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Elections européennes : l'implacable verdict des urnes, Nathaly après François ?

Nathaly après François, une eurodéputée classée à l’extrême-droite jacobine après un eurodéputé autonomiste élu par des suffrages progressistes, écologistes, régionalistes ou autonomistes, cela semblera pour le moins paradoxal.
Élections européennes : l’implacable verdict des urnes


Nathaly après François, une eurodéputée classée à l’extrême-droite jacobine après un eurodéputé autonomiste élu par des suffrages progressistes, écologistes, régionalistes ou autonomistes, cela semblera pour le moins paradoxal. Pourtant, cela n’aura rien de surprenant. Cela relèvera même d’une logique.


Depuis juin 1979, les eurodéputés sont élus tous les cinq ans au suffrage universel direct, à partir de scrutins de liste, à la proportionnelle. En France, le scrutin a d’abord eu lieu à l’échelle nationale. En 2004, il a eu pour cadre huit circonscriptions régionales (Nord-Ouest, Sud-Est dont la Corse, Est, Massif-Central-Centre, Sud-Ouest, Île-de-France, Ouest, Outre-Mer). En 2019, il a été renoué avec une circonscription nationale. Le seuil de répartition des sièges n’a jamais été modifié : 5% des suffrages exprimés. Jusqu’aux dernières élections européennes, si l’on considère son faible potentiel électoral (moins de 250 000 inscrits), la Corse a plutôt été favorisée. Pour la représenter et la défendre au Parlement Européen et aussi l’ensemble des instances et cercles d’influence de l’Union Européenne, elle a compté plusieurs eurodéputés appartenant à différentes familles politiques : de septembre 1981 à juillet 1984, Nicolas Alfonsi (gauche, Mouvement des Radicaux de Gauche) ; de septembre 1981 à juillet 1984, Dominique Bucchini (gauche, Parti Communiste Français) ; de juillet 1984 à juillet 1994, François Musso (droite, Rassemblement pour la République) ; de juillet 1989 à juillet 1994, Max Simeoni (autonomiste, Unione di u Populu Corsu) ; de juillet 1994 à juillet 1999, Jean Baggioni (droite, Rassemblement pour la République) ; de juillet 2009 à juillet 2014 et de juillet 2019 à aujourd’hui, François Alfonsi (autonomiste, Unione di u Populu Corsu, Femu a Corsica). Par ailleurs, ont aussi siégé au Parlement européen dont le siège est à Strasbourg, des eurodéputés ayant des origines corses mais un parcours politique en dehors de Corse, qui, ponctuellement, se sont mis au service de la Corse. Notamment : de février 1997 à juillet 2004, Michel Scarbonchi, ayant des attaches à Cutuli è Curtichjatu (gauche, Parti Radical de Gauche) ; de juillet 1996 à juillet 2009, Marie-Arlette Carlotti, ayant des attaches en Haute-Corse (gauche, Parti socialiste) ; de juillet 2019 à aujourd’hui, Manon Aubry, ayant des attaches à Bunifaziu (gauche, La France Insoumise).


François Alfonsi ne siégera plus


Durant la présente et finissante législature (2019-2024), la Corse compte donc un eurodéputé : François Alfonsi. Ce dernier a été élu en juin 2019 sur la liste d’Europe Écologie Les Verts que conduisait Yannick Jadot. Il y figurait en neuvième position en qualité de candidat d’ouverture Régions et Peuples Solidaires (fédération, à l'échelle de la France, d’une quinzaine de partis régionalistes ou autonomistes dont Femu a Corsica et le Partitu di a Nazione Corsa). Tout en s’impliquant dans les grands dossiers européens, il a représenté et défendu les intérêts de la Corse et de ses habitants, notamment ceux relatifs à l’environnement, aux transports et à l’agriculture. Cependant, après le 9 juin prochain, François Alfonsi ne siégera plus. C’est d’abord Régions et Peuples Solidaires, dont il est d’ailleurs le président, qui l’a écarté de toute opportunité de réélection. En effet, en janvier dernier, affirmant vouloir féminiser et rajeunir, le conseil fédéral de Régions et Peuples Solidaires a désigné deux premiers candidats appelés à figurer sur une liste lors des élections européennes : Lydie Massard, 45 ans, eurodéputée sortante, membre de l'Union Démocratique Bretonne ; Maxence Helfrich, 25 ans, membre de la direction du parti autonomiste alsacien Unser Land. François Alfonsi n’a toutefois pas matière à nourrir des regrets car, même si Régions et Peuples Solidaires l’avait à nouveau désigné comme premier candidat, il n’aurait pas retrouvé son siège, et ce, pour au moins trois raisons. Primo : Europe Écologie Les Verts a refusé de reconduire son alliance électorale avec Régions et Peuples Solidaires. Deuxio : les enquêtes portant sur les intentions de vote indiquent que la liste Europe Écologie Les Verts que conduit Marie Toussaint, sera loin de renouveler le résultat à deux chiffres obtenu par la liste Yannick Jadot en juin 2019. Tertio : Régions et Peuples Solidaires n’a pu conclure une alliance électorale et constituer une liste qu’avec le Parti Radical de Gauche et quelques groupuscules. Or cette liste à laquelle François Alfonsi apporte d’ailleurs un soutien actif (voir ci-contre, La logique imprimée depuis Max Simeoni), qui est intitulée ETE (Europe Territoires Écologie), que conduit Guillaume Lacroix, le président de Parti Radical de Gauche et qui revendique rassembler des forces politiques pro-Europe et progressistes, ne dépasse pas 0,5 % dans les enquêtes portant sur les intentions de vote.


Nathaly Antona devrait siéger


Jusqu’à ces derniers jours, seule Manon Aubry, qui conduit la liste La France Insoumise et sera sans doute réélue, apparaissait pouvoir être en volonté de défendre des intérêts spécifiquement corses à partir du 9 juin prochain (si cela était, plus au titre d’un attachement affectif à ses origines que des idées de son parti). Ce n’est plus le cas car il est très probable que Nathaly Antona, la déléguée territoriale adjointe du Rassemblement national en Corse, siégera elle aussi dans l’hémicycle du Parlement européen. En effet, devant figurer parmi les vingt-cinq premiers des candidates et candidats de la liste Rassemblement national conduite par Jordan Bardella, elle est en position d'être éligible et de devenir la première femme corse à faire son entrée au Parlement européen. Ceci ressort des enseignements de tous les résultats et toutes les tendances issus des enquêtes portant sur les intentions de vote, ceux-ci indiquent en effet qu’au soir du 9 juin, la liste Jordan Bardella devrait obtenir environ 30 % des suffrages exprimes et donc 30 à 32 eurodéputés. Nathaly après François, une eurodéputée classée à l’extrême-droite jacobine après un eurodéputé autonomiste élu par des suffrages progressistes, écologistes, régionalistes ou autonomistes, cela semblera pour le moins paradoxal. Surtout si l’on considère qu’à l’occasion des dernières élections territoriales, la Corse a voté à près de 70 % pour des candidats autonomistes ou indépendantistes hostiles aux idées du Rassemblement National, et si on prend en compte que les élus de la Corse négocient un statut d’autonomie de l’île. Paradoxal, certes. Mais cela n’aura rien de surprenant. Cela relèvera même d’une logique. En juin 2019, à l’occasion des précédentes élections européennes, la liste du Rassemblement national que conduisait cette fois déjà Jordan Bardella, était arrivée en tête en Haute-Corse (27,73 %) et en Corse du Sud (29,54 %) et avait devancé la liste de Yannick Jadot (22,75 % en Haute-Corse, 21,06 % en Corse du sud) qui était soutenue par le président du Conseil exécutif Gilles Simeoni et par Femu a Corsica. En 2022, Marine Le Pen a obtenu 58,08 % des suffrages exprimés à l’occasion du deuxième tour des élections présidentielles. Alors, même si cela peut faire grincer des dents, que la Corse soit représentée au Parlement européen par un élue Rassemblement National, n’aura arithmétiquement, électoralement et politiquement rien d’illogique. Nathaly qui remplacera François, cela découlera de l’implacable verdict des urnes.


Pierre Corsi




La logique imprimée depuis Max Simeoni

Pour affirmer son soutien à la liste Europe Territoires Écologie 2024 que conduit par Guillaume Lacroix, Président de Parti Radical de Gauche, François Alfonsi a publié ceci.


La liste Europe Territoires Écologie 2024 est un rassemblement de forces politiques pro-Europe et progressistes […] Pour Régions et Peuples Solisaires , Lydie Massard, de l’Union Démocratique Bretonne est la numéro deux de la liste, et Maxence Helfrich, du parti alsacien Unserland, occupe la neuvième place. A souligner, en cinquième place d’ouverture, la candidature corse de Philippe Meynier, syndicaliste agricole bien connu aussi dans l’hexagone où il fait partie des instances dirigeantes de la filière ovin-caprin. Samedi 20 avril à Toulouse, la liste ETE 2024 a tenu son meeting de lancement de campagne, en présence de nombreux élus dont Jean Michel Baylet qui était Ministre de l’Aménagement du Territoire au moment de la création de la Collectivité Unique de Corse, et Sylvia Pinel, ancienne ministre et ancienne députée très active lors de la création du groupe Libertés et Territoires lors de la précédente mandature à l’Assemblée Nationale. Guillaume Lacroix a été le premier homme politique français d’envergure nationale à soutenir fermement le projet d’autonomie de la Corse après la signature de l’accord de Beauvau. A Toulouse, il a tenu lors du meeting un discours largement fédérateur, notamment pour les thématiques portées par RPS : langues régionales, démocratie territoriale, statut de résident dans les zones tendues de la spéculation immobilière […] La liste ETE 2024 est celle qui suit la logique imprimée depuis Max Simeoni en 1989 lors de son élection au Parlement Européen : consolider la solidarité des partis autonomistes et régionalistes dans l’ensemble français, s’inscrire dans un projet européen fédéraliste à travers l’ALE, et nouer des alliances permettant de mettre nos thèmes dans la campagne européenne, avec des candidats en position éligible si la liste atteint la barre de 5%.
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