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Zelda Colonna, plasticienne corse ...

Une artiste singulière

Zelda Colonna


Une si singulière artiste



Elle s’appelle Zelda. Un prénom qui évoque « Gatsby le magnifique » de F. Scott- Fitzgerald et son épouse, l’étonnante et mystérieuse… Zelda.

Zelda Colonna, plasticienne corse nous entraîne, elle, vers un autre horizon, bien différent des années folles nord-américaines. Son visage, d’une manière saisissante, nous rappelle ceux de ces Crétoises qui ornent les céramiques antiques de cette île de Crète primordiale dans l’histoire de la Méditerranée.


Cette juxtaposition d’une image des années vingt aux Etats-Unis et la résurgence de figures originelles du Mare Nostrum nous emmènent dans des tourbillons de vies où les temps d’avant nous projettent dans aujourd’hui. Zelda, notre contemporaine scrute notre modernité avec un scalpel aussi exalté que timide. Si ses œuvres ont le noir pour oriflamme et le tourment pour bannière, il faut voir dans leurs recoins, dans leurs replis, dans leurs tréfonds ourlés de désir des espaces qui disent la lumière, le souffle régénéré et la victoire sur la souffrance.

Zelda est un torrent tumultueux qui sait s’apaiser et embrasser la vie. L’exposition à la Galerie Noir et Blanc qu’elle nous offre n’est qu’un petit aperçu de son talent puisqu’elle a choisi de mettre en avant son travail sur les végétaux. Des œuvres épurées qui expriment et la fragilité et la puissance. Lignes acérées des dessins. Lignes parfois brisées, parfois rectilignes, parfois en faisceaux.

Une chorégraphie d’une incroyable finesse

L’artiste ne montre pas. Elle suggère, même si quelquefois on est impressionné par ce qui peut être des bouquets aux traits subtiles, délicats qui font vibrer le film de l’imagination de l’observatrice. Du noir. Du blanc. Des touches de rouge ou de jaune greffées sur des tiges d’une incroyable finesse qui dansent une véritable chorégraphie ou qui s’entremêlent en une sorte de pluie.

Complètement différents les dessins d’un diptyque qui révèlent des silhouettes noires de femmes en des scènes qui peuvent être le reflet du quotidien à moins que ce ne soit de leurs états d’âme. Dans ces séquences il y a de l’élégance et une sorte de cruauté qui surgit si l’œil s’attarde… On ne peut qu’être frappé également par le mariage du blanc et du noir qui distille une évidente poésie.

Autre œuvre qui interpelle par sa force : trois femmes ainsi que l’indique leur vêture. L’une porte une grande arrête de poisson sur un plat. Relief d’un met de famine ? Reliquat d’une opulence interdite au genre féminin. Les deux autres s’incarnent en un œil unique. Référence féminisée au cyclope de L’Odyssée d’Homère ? Ou œil de devineresses ? Troublante étrangeté aux interprétations multiples.

Une conjugaison des contraires

Dans ses dessins Zelda Colonna conjugue avec authenticité des contraires. Et ces contraires ne s’annulent pas mais écrivent une dialectique très personnelle et constructive.

Si on demande à l’artiste depuis quand elle se passionne pour les arts plastiques, elle répond tout à trac : « Depuis toujours ». Des parents professeurs : père musicien, mère plasticienne. Une famille nombreuse avec pour faire la différence le dessin grâce auquel elle soigne son ego de petite fille reléguée dans l’obscurité d’une fratrie. Si on insiste sur le tout début de sa vocation, elle réplique : « Au CP je me souviens d’avoir déclaré à une copine que je dessinerai… Au fil des ans je me suis rendu compte que j’étais incapable de faire autre chose ! »

Les arts plastiques chez Zelda Colonna ont été doublés d’un parcours universitaire. Une thèse parce que la recherche l’intéresse. Parce qu’elle se questionne sur art et bioéthique, sur art et corps, réflexion qui la conduit un moment au bio art. Parce que l’exploration de la faiblesse physique lui semble importante corrélée à la médecine. Maintenant elle reconnait volontiers que faire ses universités étaient pour elle un moyen d’échapper au monde professionnel mais que la réalité a fini par s’imposer.

Bannir le superficiel

Visage d’une éclatante blancheur couronnée d’une chevelure brune très foncée la plasticienne n’est pas attirée par les mondanités. Banni par elle le superficiel, ce qui la retient, ce qui l’intrigue, ce qu’elle veut explorer ce sont les failles portées en chaque individu… Longtemps on l’a considérée comme faible, or au cumul des ans elle s’est convaincue que cet état de faiblesse était une force finalement.

Comment appréhende-t-elle l’art contemporain, cet art qui se fait ici et maintenant ? Sourire ironique comme si je n’avais rien compris à sa démarche artistique. « L’art contemporain est un art de voyance, de sorcière tant il s’agit de percevoir l’environnement, le devenir humain d’une manière clairvoyante.

L’importance du faire

Expositions, livres, rencontres, films, spectacles qu’est-ce qui lui a le plus appris ? Riposte : « Tout » ! Mais le plus important à ces yeux c’est le faire. « On apprend tout le temps même à travers ce qu’on n’aime pas. »

On souligne souvent que l’art contemporain est élitiste. Vrai ou faux ? « Elitiste car il est victime de la haute finance, des lois du marché. Elitiste encore car l’Education nationale ne s’attache pas au don des enfants. Tous aiment dessiner. Pourquoi cette disposition n’est-elle pas durable sinon parce qu’on la laisse en déshérence à partir d’un certain âge » …

Plasticienne Zelda Colonna est également vidéaste, spécialiste de courts-métrages d’horreur. Encore faut-il s’accorder sur ce terme « horreur » qui pour elle signifie plutôt visionnaire y compris dans ses expressions ridicules ou grotesques. Au-delà de ses formes qui sont très diverses ce type de film elle le trouve créatif… et même apaisant. Son intérêt majeur n’est-il pas de poser des problématiques inhérentes à l’actualité ?! Cette conception est peut-être due à son goût pour le cinéma expressionniste, à son amour d’une certaine poésie, au Buñuel de « L’ange exterminateur » ou en référence au 7 è art de genre japonais.

Parler passion

Le Japon, elle en garde un souvenir inaltérable. Elle avait vingt ans et faisait dans ce pays un échange inter-universités. Le Japon, une année choc, riches en découvertes exceptionnelles. Admirative du cinéma fantastique du pays du Soleil Levant. Il n’empêche qu’elle s’est polarisée simultanément sur la banalité de l’ordinaire des jours, sur le mal être des gens. Des thèmes fertiles pour qui ne redoute pas de s’y investir.

L’artiste donne aussi des cours sur l’art. Parler de ce qu’elle aime devant un auditoire elle adore tant c’est génial et jouissif de faire partager une passion, tant cela implique de raconter des histoires et d’aller à la rencontre de l’esthétique d’autres créateurs. Et de remarquer : « Tout compte fait c’est inspirant ! »

Revenir en Corse après des études et des parcours à l’extérieur est un choix déterminant pour elle. « La Corse c’est chez moi. C’est là où je suis bien auprès de mes ancêtres et des fantômes de ma famille ». La Corse, c’est stimulant pour créer, c’est dire que c’est capital pour elle.

Seul regret le manque d’ouverture sur l’Italie et de structures pour qu’éclosent les nouvelles générations d’artistes.


Michèle Acquaviva-Pache

Zelda Colonna est née en 1975. Elle vit et travaille entre Corte et Paris.
Elle est docteur en arts plastiques et enseignante de philosophie.
Axe de ses recherches universitaires : le corps comme objet de la médecine dans sa dimension esthétique et métaphorique.
Elle réalise des films fantastiques.
Elle a complété sa formation à Londres et à Tokyo.

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