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Bip... << Instants de grâce >>

De beaux poèmes en corse et en français
BIP…
« Instants de grâce »


BIP… à la première écoute cela résonne comme le son d’un spoutnik gravitant dans l’espace. Mais non, c’est un appel à se réjouir de beaux poèmes en corse et en français. Des poèmes qui content les merveilles du monde et ce qui peut blesser : le bonheur, le malheur, la misère et l’espoir.


Sous l’intitulé « Instants de grâce » les associés de la « Brigade d’Interventions Poétiques » se sont lancés, il y a peu, dans une lecture et des chants d’une brassée de poèmes du XIII è siècle au XXI è siècle. La poésie sous toutes ses formes, sous tous ses accents. La poésie sous toutes ses tonalités joyeuses ou mélancoliques. La poésie pour remercier la terre de ses splendeurs. La poésie pour rêver.

Des complaintes. Des ballades. Des chants de nostalgie. Des modulations de révoltes. Des odes au crépuscule ou à l’aube. Des plaintes d’amour ou de regrets. Des échos de la cruauté du vivre dans son petit chez soi au fil des jours ou face aux sanctions insupportables d’une société qui ne sait que juger et condamner.

Sur scène ils sont quatre : Ivia Medori, Raoul Locatelli qui disent les poèmes et les chantent ; François Fabre à l’accordéon et au chant ; Jean Etienne Langiani à la guitare et à la voix. Tous les quatre énoncent une poésie qui est un état de grâce ou en des moments de tumultes alternant avec une paix bienvenue, des moments qui filent au gré du temps tels les tissages aléatoires des Parques.

Ivia Medori par sa sensibilité, par son phrasé, fait vibrer les mots au plus profond du cœur des spectateurs … en corse et en français. Raoul Locatelli sait être sobre et émouvant quand il nous replonge dans « La ballade des pendus » de Villon. Tous deux nous donnent un « Pater Noster » de Prévert d’une rare puissance. Sans ce texte d’une intense rébellion est enjoint à Dieu de rester à sa place… c’est-à-dire au plus haut des cieux, là où il épargnera les vivants de sa colère. Autre texte phare « La complainte de Rutebeuf » par Ivia Medori et Jean Etienne Langiani en corse sur une musique de Ferré.

Côté musiciens François Fabre à l’accordéon est très convaincant par sa vivacité ou selon les poèmes par quelque chose qui ressemble à de la ferveur. Langiani à la guitare est souplesse et tendresse.

A la fin du spectacle, « La prière » de Francis Jammes, sur une musique de Brassens est bouleversante.

Michèle Acquaviva-Pache

***La Bip a tourné dans plusieurs médiathèques : au centre-ville de Bastia, à Corte, à Folleli, à Petretu Bicchiosano


ENTRETIEN AVEC RAOUL LOCATELLI

Le thème retenu par Le Printemps des Poètes pour cette année était la grâce. Ceci vous a-t-il séduit ?

Il nous a surpris et puis on a découvert que les thèmes choisis par Le Printemps des Poètes répondent à un ordre alphabétique ! L’an prochain il devrait commencer par « h » … Je me demande ce que cela pourra donner ? Quant à la grâce elle a d’abord une connotation religieuse mais on peut voir en elle la disposition d’un artiste pour accueillir la beauté. C’est le sens que nous avons retenu.


Qu’apporte de plus la musique au poème ?

En écoutant les retours du public on a appris que c’est bien de lire des poèmes sur scène mais qu’avec la musique c’est encore mieux. Cette remarque nous a été faite nombres de fois. Un texte chanté, une chanson c’est la moitié du spectacle car le poème devient alors plus accessible.



Comment mariez-vous poème et instrument de musique ?

On retient d’abord des chansons et des airs de musique sur lesquels on va coller des poèmes. On fait en sorte que de belles mélodies soutiennent bien les textes. On peut également opter pour des poèmes mis en musique par Léo Ferré ou Georges Moustaki et faire des reprises de leurs créations en ajoutant notre note originale.


Parmi les poèmes en corse nombreux sont ceux écrits par Patrizia Gattaceca et Jacques Fusina. Pourquoi ces poètes ?

Patrizia et Jacques on les connait au quotidien. Leurs poésies ont le sens de l’ellipse, les sens de la formule, le sens du jaillissement. Chez Gattaceca on trouve de véritables pépites. Chez Fusina son souffle poétique est particulièrement intéressant.


La BIP de Corse fait-elle toujours des tournées ?

Plus que jamais. Le Printemps des Poètes se passe normalement en mars. Nous, on l’a déplacé en mai pour des raisons de météo parce que mars est trop variable entre froid, pluie et beau temps, des caprices climatiques pas trop propices pour se déplacer en Corse.


Qui choisit les poèmes, les chansons ? Les intervenants ont-ils leur mot à dire ?

Le choix des textes nous le faisons Virginie Cervoni et moi. On fait ensuite des propositions à notre équipe tout en étant sensibles à leurs remarques. S’ils ne sont pas d’accord ils ne manquent pas de donner leur avis. Exemple : la guitare serait mieux que l’accordéon pour servir tel ou tel texte ; il serait préférable pour tel ou tel air de jouer plus lentement ou plus rapidement…


Le rôle des musiciens ?

Jean Etienne Langiani s’occupe des arrangements. Il adapte les musiques existantes à son style personnel. Il en va de même pour François Fabre, l’accordéoniste.


L’accordéon est-ce une nouveauté de cette année ?

C’et la deuxième fois que nous invitons François Fabre et son accordéon à venir nous rejoindre. On l’avait reçu une première fois pour une conférence sur Boby Lapointe. Comme il vit à Clermont-Ferrand il travaille à distance avec notre guitariste. François a à son répertoire du classique, du jazz. Il improvise aussi.


Dans « Instants de grâce » vous proposez une large palette de poèmes allant du Moyen Age à l’époque contemporaine. Est-ce pour vous diversifier ?

Il est vrai que d’habitude nous couvrons les XIX è, XX è, XXI è siècles. Avec « Pauvre Rutebeuf » écrit au XIII è siècle et « La ballade des pendus » du XV è siècle nous n’avons jamais remonté aussi loin. Pour un beau résultat on a recherché des enchaînements surprenants. Dans « Instants de grâce » je suis heureux d’avoir programmé le terrible poème de Jean Genet, « Le condamné à mort » mis en musique par Hélène Martin, qu’a repris Etienne Daho sur un de ses albums.


Quel genre de poésie se prête-il le mieux à être chanté ?

Léo Ferré a chanté Apollinaire, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire ; Moustaki Verlaine ; Jean Ferrat Aragon. Les poèmes qui s’accordent le mieux à être mis en musique sont ceux écrits en octosyllabes et en alexandrins à cause de leur rythmique.


Combien de temps préparez-vous à la mise au point d’un spectacle ?

En général quatre mois se passent entre le moment où l’on sélectionne les textes et où le spectacle est bouclé, prêt à être présenté au public. On s’occupe des interventions chantées, de celles de la guitare et de l’accordéon. A la fin on se retrouve tous en résidence d’artistes à Luri pour quatre à cinq jours de répétitions où l’on décortique le spectacle, où l’on soigne particulièrement l’alternance entre les poèmes.


Quel est l’histoire de la BIP ?

Au plan national les Brigades d’Interventions Poétiques sont une émanation du Printemps des Poètes. Les BIP existent depuis vingt-cinq ans. On en trouve dans plusieurs régions. C’est un mouvement informel dont le rôle est de porter la poésie sur le devant de la scène. Il peut arriver que des inconnus proposent certains textes ou fassent des suggestions. Notre tournée en Corse à le soutien de la CdC, des médiathèques insulaires, du Tavagna Club, de Luri. Le principe de base est la gratuité.


En quoi vos interventions, au lycée technique de Montesoro, ont-elles une tonalité particulière ?

Devant les lycéens on prend le temps d’expliquer les poèmes… Ils ont la chance qu’une professeure d’espagnol les fasse travailler en castillan, en français, en corse. Il arrive que des jeunes écrivent eux-mêmes des poèmes et que la BIP les lise en public.

Propos recueillis par M. A-P
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