Selon Jean-Christophe Angelini (président du groupe PNC-Avanzemu à l’Assemblée de Corse) : « Nous avons, au PNC et Avanzemu, une position constante relativement à la clandestinité, à la violence politique […] Il faut aujourd'hui dépasser cela et, au contraire, tendre vers un dialogue démocratique à ciel ouvert entre l'ensemble des Corses au sein de notre peuple et bien sûr, avec l'État, pour essayer d'imaginer cette solution politique et cette autonomie qui semble accessible. »
Quant au silence observé par Gilles Simeoni et son parti Femu a Corsica, il en a dit aussi long que de grands discours sur leur inquiétude. Enfin, le week-end s’est conclu avec la création du mouvement du mouvement indépendantiste Nazione qui a affiché sa solidarité politique avec le FLNC, le retour à une stratégie lutte de libération nationale d’investissement sur tous les terrains et, nouveauté qui ne peut que déplaire à Paris, la volonté de porter la question corse à l’ONU.
Pierre corsi


                  Nazione : lutte de libération nationale et Internationalisation


Dimanche 28 janvier, à Corti, à l’issue de l’assemblée générale de Chjama Patriotta, ils ont été environ 500 à approuver la création du mouvement indépendantiste Nazione. Nazione entend d’une part, porter la revendication indépendantiste, relancer une stratégie de lutte de libération nationale, occuper tous les terrains, assumer une solidarité politique avec le FLNC ; d’autre part, redonner confiance et force aux militants.


Rendez-vous avait été pris le 15 octobre dernier, en présence d’environ cinq cents participants qui, à Corti, avaient pris place sur les bancs d’un des amphithéâtres de l'Università di Corsica, et avaient ainsi répondu à l’appel de Chjama Patriotta. Après une dizaine de réunions de sensibilisation dans toute la Corse qui ont suscité l’intérêt de plusieurs centaines de personnes, le rendez-vous a été honoré. Dimanche 28 janvier, à Corti, sur les même bancs, ils ont été environ 500 à approuver le lancement du mouvement indépendantiste Nazione. Parmi eux, il y avait les dirigeants et des militants du parti indépendantiste Corsica Libera qui de facto s’est auto-dissous et des militants du collectif Patriotti rassemblant des anciens prisonniers politiques (ce parti et ce collectif ayant initié la réunion du 15 octobre à la suite de l’appel à une refondation du mouvement national lancé l’été dernier par le FLNC). Il y avait aussi de nombreux nationalistes non encartés. Comme l’a indiqué Jean-Philippe Antolini, un de ses porte-paroles, Nazione entend d’une part, porter la revendication indépendantiste, relancer une stratégie de lutte de libération nationale, occuper tous les terrains, assumer une solidarité politique avec le FLNC ; d’autre part, redonner confiance et force aux militants en les remettant « au centre du jeu et des décisions » à partir d’une structuration souple et ouverte. Pour ce faire, il a été décidé la création d’une coordination qui devra prochainement se doter d’un bureau provisoire, ainsi que la mise en place d’ateliers chargés d’être force de proposition à partir des grandes orientations du mouvement. Pour ce faire, il a été acté que, tous les deux mois, une cunsulta consacrée aux débats et à la prise de grandes décisions sera ouverte à tous les militants.

Rappel de la genèse indépendantiste

Les quelques 500 participants ont aussi approuvé une motion d’orientation générale. La motion rappelle d’abord la genèse de la revendication indépendantiste : « La Corse, Nation de droit naturel, connut au cœur du XVIIIe siècle une première expérience d’indépendance nationale […] Le gouvernement national, durant près de quinze années, assura le bonheur de la Nation jusqu’à la conquête militaire française […] Cependant, la chute de l’Etat paolien ne signifia jamais la disparition du sentiment national. Deux années après Ponte Novu, les nationaux corses en exil en Toscane diffusait à l’Europe et au monde un manifeste qui débutait par ses mots : « In vano lusingansi i nostri Nemici d'averci vinti, ed abbattuti. Noi protestiamo a tutte l'età presenti, e future, che vive in Noi lo spirito della libertà, e viverà ne i nostri Posteri ancora, finchè scorrerà il sangue corso per le loro vene » […] La lutte nationale retrouva une vigueur nouvelle au XXe siècle […] La création du FLNC en 1976 apporta, à cet égard, une contribution décisive. Depuis lors, la Lutte de Libération Nationale fut le moteur de tous les acquis politiques qu’a connu la Corse (renouveau du sentiment national, préservation de la terre, riacquistu culturale, réouverture de l’Università di Corsica, avancées statutaires…). Elle permit de remporter la « bataille des idées » et même les batailles électorales à compter de 2015 ».

Dénonciation de la démarche siméoniste

La motion dresse un bilan sévère de l’action de la majorité territoriale siméoniste. Il lui est adressé deux reproches majeurs. Primo, avoir conduit à « une impasse stratégique » en ayant fait le choix « du renoncement et de l’assimilation », délaissé « le chemin vers la souveraineté et la liberté » et accepté « un destin français » ravalant le peuple corse à n’être qu’une « communauté définitivement arrimée à la France ». Deuxio, avoir neutralisé le rapport de force favorable établi après l’assassinat d’Yvan Colonna : « Notre jeunesse a su engager une mobilisation populaire d’une ampleur sans précédent […] Face au ministre de l’Intérieur français dépêché pour calmer la rue, la majorité aujourd’hui à la tête des institutions de la Corse a préféré neutraliser le rapport de force alors établi. En lieu et place de négociations jetant les bases d’une solution politique globale, un protocole excluant ce qui constitue l’essentiel de soixante années de combat contemporain a été entériné […] Les discussions en cours sont malheureusement condamnées à aboutir à une décentralisation améliorée que d’aucuns, à grand renfort de communication, tenteront de travestir en une « autonomie de plein droit et de plein exercice ».

Appel à combattre la colonisation de peuplement

La motion constate que l’existence du peuple corse est plus que jamais menacée et appelle à combattre la colonisation de peuplement sans pour autant renoncer à la notion de communauté de destin : « L’arrivée de 4 à 5000 nouveaux arrivants par an, l’absence de reconnaissance de notre langue, l’absence de contrôle des entrées à nos frontières, l’absence de mesure de protection de notre foncier et notre économie accentuent la minorisation de notre peuple […] Dans les années 1980, le FLNC a défini le peuple corse comme une communauté de destin [… ] Parce que le peuple corse est une réalité vivante, ce principe vaut à la fois pour le passé mais aussi pour l’avenir [… ] Jamais, la communauté de destin popularisée par le courant de libération nationale n’a voulu signifier que le fait de poser le pied sur la terre de Corse valait intégration au sein de notre peuple et conférait les mêmes droits que les Corses. Pas plus que le concept ne justifie l’acceptation de flux démographiques illimités [… ] Le peuple corse se trouve aujourd’hui dans l’incapacité objective d’intégrer les nouveaux arrivants à un projet national corse. La loi du nombre, la perte de nos référents culturels au sein même du peuple corse historique, l’absence de tout moyen de régulation conduisent, en sens inverse, à la dilution du modèle corse dans un cadre français […] Aujourd’hui, la lutte contre la colonisation de peuplement s’impose comme un axe central de lutte ».

Affirmation des atouts de la Corse

La motion souligne la viabilité économique de l’indépendance et la conscience que le mouvement indépendantiste à le pouvoir et le devoir d’apporter des réponses concrètes aux besoins du peuple corse : « Nous pouvons faire la démonstration pragmatique que la Corse, île d’Europe au cœur de la Méditerranée, riche de nombreux atouts, aura tout a gagner dans son accession à la souveraineté pleine et entière […] Il nous faut définitivement tordre le cou à une idée bien enracinée, celle qui consiste à penser que nous serions trop petits, trop pauvres, trop vulnérables, soumis à tous les risques de dérives. Comme si la présence française, de sa main protectrice, civilisatrice et vertueuse, nous avait jusqu’à maintenant préservés […] L’indépendance est un objectif qui nous oblige, ici et maintenant, à ancrer dans chacune de nos actions et de nos propositions les outils de l’émancipation pour la Corse et son peuple […] Toutes les avancées obtenues pour ce pays ont été portées par notre courant […] Notre projet, nous le menons les pieds bien ancrés dans notre présent, conscients des enjeux à venir, de nos faiblesses bien entendu mais surtout convaincus de nos forces et de nos atouts pour y faire face. Notre projet, ne part pas de zéro, nombre d’entre nous, militants auparavant organisés ou non, portent ses fondamentaux et travaillent aux propositions qui en découlent depuis longtemps. De nouvelles viendront les enrichir. Notre projet, se traduira dans les prochaines semaines et prochains mois sur tous les terrains et dans tous les domaines par des actions concrètes au service de la Corse et de son Peuple ».

Appel à la mobilisation et à la résistance

La motion appelle à la mobilisation et à la résistance et fixe les objectifs : « Nous savons que l’heure est à la résistance, à la mobilisation, pour la réussite du projet national et la reconnaissance de notre peuple et de ses droits ». Elle retrace aussi le chemin déjà parcouru depuis l’été dernier : « En août dernier, le FLNC appelait à la résistance et à la constitution d’une plateforme patriotique transcendant les partis politiques, les syndicats, les associations et les patriotes que s’y retrouveraient. Cette plateforme devant jeter les bases d’une alternative politique […] De la tribune des Ghjurnate internaziunale di Corti, Corsica Libera réitérait son appel à jeter les bases d’un regroupement plus large des forces qui se situent dans une démarche d’essence nationale […] Le collectif d’anciens prisonniers Patriotti tenait une conférence de presse le 16 septembre dernier, appelant à la réorganisation du mouvement de résistance patriotique et à une grande réunion publique le 15 octobre 2023 à Corti. Ce jour-là des centaines de militants transcendant les partis, se retrouvaient à l’Università di Corsica et lançaient a « Chjama patriotta » [...] A Chjama Patriotta a organisé plusieurs réunions publiques […] Ces réunions ont été l’occasion de débats et d’échanges qui ont également nourri notre réflexion ». Enfin, la motion a énoncé quinze grandes orientations (voir encart, Les 15 orientations).


Pierre corsi


Les 15 orientations

• Création d’un nouveau mouvement politique dénommé « Nazione».

• Nazione inscrit son action politique dans le cadre de la Lutte de Libération Nationale du peuple corse.

• L’objectif est l’accession du peuple corse à l’indépendance nationale et la création d’une République corse.

• L'internationalisation de la lutte du peuple corse et l’inscription de La Corse sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU constituent des axes de lutte prioritaires.

• Nazione rejette la perspective d’un « destin français » pour le peuple corse.

• Nazione s’oppose à la stratégie portée par les actuels responsables de la Collectivité de Corse consistant d’une part, à accepter un accord avec l’État français fondé sur une négation du fait national et l’acceptation d’une décentralisation administrative nouvelle au sein de la République française ; d’autre part, à perpétuer une gestion des institutions corses d’inspiration clientéliste.

• Réaffirmation que la lutte de libération sociale est indissociable du combat pour la libération nationale.

• L’urgence écologique relève d’une nécessité. Elle impose de préserver les productions agricoles et les ressources naturelles, et de garantir l’accession aux souverainetés alimentaire et énergétique.

• Lutte contre la précarité pour plus de justice sociale et pour un droit effectif à la santé.

• Lutte pour la maîtrise par le peuple corse d’un développement économique respectueux de sa culture et de son environnement. Nazione préconise un statut fiscal et social pour favoriser un entreprenariat corse à l’échelle humaine et se prononce pour l’instauration d’un Code de l’investissement et une gestion publique des secteurs stratégiques.

• Affirmation solennelle que le lien à la terre corse, selon sa dimension culturelle et naturelle et aussi la langue corse constituent le ciment de l’identité nationale corse.

• Combat contre la colonisation de peuplement et ses conséquences multiformes (foncière, culturelle économique) qui hypothèquent gravement la suprématie du peuple corse sur sa terre.

• Développement des contre-pouvoirs pour l’action sur le terrain.

• Solidarité politique avec le FLNC.
Partager :