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Dres pressions mafieuses intolérables sur les entreprises corses

Rencontre avec une future victime

Des pressions mafieuses intolérables sur les entreprises corses : rencontre avec une future victime


Il n’aura échappé à personne que ces temps-ci beaucoup d’engins de chantiers et autres véhicules professionnels sont incendiés. La raison en est simple : le racket, ce mal endémique dans cette île où pour certaines personnes le fruit d’un travail acharné peut être ponctionné après menaces et parfois passages à l’acte perpétrés par de véritables sangsues. Rencontre avec un petit patron du sud de la Corse qui a préféré garder l’anonymat.


De quelle taille est votre entreprise ?


Quelques dizaines d’employés. Nous pourrions d’ailleurs avoir une plus grande surface commerciale. Je veux grâce à vous attirer l’attention de vos lecteurs sur ce fait essentiel : en Corse on ne parvient pas à trouver des jeunes qui acceptent de travailler dans des métiers dits pénibles. Et il ne s’agit pas de salaires. Nous sommes prêts à très bien payer pourvu que la personne accepte de faire son travail convenablement, d’arriver à l’heure et de ne pas s’en aller après quelques semaines. Pour ma part, je vais être obligé de faire appel à des Africains. Même les enfants de Maghrébins ou de Portugais, qui sont des personnes vaillantes, prennent des mauvaises habitudes. J’insiste sur cet aspect du problème.

À quoi attribuez-vous cette difficulté à trouver des jeunes ?


Le rêve aujourd’hui est de devenir un fonctionnaire en mairie ou pire de bénéficier des minimas sociaux puis de se débrouiller avec de petits trafics ou justement en se mettant en bandes pour pratiquer le racket. Je vous dis ça et je suis Corse depuis des générations. C’est un constat qui me fait vraiment mal au cœur, mais qui est la réalité. Il y a du travail aujourd’hui en Corse. Nous sommes même prêts à payer des formations à condition que ceux que nous aurons formés restent en Corse. On ne peut pas à la fois demander la corsisation des emplois, se plaindre du chômage et se heurter à une absence de volontariat.

Pour en revenir au racket, en avez-vous eu vous-même l’expérience ?


Disons que je l’ai frôlé. Je vous explique. Ici tout se passe « entre amis ». Un jour, on vient vous voir et on vous explique qu’on peut vous aider à obtenir un marché de la commune ou même de la région. Mais le service se paiera par un certain pourcentage de la totalité du marché. J’ai des amis qui ont accepté. Le marché suivant, le pourcentage avait augmenté et quand ils ont voulu rompre l’accord, en une nuit ils ont perdu tous leurs engins de chantier. Puis les percepteurs sont revenus à la charge et leur vie est devenue un enfer.

Pourquoi n’ont-ils pas porté plainte ?


C’est ce qu’ils auraient dû faire, mais ça n’est pas dans notre mentalité. Et puis ils avaient accepté le pacte. Comment expliquer au procureur que vous étiez d’accord pour toucher dix pour cent sur un marché arrangé ? Le plus grave est que depuis que les grosses bandes ont été plus ou moins mises sur la touche, ce sont des petites bandes qui se forment et qui se cherchent des victimes.

Et d’après vous c’est fréquent ?


C’est très fréquent et ça prive ceux qui veulent rester honnêtes de marchés potentiels. Je pense que ça, c’est toujours passé comme ça. Mais aujourd’hui, c’est vraiment monté en puissance. L’atmosphère est détestable. Vous savez à quoi on en est réduit ? À baisser la tête, à ne plus mettre de signes distinctifs sur nos véhicules. C’est un sentiment terrible.

Et les particuliers ?


Eux aussi. On vient les voir, surtout les pinzuti et on leur explique qu’en Corse, il faut absolument être protégé pour ne pas avoir d’ennuis. Et ces personnes les aiguillent vers des microsociétés de protection. Micros ou pas d’ailleurs. La Corse a une telle réputation que la plupart du temps, les victimes paient. D’autant plus que beaucoup d’acheteurs continentaux sont des gens riches pour qui lâcher une petite somme par an n’est pas la mort. Mais l’atmosphère est lourde, très lourde.

Et comment voyez-vous l’avenir ?


Si rien ne change ou plutôt si nous nous enfonçons dans cette atmosphère poisseuse, on va tout droit vers des faillites pour les uns et des drames pour les autres. Il va arriver le moment où un honnête citoyen en aura par-dessus la tête de payer ou d’être menacé et se fera justice lui-même. C’est inévitable. Sinon il faut un sursaut de la société. Que les parents cessent de tout payer à leurs gamins, qu’ils leur redonnent le sens des vraies valeurs. Parce que les parents sont responsables comme les partis politiques qui n’ont que l’autonomie ou l’indépendance à la bouche et ne se préoccupent pas des questions qui minent notre société. Il faut que ça cesse.

GXC
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