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La France , de Dunkerque à Bonifacio balayée par le tsunami bleu marine

Ecrire que la dissolution a raté son but est un euphémisme.

La France, de Dunkerque à Bonifacio balayée par le tsunami bleu marine



Écrire que la dissolution a raté son but est un euphémisme. Non seulement le président Macro en agissant ainsi, n’a pas réussi avec ses propres forces à ériger un front efficace contre l’irrésistible ascension du RN, mais d’une certaine façon, il lui a offert les clefs du Palais. À l’issue de ce premier tour, le RN compte 40 députés d’ores et déjà élus, le NFP 32, le centre 3, Ensemble 4 et les divers gauche 1.


Une gauche en première ligne


Le président Macron a perdu son pari centriste. Son mouvement est réduit à l’étiage et ce qui reste va être partagé entre les baronnets survivants : Lemaire, Philippe, Bayrou, etc. La droite classique est désormais inexistante ou presque qui appelle désormais à un front républicain désordonné. Il reste une gauche qui au contraire de la droite est parvenue à se rassembler en quatre jours. Nous voilà donc dans une bien curieuse situation qui voit ceux qui hier encore s’envoyaient à la figure des noms d’oiseau, se désister les uns pour les autres au nom du danger RN. Il est vrai que l’heure est grave. Marine Le Pen a été élue sans difficulté en ses terres hier encore communistes. Plusieurs de ses lieutenants caracolent en tête de la bataille législative dans ces Hauts-de-France sinistrés par la crise. Mais si désormais c’est la gauche qui se trouve en première ligne contre le RN, la gauche a un impérial besoin des centristes pour l’emporter. Paradoxale situation qui veut que les pires contempteurs du macronisme soient obligés de faire appel à celui-ci pour espérer rester à niveau. La très forte participation — puisqu’elle de vingt points supérieurs à celle des précédentes législatives — inédite depuis 1997, ne paraît pas avoir réellement profité au NFP. L’alliance dépasse d’à peine quelques points le score obtenu il y a deux ans par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), quand elle avait rassemblé au premier tour 26,16 % des voix, devant la coalition présidentielle (25,8 %). Cette absence d’élan pourrait bien être le facteur d’une défaite de la gauche dimanche prochain. Certes la gauche reste solide dans la périphérie des villes et cette implantation permet à une quinzaine de députés sortants de LFI et à cinq socialistes d’être élus dès le premier tour. Quelques proches de Jean-Luc Mélenchon comme Sophia Chikirou, Sarah Legrain ou Danièle Obono ont retrouvé leur siège de même que l’écoféministe Sandrine Rousseau. Mais dans bon nombre de circonscriptions, l’incertitude demeure pour la coalition de gauche d’autant qu’elle recule dans toutes les zones rurales.

Une droite désormais majoritairement dans l’extrême droite


10 %, tel est le score obtenu par la droite classique. Jamais dans l’histoire de la France républicaine, elle n’a été aussi faible. Elle espère obtenir cinquante députés à la condition que les désistements de la gauche lui viennent en aide. Or, elle refuse de se prononcer en cas de duels NFP-RN. René Rémond, historien et professeur de droit, avait classé en 1954 les droites en groupes bien distincts. D’une part, il affirmait que la dualité droite-gauche structurait la vie politique en France, ce qui était contesté à l’époque et qui l’a été plus récemment par le surgissement du macronisme. Il avançait par ailleurs qu’il existait trois droites : la droite contre-révolutionnaire issue de Thermidor, la droite orléaniste ou libérale et la droite bonapartiste qu’il appelait aussi césarienne. Or le Rassemblement national ne saurait être remisé dans la première catégorie en ce qu’elle ne remet pas en cause les fondements de la République. Néanmoins, par son passé, il en garde les stigmates. Mais depuis son aggiornamento, il appartiendrait plutôt à cette droite bonapartiste qui englobait en 1958 le gaullisme. Le macronisme serait la droite orléaniste suivant les traces du giscardisme. Or la situation planétaire marquée par les incertitudes, les crises et les peurs poussent les peuples vers les droites autoritaires voir vers l’illibéralisme. Ils choisissent la diminution des libertés au profit de plus de sécurité. Nous en avons un exemple tragique au Salvador et en Honduras où les présidents ont choisi de lutter contre la criminalité organisée en construisant d’immenses camps de concentration pour y emprisonner les membres de gangs qui terrorisaient la population. Mais ils ont accompagné ces mesures répressives plébiscitées par la population d’une restriction tout aussi terrifiante des droits de l’homme et une absence criante de mesures sociales. Inutile de préciser que la droite classique a été totalement phagocytée par cette extrême droite caudilliste.

La chute de la maison communiste et les radotages de la LFI


Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste français (PCF) a été éliminé dès le premier tour par le candidat du Rassemblement national (RN), Guillaume Florquin. Ce dernier l’a emporté, avec 50,3 % des voix, dans la 20e circonscription du Nord, tandis que M. Roussel n’a totalisé que 31,2 %. Ainsi le RN dévore à pleines dents un territoire autrefois dominé par les socialistes de Guy Mollet ou les communistes de Maurice Thorez. Fabien Roussel possédait pourtant une forte implantation dans ce bastion communiste, qui avait vu les députés PCF se faire élire sans discontinuer depuis 1962. Toujours à l’extrême gauche, le score dérisoire du NPA ne mérite pas même une ligne. Mais à la LFI, les lignes vont devoir bouger. Parmi les quatre candidats à qui LFI n’avait pas accordé son investiture, Alexis Corbière et Danielle Simonnet arrivent en tête. Raquel Garrido est troisième, devancée par son rival du parti, tandis qu’à Marseille, Hendrik Davi se place deuxième, derrière le RN. Il y a donc de fortes chances que l’issue du scrutin donne lieu à des règlements de compte au sein d’un mouvement tenu d’une main de fer par Jean-Luc Mélenchon en dehors de toute procédure démocratique au sens classique du terme.

Un second tour qui va amplifier le premier tour


C’est une vague de fond qui a parcouru le territoire français et non pas simplement une vague de surface. Emmanuel Macron qui avait élu grâce à un vent de dégagisme est battu par un phénomène similaire qu’il a provoqué volontairement. Le score du RN a été quasiment multiplié par deux par rapport aux législatives de 2022, lorsque le RN avait atteint 18,7 % au premier tour. La formation d’extrême droite parvient même à accroître sa dynamique par rapport à son résultat des Européennes (31,37 %), grâce à l’alliance nouée avec le président du parti Les Républicains (LR), Eric Ciotti. L’aventure Zemmour s’achève lamentablement laissant le RN seul postulant pour une droite extrême. Le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qui constituait jusqu’en 2022 une entrave majeure à la formation d’extrême droite, longtemps en marge des institutions, favorise désormais son ascension, de par son effet amplificateur pour le parti arrivé en tête. C’est dire si les résultats du second tour risquent de devenir une caisse de résonance dans une France malade de ses injustices et de ses rancœurs. La dynamique RN s’inscrit dans un mouvement plus large en Europe qui voit cette tendance autoritaire notamment dopée par la question migratoire et celle de la sécurité, prendre ses marques de l’Est à l’Ouest de notre vieux continent. Mais plus généralement, c’est un réflexe conservateur qui accompagne un rejet d’une supposée élite accusée de préférer le cosmopolitisme au nationalisme, les autres aux siens. Il ne fait aucun doute que le RN va donc voir son score amplifié par le second tour et la France s’enfoncer dans une crise institutionnelle comme elle n’en avait pas connu depuis l’effondrement de la IVe République et l’accession au pouvoir du général de Gaulle grâce au coup d’État d’Alger en 1958.

Un rassemblement puissant, mais un programme sans avenir


Le RN a déjà commencé à mettre de l’eau dans le vin de son programme afin de le rendre potable pour les institutions françaises, mais aussi pour les marchés qui détiennent la dette colossale accumulée par la France depuis une génération. Qu’il soit bénéficiaire d’une majorité absolue ou relative, la France va entrer dans une période de turbulence. D’abord parce qu’à l’extrême gauche, le résultat sera contesté dans la rue ; ensuite parce que le président Macron a laissé ouverte des situations catastrophiques notamment dans les territoires ultramarins ; enfin parce que le président lui-même va avoir du mal à accepter une défaite causée par sa propre inconséquence. Mais le mouvement est d’une telle ampleur qu’il ne saurait être contesté sauf à vouloir mettre en danger les fondements même de la démocratie et de la République. Et ça ne serait pas la moindre des bizarreries que de voir un Mélenchon encourager des mouvements de rue lui qui se targuait il y a quelques années d’être l’incarnation même de la République comme Louis XIV était celle de l’État. Le RN ne pourra appliquer qu’une partie de son programme et encore. Deux leçons sont à retenir de ce premier tour.
La première est que tous les mouvements d’opinion sans exception sont éphémères. En période de crises multiples comme celle que nous vivons, le mouvement dégagiste est de plus en plus rapide même pour des courants d’idées dits historiques comme le mouvement nationaliste en Corse qui risque de subir une défaite cruelle après neuf ans de gestion.
La deuxième est qu’il faut raison garder. L’accession du RN au pouvoir n’est pas celle de Hitler en janvier 1933 et Mélenchon n’est pas le nouveau Lénine qui irait diriger la prise du Palais d’Hiver. Néanmoins, ces élections traduisent une mutation inédite de la société française et il faudra bien en tenir compte.

Rendez-vous pour le lendemain du second tour.

GXC
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